Prologue
Le Tour de Rien est une épreuve cycliste qui part de n’importe où pour arriver ailleurs.
Pour participer au Tour de Rien, l’unique condition est d’avoir un vélo, parce qu’un cycliste sans vélo c’est un piéton et que les piétons ne pédalent pas, ils marchent.
À ce propos, il faut relever que, si le règlement du Tour de Rien autorise les participants à mettre pied à terre, ils devront toutefois continuer leur route en poussant leur vélo. L’utilisation de ce mode de déplacement sera limitée à un faisceau de circonstances exceptionnelles : bris mécanique, pente trop raide ou obstacle dont le franchissement sur deux roues pourrait mettre en péril l’intégrité physique du cycliste, découragement passager face au goudron qui fond sous le feu d’un soleil de plomb, manque d’oxygène, envie de ralentir ou de se poser, à la fraîche, pour regarder le monde comme il est beau, regarder l’été, le ciel or-bleu et les merveilleux nuages qui parfois vous dégringolent sur la gueule, au plus profond d’une forêt, à mille lieues de tout lieu habité, toute l’eau du ciel qui vous tombe sur la tête, par baquets entiers, par pleines lessiveuses, vous n’êtes plus trempé, vous êtes inondé, traversé, transpercé par l’orage qui vous tient au creux de ses mains et vous glace jusques au fond du cœur.
Il faisait beau pourtant, le jour était si bleu.
Vous êtes parti léger. Un bidon, une pomme, le téléphone et un peu d’argent.
Et maintenant, offert presque nu à l’écume aigre de ces torrents déchaînés, vous rentrez la tête dans vos épaules en maudissant le jour où vous avez reçu votre premier vélo.