Rémi Atangana Abéga : « En finir avec le cinéma des caméras en bois et des micros en bambou »

Publié le 24 juillet 2017 par Africultures @africultures

Dates clef de Rémi Atangana Abega
 1958 : Naissance  le  1er octobre à Bikok (Cameroun)
2008 : Formation à Libreville par l’OIF, diplômé de la filière images de la francophonie
2009 : Fonde la Banque d’Images de l’Afrique Centrale (BIMAC) et sa société de production et de distribution,
2010 : Comptoir de Production et de Commerce – COPCO Pictures
Principaux films produits
Moyen-métrage : Un Royaume à part (2000)
Série télévisuelle : Péripéties, 24x26min  (2016)
Rémi Atangana Abéga se définit comme simple consultant culturel camerounais. Après plusieurs formations, dont celle de la filière Images de la Francophonie, et avoir travaillé dix ans à la coopération française, il se considère à la fois comme un homme de dossier et de terrain en étant producteur et réalisateur. Il a participé au développement des rencontres audiovisuelles de Douala (ex Festival Africain de Télévision (FESTEL) devenu les Rencontres Audiovisuelles de Douala)[1] à travers le Centre de Promotion de l’Audiovisuel et d’Action Sociale (CEPAAS) une ONG qu’il préside à Yaoundé. Il travaille avec l’UNESCO sur le projet Banque d’Images d’Afrique Centrale (BIMAC).

Comment êtes-vous arrivé au métier de producteur?
J’ai d’abord commencé à vouloir distribuer des œuvres, mais peu sont de qualité dans notre région, d’abord en termes techniques. Les mécanismes de production et de financement sont défaillants, et les institutions en charge du cinéma n’existent plus dans notre pays. Je suis donc devenu producteur, car il existe des scénarii mais les œuvres ne vont pas se produire toutes seules. Et il y a peu de personnes qui soient en mesure de porter un projet de façon efficiente et de le conduire à bonne fin.
Je n’ai pas suivi de formation spécifique pour cela, et ceux qui enseignent à l’université ne font pas la production, mais de la littérature et/ou de la théorie du métier. J’ai suivi beaucoup de stages, des recherches. Sans oublier mon passage dans les Services culturels français à Yaoundé ; la Francophonie m’a aidé à avoir une formation de qualité en 2008 à Libreville, pour affiner les bases nécessaires au montage de projets culturels et de production de films. Signalons que le producteur doit être à même de mobiliser les ressources humaines, matérielles et financières, mais le producteur africain doit être un peu plus que ça, avec un aspect de mobilisation institutionnelle en sus de l’artistique et de la mobilisation financière. Il doit convaincre ceux qui ont le financement, les institutions et les pouvoirs politiques, et c’est la difficulté en Afrique. S’il a la capacité de mobiliser les ressources humaines, de choisir le bon technicien et le bon matériel selon la destination de son projet, il doit être en mesure de convaincre le bailleur de fonds, car nous ne sommes toujours pas au cœur d’une véritable économie culturelle ou du cinéma en Afrique.
Au Cameroun, il existe des ressources humaines de qualité, que ce soit au niveau technique ou artistique, avec certains comédiens de valeur. Et nous avons un réservoir de belles histoires, de belles épopées dans la culture africaine. Malheureusement le scénario ne fera pas un bon film si le scénariste est très affamé, s’il a des problèmes personnels et pas assez de recul pour sortir quelque chose de ses tripes. Il manque une classe intermédiaire d’intermittents du spectacle pour aider ce secteur d’activité à se développer et à pouvoir arriver à une économie qui peut permettre au cinéma et à l’audiovisuel africain d’évoluer dans la sérénité. Il faut des mesures réglementaires pour permettre de créer ce statut social, favoriser ces vocations et stabiliser des emplois dans ce secteur.

Est-ce qu’il y a un travail de lobbying,  de conscientisation de la sphère publique de la part des professionnels camerounais ?
Les pouvoirs publics en Afrique aujourd’hui ont comme seule préoccupation de durer aux affaires !  Pas de savoir si le peuple et les talents ont besoin de rêver ou de s’interroger sur la trace qu’ils laisseront eux quand ils auront disparu. Ils ne se soucient pas de savoir comment est-ce qu’ils seront vus par l’histoire quand ils ne seront plus là, ni de savoir si la manière de raconter leur vécu va permettre de les grandir ou de les rabaisser. Parfois d’aucuns écoutent d’une oreille plus ou moins attentive, et d’autres vous disent qu’ils n’ont pas le pouvoir de décision, et la décision ne se trouve nulle part. La solution est pourtant dans nos têtes, nous qui marchons nus pieds, qui n’avons pas de quoi manger, malheureusement nous n’avons pas le pouvoir de décision.

