537ème semaine politique: comment le terrorisme a réveillé la bêtise politique française.

Publié le 19 août 2017 par Juan

 

Où l'on évoque cette horreur à laquelle on s'habitue, sans pour autant l'accepter, cette violence qui appelle la bêtise, le manque de sang-froid et de retenue, les esprits qui s'échauffent et ceux qui font ainsi le jeu des terroristes. 


La semaine précédente s'était achevée sur des images improbables de nazis vociférant dans les rues d'une ville de Virginie, une voiture précipitée contre les contre-manifestants pour tuer et blesser, et un défilé de milices surarmées. La suivante s'est achevée dans l'horreur d'un nouvel attentat à Barcelone, répliquant le modèle de Nice le 14 juillet 2016.
Terrorisme nazi
 A Charlottesville en Virginie, la menace de dépôt de la statue d'un général sudiste a attiré une manifestation de quelques milliers de soutiens. On a pu voir défiler des skinheads, des pères de famille exhibant leur tatouage de croix gammées, des suprémacistes blancs et autres antisémites vociférant leur haine de l'autre, ou des nostalgiques du KKK. Ce défilé était une démonstration de force, il visait à faire peur, à terroriser "l'ennemi". Il n'en fut rien.
Devant ces images d'un autre temps, la cohorte des contre-manifestants a au contraire rapidement grandi, puis des heurts, des coups de poing ou de matraque, et, samedi, l'un de ces nazis précipite sa voiture pour tuer et blesser dans la foule. Cet attentat est mollement dénoncé par Trump le samedi. Puis le président se reprend le dimanche.
Mais mardi, Trump récidive devant la presse. Il fait un parallèle entre ce général Lee et George Washington. Il explique qu'il y avait des gens "bien" parmi ces suprémacistes blancs qui brandissaient leurs torches comme au sale temps du KKK. Il renvoie dos-à-dos nazis et anti-nazis, "ultra-droite" et antifa. La presse américaine découvre le terme antifa, sans se souvenir que parmi les plus efficaces des premiers antifascistes, il y avait justement ces milliers de GIs américains venus déloger Mussolini dès 1943 puis Hitler l'année suivante de l'Europe de l'Ouest. Ce mardi-là, une partie conservatrice de l'Amérique politique refusait cet héritage et oubliait ses racines.
La réaction indigne de Donald Trump a suscité quelques réactions sans surprise et indécentes en Sarkofrance.
La pudeur élyséenne a d'abord surpris. Alors que les manifestations d'indignation se multiplient aux États-Unis et ailleurs, Macron suit sa ligne clémente, incroyablement clémente avec le clown dangereux de la Maison Blanche. Comme lors de l'épisode nord-coréen où il fut l'un des rares dirigeants occidentaux à éviter de critiquer Trump, Jupiter une fois encore épargne Trump d'une quelconque critique directe. L'attentat de Charlottesville serait-il une affaire si strictement intérieure qu'il ne mérite rien de mieux ? Macron attend donc 5 longs jours, perché dans sa luxueuse villégiature marseillaise, entre deux visites touristiques scénarisées, pour pondre un tweet tout en retenue: "Aux côtés de ceux qui combattent le racisme et la xénophobie. Notre combat commun, hier comme aujourd'hui. #Charlottesville".
Macron n'est pas seul. Quelques médias français dérapent. Valeurs Actuelles dénonce le "racisme anti-blanc", d'autres minimisent l'évènement, n'évoquant que "violences" et "voiture folle".
Macron est agacé. Son agenda de communication est perturbé. Des paparazzi l'ont attrapé alors qu'un joli publi-reportage à la gloire de Brigitte était diffusé sur ELLE. Jupiter a du menacer des photographes qui insistaient pour refuser le cadre lisse et scénarisé de son agence de publicité. Il exige d'être accompagné quand il rend visite aux joueurs de l'OM (en exhibant leur maillot), ou quand il visite la Cité Radieuse, "en toute discrétion". Il a porté plainte pour harcèlement contre l'un d'entre eux, sans rire. Pauvre Jupiter... Le Point titre quand même sur "Macron, l'homme le plus puissant du monde".
Qu'il est dur d'être aimé par des cons.
Ne riez pas.
Terrorisme islamiste
Jeudi, le temps s'arrête. On oublie Charlottesville. Un terrorisme chasse l'autre. Et le second frappe à nos frontières, chez nos voisins espagnols, avec toujours cette ampleur inégalée. 
A Barcelone, 13 personnes sont tuées et des dizaines d'autres blessées par un terroriste au volant d'une camionnette dans les Ramblas. Puis la police tue 5 terroristes dans une station balnéaire à une centaine de kilomètres de là.
