Exaspérez-vous (mais d'exaspération lente) !

Publié le 22 août 2017 par Delanopolis
Notre fidèle lecteur Hauben Meisen nous a concocté une nouvelle d'été à peine romancée et qui parle de justice et d'égalité ... C'était il y a déjà quelques semaines, ou quelques mois...

Deux fois que des gars un peu fatigués perdent leurs nerfs et envoient, qui un paquet de tracts à la figure de l'une, qui un aller et retour sur celle de l'autre. Et ça M'sieur Fernand, c'est mal.

A leur propos on a entendu tout et son contraire, mais deux choses sont certaines : il s'agit plutôt d'hommes a priori respectables, fort peu accoutumés à ce genre de pratique, mais qui semblent n'avoir pas eu d'autre manière de pouvoir évacuer leur exaspération (stade qui suit celui de l'indignation, révérence gardée à feu Stéphane Hessel, dont l'âge, comme le statut le protégeaient de tout écart comme de toute sanction).

Comme d'autres, ils ont obéi à une pulsion.

D'autres diraient : "Ha'scusez moi, m'sieur, ma tête, elle commandait plus à mes poings, y'a eu comme un blanc (Oh, ça va, pas de procès d'intention)". Sauf que pour nos deux gars, exaspérés par des provocations incessantes, voire des murmures insultants (j'ai lu ça quelque part), trop, c'était trop.

Attention ami lecteur, je te vois venir. Non, non, non, trois fois non, je ne cherche pas à excuser ce comportement inqualifiable qui rappelle les heures sombres des plus sombres heures de notre Histoire.
Mon propos est ailleurs. En réalité, en vous narrant ces navrantes anecdotes, je m'interroge sur le rôle des forces de l'Ordre comme sur celui de la Justice de notre pays (en laquelle nous avons tous confiance, cela va de soi).

Revenons quelques années en arrière.

Dans un département dont vous devinerez aisément le nom, pardon le numéro, une bande de délinquants.

Cessons, par pitié, de les appeler jeunes… Bon, d'accord, puisque vous y tenez ; une bande de jeunes délinquants, donc, se distrayait agréablement avec des scooters en échappement libre, sous les fenêtres d'un pauvre vieux qui n'en pouvait plus. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre, on ne parle que de ce genre de rodéos, par exemple dans Le Figaro : de Paris à Nice, c'est la grande mode. Un autre point commun à Estrosi et Hidalgo, pour les autres, relisez leurs classiques !

Bon, j'y retourne.

L'ancien avait tout essayé : se rapprocher des loulous qui l'avaient menacé de mort (c'est le minimum), appeler la police ("désolé, on ne peut rien faire", tube connu toujours en tête du hit-parade), porter plainte (refus constant des forces de l'Ordre, air non moins connu), peut-être même avait-il écrit au procureur (qui avait classé sans suite), déménager (mais pour aller où avec ses maigres ressources et une municipalité préemptant systématiquement les logements à un prix dérisoire, interdisant de facto tout départ).

Par malheur, notre pauvre vieux se souvint qu'il détenait un fusil. Il arriva, ce qui devait arriver. Deux vies furent brisées cet après-midi là ; l'après-midi, car cette triste histoire n'aurait pu, en effet, se passer le matin : après une nuit de deal et le ramassage des compteurs, les jeunes délinquants, le matin, ils dorment (avez-vous remarqué comme je maîtrise la syntaxe hollandienne ?).

Oui, deux vies brisées : celle du délinquant arrêté en plein vol et celle de l'excédé. Pour le coup, la police fut prompte et la justice rapide. Qu'est devenu le meurtrier ? Est-il toujours là où il fut envoyé ? Y est-il mort ?

Hier ou avant-hier, j'apprends que le baffeur dont je vous parlais dans le premier épisode - sévèrement tancé par le juge pour son délit, oui Monsieur ! - a été embastillé derechef pour un mois. Mazette ! Ça fait cher la paire de claques (peut-être n'y a-t-il eu qu'une seule claque d'ailleurs).

Autre chose encore : pendant la campagne présidentielle, on m'a rapporté l'histoire suivante...

Une jeune femme, qui avait le tort de faire la campagne de François Fillon, remettait, le jour du vote, des affiches sur les panneaux électoraux officiels de son candidat. Dans ce cas précis, ceci est parfaitement légal, mais totalement ignoré des braves policiers en faction, qui voulurent tout d'abord l'embarquer. Rien de moins.

Ladite jeune femme fut alors abordée par une autre femme - nettement moins jeune et carrément moins jolie, je peux le dire, j'ai vu les photos et, de surcroît, j'ai un goût très sûr - se déclarant journaliste, portant caméra et appareil photographique. La jeune femme (la jolie, pas la moche ; ne faites pas semblant de ne rien comprendre, comment voulez-vous que je m'en sorte si vous m'interrompez tout le temps ?) consentit à s'exprimer pour dire à l'importune qu'elle s'opposait formellement à être filmée ou photographiée. On peut la comprendre.

L'intervieweuse n'y aurait pas survécu en se comparant le soir devant sa psyché (c'est quoi une psyché M'sieur ?). Ayant une piètre opinion de la gente journaleuse - et qui pourrait lui en vouloir ? - la jeune et jolie jeune femme, pour s'assurer d'avoir été bien comprise, indiqua à la moche qu'elle la prenait en photo, au cas où sa mémoire (celle de la moche ; allez, on s'accroche !) lui ferait défaut et que sa frimousse (celle de la jeune et jolie jeune femme, ne faites pas exprès) se retrouverait à la une d'un baveux aux antipodes de ses convictions. Parce que j'ai oublié de vous le dire, la moche et pas si jeune que ça femme, était une ultra gauchiste provocatrice, probablement une agente Nord-coréenne infiltrée, c'est tout dire.

Bon.

Relisez le début et mettez-vous deux secondes à la place de la moche. Qu'en conçut-elle alors ? De ? De ? Oui, là-bas au fond ? De… l'exaspération, bien sûr !

Paf ! Un bourre-pif envoya valser la jeune et jolie jeune femme dont l'iPhone (ouais, j'aime bien Apple et alors ?) filma cette scène dont la première prise fut la bonne. Oui coco (j'me comprends). Les policiers qui se disaient que le temps se couvrant, il serait bon de regagner leur commissariat, furent interceptés à temps par… par ? Par la jeune et jolie jeune femme. Suivez un peu, voyons ! Si ça continue, c'est moi qui vais être exaspéré !

Bon, j'abrège. Direction l'Hôtel Dieu, le commissariat, plainte et patati et patata. Si vous avez un vague souvenir de ce que vous lûtes au cours des épisodes précédents, croyant deviner la suite et pour faire les malins, vous allez me dire que la moche femme fut embastillée derechef pour, disons dix ans fermes à l'île du Diable.

Eh non ! Comme l'aurait dit Normal1er : pas de bol !

Epilogue.

Le proc' a classé la plainte sans suite. Pas plus difficile que ça. Egalité mais pas trop !

La morale de ces histoires, c'est que ceux qui par bêtise, ignorance, méchanceté, fainéantise provoquent - ou laissent provoquer - l'exaspération de leurs concitoyens pourraient - de temps en temps - être considérés comme ayant une part déterminante dans les violences qu'ils ont dé-li-bé-ré-ment provoquées, directement ou non.

Après ça, si je ne suis pas affiché sur le mur des cons, c'est à n'y rien comprendre.

Tout cela n'est-il que le fruit de ma délirante imagination ? Si d'aucuns se reconnaissent dans cette prose, ce sera pure coïncidence !

Hauben Meise