Alors est-ce qu’il existe une différence entre l’image du politique et l’image de la nation ?
Non, c’est la même image ! C’est l’image de ceux qui sont là, de ceux qui veulent qu’on les voit, qu’on les voit toujours, qu’on les revoit encore. Mais est-ce qu’ils ont du recul par rapport à la manière dont ils sont vus ? Est-ce qu’à un moment donné il y un miroir qui renvoie ce que les autres perçoivent de ce qui se passe ? Moi j’ai l’impression que non, et ça ne les préoccupe pas du tout. J’aurai un discours plus tranché si j’étais un homme politique, je dirai les choses autrement, mais j’estime que j’ai un métier autrement plus noble et plus intéressant qui est la culture.
Mais le politique définit l’économie, le social et le culturel, et il faut espérer qu’un jour on trouve des oreilles vraiment plus attentives, et/ou des gens qui par un sursaut de vouloir ressembler à un tel, ou de mobiliser d’autres puissent faire mieux que maintenant. Sur X personnes qui sont en hibernation ici, une arrive à avoir la latitude ou l’audace de faire des choses pour changer ; il faut toujours un pionnier, il faut toujours un exemple ; mais en même temps, la pesanteur est si lourde qu’à un moment donné, les pauvres épaules de la personne qui prend l’audace pour porter succombe sous le poids. Mais bien évidemment, il faut que des initiatives continuent de donner de l’espoir, et la culture étant un domaine où il y a un bouillonnement d’idées et une interchangeabilité de concepts, je pense que c’est un terrain sur lequel on doit effectivement en attendre beaucoup.

Dans le domaine du cinéma l’Afrique francophone a toujours été dominée par des images venues d’ailleurs. Est-ce que vous pensez que la problématique aujourd’hui est en train de changer ?
Tout le monde a soif aujourd’hui de voir ses propres images. Même les vieilles mamans de mon village voudraient qu’on mette en valeur leur condition sociale. Mais la production coûte cher, et c’est un métier qui doit être bien soutenu et règlementé. La soif seule ne suffit pas ; on ne va pas demander aux diffuseurs internationaux de cesser de diffuser en Afrique parce que l’Afrique a soif de ses propres images. On ne va pas demander à l’Afrique ou aux producteurs africains de fabriquer des images sans moyens et dans des conditions absolument difficiles, parce que la fabrication des images voudrait que l’on soit dans un modèle économique qui permette que ça se renouvelle ; on ne va pas reconquérir les espaces auxquels vous faites allusion simplement avec un film ou deux, alors qu’il y a 365 jours dans une année, et 24h par jour avec 20 heures d’images étrangères auxquelles vous êtes malheureusement habitués.
Nous avons hérité d’un système colonial qui soutient la production, mais qui a contribué à fragiliser et à mettre un peu l’économie audiovisuelle sous un attentisme béat. L’Afrique centrale souffre de difficultés d’ordre réglementaires, avec une forte piraterie et la population aujourd’hui n’est pas constituée en un marché. Alors il est très difficile d’amortir une œuvre cinématographique produite dans cette zone, d’autant que nos chaines de télévision utilisent l’argent public pour acheter des telenovelas qui concurrencent nos productions et aliènent les populations : comment sortir de cela? Pourquoi ne pas aider ceux qui veulent travailler dans ce secteur, avec la possibilité d’exercer dignement leur métier, d’instaurer un modèle économique et de pouvoir donner au public ce dont il a besoin ?

Comment réguler le marché ? Est-ce que vous vous participez à un réseau pour peser sur les pouvoirs publics?
Il est très difficile d’assurer la banquabilité d’un projet de film, de pouvoir assurer au prêteur qu’il peut retrouver ses fonds à telle période, dans telles conditions, sur tel marché. Ici, tout le monde est responsable des moyens à mettre en œuvre pour faire fonctionner une économie culturelle. Il faut d’abord des pouvoirs publics, qui règlementent, administrent, régulent et soutiennent ; il faut ensuite des organisations professionnelles qui orientent et animent les activités et défendent des intérêts professionnels ; il faut enfin des porteurs de projets et des artistes qui créent des œuvres. Mais malheureusement les organisations professionnelles en Afrique ne sont pas fortes et n’orientent guère l’espace culturel ; or ce sont les syndicats qui, par leur action de défense d’intérêts peuvent avoir la capacité de convaincre ou d’influencer les pouvoirs publics, et pas les individus isolés, quel que soit leur force ou leur projet.
En outre, ne peuvent se mettre en réseau que des gens qui travaillent dans les mêmes conditions, qui ont les mêmes objectifs et qui ont les mêmes capacités opérationnelles et les mêmes moyens. Si vous créez un réseau où il faut cotiser 100 000FCFA, et qu’il y a deux ou trois collègues qui n’arrivent pas à cotiser, vous n’êtes plus un réseau. Ou si vous êtes dans un réseau avec un collègue qui se trouve dans un pays où la réglementation n’est pas la même que la vôtre, vous n’êtes plus dans le réseau, parce que vous ne pouvez pas vous fixer les mêmes règles et objectifs. C’est pourquoi les réseaux sont difficiles à monter. Si nous avons la même réglementation, les mêmes objectifs, nous travaillons dans les mêmes conditions, avec des caméras en bambou, des micros en bois, on peut réussir à faire un réseau dans les mêmes conditions. Mais si on a avec nous quelqu’un qui travaille avec une caméra numérique et les autres avec des caméras en bambou, on ne sera pas dans un réseau communautaire ; nous n’arriverons pas à poursuivre les mêmes objectifs que ce soit du point de vue économique, culturel ou  patrimonial, ou du point de vue purement social.