L'attentat de Barcelone réveille la bêtise et la mauvaise foi.
Trump, qui expliquait 48 heures avant qu'il avait attendu 36 heures avant de réagir sur les évènements de Charlottesville, réagit dans les minutes qui suivent l'annonce du drame. Il prône immédiatement l'exécution sommaire des terroristes (nous sommes sûrs que cet argument fera hésiter nombre de candidats à l'attentat-suicide... sic!) en tweetant sur une légende dénoncée par les historiens.
Marine Le Pen et sa troupe de suppôts braillards, qui étaient visiblement tous plongés dans un profond coma politique tant ils étaient silencieux depuis les défilés nazis de Charlottesville, se réveillent sur les réseaux sociaux et devant les micro pour brailler contre le "terrorisme islamissssssste". Il y a des épouvantails plus efficaces que d'autres, n'est-ce pas ? "Il ne faut JAMAIS s'habituer à vivre avec le terrorisme islamiste" explique-t-elle.  
Et rien sur les nazis ?
La droite n'est pas en reste. Quelques supporteurs de Fillon expliquent sur les réseaux sociaux que les attentats auraient été évité si leur ancien mentor avait été élu à l'Elysée (sic!): "Français, vous pouviez agir contre le totalitarisme islamique en votant François Fillon, et ne l'avez pas fait. Assumez" écrit ainsi un élu du mouvement d'ultra-droite Sens Commun. D'autres sous-ténors accusent la macronista de refuser de nommer l'ennemi. "le terrorisme islamiste quand aurez-vous le courage de le dénommer pour le combattre Emmanuel Macron?" tweete Nadine Morano. "Nous devons nommer le mal pour le combattre!" renchérit Eric Ciotti.
Vraiment ? Qui ne sait ni ne veut voir que ce terrorisme est islamiste ? Qui ne comprend que Daech attend précisément cette "reconnaissance" officielle ?
Le Figaro publie opportunément un reportage sur ces "460 enfants revenants" de Daech: "les services ont comptabilisé environ 460 enfants résidant sur le territoire de Daech susceptibles de rentrer." Le titre claque comme un appel au stress: "la moitié des mineurs listés par la France en Irak et en Syrie ont moins de 5 ans."
Fichtre ! Tremblez, citoyen(ne)s, la menace est partout, ces lionceaux de Daech sont partout.
Les morts de Barcelone n'étaient pas enterrés que d'autres "fous de Dieu" poignardent au hasard dans les rues de Turku, en Finlande. Deux passants sont tués. Ils en ont tué 18 à Ouagadougou, 5 jours avant. Paris n'a pourtant pas illuminé sa Tour Eiffel.
La violence reprend ses droits. Sur les ondes radiophoniques, le sinistre Gérard Collomb déboule pour justifier sa prochaine loi sécuritaire: "Nous avons besoin de protéger les Français. De permettre à nos services d'agir. C'est le sens du projet de loi sécurité que nous portons." Vraiment ? Ce projet, présenté fin juin en Conseil des ministres, adopté en première lecture par le Sénat le 18 juillet, est à l'agenda de l'Assemblée pour la rentrée. Ce projet intègre toutes les mesures de surveillance attentatoires à la vie privée dans le droit commun, et autorise la création de zones temporaires de protection de manière préventive où les contrôles de sécurité seront similaires à ceux en pratique en situation d'état d'urgence (perquisitions, fouilles corporelles, etc.).
Bienvenue chez Gattaca !
La violence permet aussi d'éviter de parler des sujets qui fâchent. A l'international, la déstabilisation du Moyen Orient ou les surenchères diplomatiques de Trump. En France, le programme de destruction sociale de Jupiter. Le gouvernement plancherait sur le remboursement intégral des frais d'optique et dentaires, une promesse de campagne du candidat Macron. Trop cher, préviennent les syndicats médicaux. Mais la ministre de la Santé pense avoir trouvé la martingale, les mutuelles de santé. Autre sujet, tout aussi social, le ministère du Travail prévient qu'il faut supprimer 110 000 emplois aidés. La rentrée sera chaude puisque la moitié de ces postes bénéficient à l’Éducation nationale. La droite cache sa joie.
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La violence appelle la bêtise. A Charlottesville, il fallait au contraire expliquer que les nazis et autres suprémacistes qui manifestaient ne représentaient qu'eux-mêmes, c'est-à-dire des racistes, malgré la dénomination mensongère ("unité des droites") dont ils avaient affublé leur manifestation. A Barcelone comme à Turku ou à Ouagadougou, Daech est dans une démarche similaire, s'attribuer une représentativité au nom de l'islam qu'il n'a pas. Ne pas comprendre cela revient à passer à côté de l'Histoire.