Pentacles tracés au sol, bougies gothiques dégoulinantes, poulets égorgés, séances de spiritisme, exorcismes et lévitations se profilent donc au gré d'une tracklist qui promet d'être à la hauteur de la noirceur que In This Moment avait réussi à imposer grâce à deux albums au cours des 5 dernières années, dont la réussite avait été saluée autant par le public que par la presse.
C'est avec beaucoup d'enthousiasme (du grec "enthousiasmós", possession divine) que nous découvrons « Ritual » ; déjà la première piste satisfait notre appétit pour le surnaturel. Il faut dire que In This Moment sait y faire dans l'art de créer les ambiances. "Salvation" en est un excellent ambassadeur. Non sans rappeler "The Infection", l'introduction au précédent album, "Salvation" dénote un aspect plus religieux et spirituel avec la présence de voix d'enfants et de choeurs masculins.
"Oh Lord" nous emmène dans les quartiers vaudous de la Nouvelle-Orléans où nombreux sont ceux qui exercent encore le métier de prêtre-sorcier. La référence à la démone juive Lilith – la première femme avant Eve selon la légende, écartée des textes anciens pour sa conduite libertine et rebelle – confirme l'attrait particulier de Maria Brink pour la sexualité et crée là un mélange tout-à-fait adéquat. Après ce premier titre très sud-américain, In This Moment s'offre une confession avec Rob Halford (Judas Priest) sur "Black Wedding" : un duo empreint de western avec ce piano sans doute récupéré dans un vieux saloon du 19ème siècle. Le groupe ose ensuite toucher à "In The Air Tonight", dont les milliers de covers depuis trente ans ne sont jamais arrivées à la cheville de l'originale. Il propose une version intense et planante du tube de Phil Collins. Et le résultat n'est pas déplaisant.
Se comparer à Jeanne d'Arc (vierge et martyre du Moyen-Âge) lorsqu'on s'appelle Maria Brink ne peut être pris que comme une provocation. Il y a quelque chose de Marilyn Mansonesque dans ce morceau audacieux et entraînant. Le bûcher de "Joan of Arc" vire au baptême par le feu avec "River of Fire" : un rappel de l'ambiance de "Oh Lord" de par sa lenteur et sa lourdeur. Les flammes font définitivement partie de l'univers de cet album avec encore "Witching Hour" qui s'inspire des chasses aux sorcières : un titre plus dansant avec un rythme syncopé et ce riff à la guitare à cheval entre James Bond et Lucky Luke. "Twin Flames", plus lente, passe en revanche inaperçue.
"Half God Half Devil" a été choisie comme titre d'une tournée qui vient de reprendre en juin aux Etats-Unis. Côté Devil, il n'y a aucun doute à avoir ; c'est du côté God que Maria Brink a toutes ses preuves à faire. Une dualité qui traduit avec justesse la réalité des contradictions humaines. Contradictions et incompréhensions, puisque "No Me Importa (I Don't Care)" possède un titre espagnol qui n'est pourtant pas prononcé une seule fois. On dit que l'espagnol est la langue pour s'adresser à Dieu ; allons donc demander une explication pour ce titre.
Impossible de ne pas penser à "Blood" à l'écoute de "Roots" avec ces paroles insensées sur les couplets. Une confirmation de l'allégeance aux abysses, puisque Maria se réjouit du mal qu'on lui fait et avoue puiser ces racines dans l'antre. L'album conclut par "Lay Your Gun Down", susurrée comme à son habitude, et qui une nouvelle fois a beaucoup de mal à nous convaincre. Mais elle traduit sans doute une invitation à pénétrer dans le mystique.
On s'attendait peut-être à des atmosphères plus hantées tout le long de l'album, mais les effets de voix gutturaux sont toujours aussi présents. Bien que l'album soit plutôt court, on entre facilement dans l'univers sombre qu'il nous offre. In This Moment appose son sceau dément sur un monde masculin où la femme a souvent du mal à se faire respecter. Mais ce n'est pas le cas de Maria Brink, qui incarne à la perfection Lilith, une reine des succubes contemporaine : dominatrice et complètement libérée. Alors n'hésitez pas, laissez-vous posséder et joignez-vous au « Ritual » !