De temps en temps, une œuvre sera produite dans des conditions artisanales et va percer et faire le buzz … c’est l’exception qui confirme la règle. Mais du point de vue purement sociologique, ce n’est qu’une infime partie du résultat qu’on pourrait en attendre. Si vous voulez un résultat plus important, ce n’est pas en faisant du bricolage ou bien en attendant qu’une œuvre puisse sortir de nulle part pour faire le buzz dans les familles ; il faut avoir une démarche et un mécanisme qui permettent à plusieurs œuvres de pouvoir y arriver. Sinon on ne parle pas d’une économie ; quelques collègues arrivent à faire des choses par ci par là, moi-même je fais pareil, mais ce n’est pas suffisant, il nous faut des mécanismes, il nous faut mettre en place une réglementation et un environnement qui permette de favoriser l’émergence d’une industrie ou d’une économie audiovisuelle stable : le bricolage permet de faire des choses, l’artisanat aussi, mais ce n’est pas ça l’économie audiovisuelle.

Quelle est votre économie personnelle ?
Moi je n’en vis pas, je bricole, je fais des choses quand je peux mais je ne peux pas dire que je vis de ça. Certains s’en sortent en faisant mal vivre les autres, ils font un film sans payer personne, mais s’il paye tout le monde, c’est très difficile de s’en sortir.
Dans les cinq prochaines années il faut que j’aligne au moins cinq projets de qualité, qui permettent de montrer le chemin, mais je n’en vis pas encore. L’argent peut venir de l’OIF, de Canal+ et de quelques autres partenaires, mais il faudrait que les pouvoirs publics fassent leur part et prennent le premier risque sur certains projets de production, qui ne sont pas forcément des projets banquables, ni économiquement rentables, mais qui ont une valeur culturelle sûre. Il leur revient de créer les conditions d’un environnement favorable, et faire de ce secteur d’activité un secteur important.
Lorsque la France dépasse le cap des 300 films par an, qu’est-ce qu’il reste à l’Afrique sur ce marché ? Lorsque les Américains viennent avec leurs grosses productions et leur argent pour bousculer ce système avec 550 films par an, comment fait-on pour trouver une place là-dedans? Lorsque vous revenez en Afrique où tout le monde vit avec moins d’un dollar, comment fait-on pour établir un modèle économique et une démarche audiovisuelle ? Je pense que, comme les Chinois, il faut que chaque peuple se construise un système, un modèle économique pour ses images et la meilleure œuvre de chaque pays pourra aller conquérir des espaces ailleurs.
En Occident, le risque du producteur est minimisé du fait qu’il y a d’autres mécanismes qui l’accompagnent, mais lorsque ces mécanismes sont absents ou désuets en Afrique, qui est-ce qui accompagne le producteur africain ? Si le producteur africain prend des risques, alors que le producteur français ou européen a un maximum de risques déjà supporté par le peuple européen à travers des mécanismes que les pouvoirs publics ont mis en place, on est dans des systèmes qui ne peuvent pas être comparés, c’est à dire que, d’un côté les peuples européens soutiennent la production et elle existe, et en Afrique les peuples à travers les pouvoirs publics, ne soutiennent pas et on a du mal à exister.

Le marché peut produire des opérateurs qui défendent systématiquement leurs intérêts et arrivent à mettre sur pied les conditions d’une économie, comme au Nigéria, mais l’Etat du Nigéria a aussi mis 400 milliards de francs CFA dans le cinéma nigérian l’année passée. On est dans un système où il y a eu une joint venture véritable entre public et privé pour accompagner cette industrie, parce qu’ils ont compris que ça permet de booster le secteur  et créer des emplois, ça galvanise l’économie, il y a des impôts, etc.

Quelles sources de financement existent aujourd’hui au Cameroun ?
De manière spécifique, aucune en ce moment ! Mais le Ministère des Arts et de la Culture apporte quelques appuis sporadiques qui ne permettent pas de produire quoi que ce soit. Les institutions et partenaires tels que l’OIF, Canal+ et d’autres apportent aussi de temps en temps des soutiens qui accompagnent. Mais, ce n’est pas à eux de dynamiser ce secteur dans nos pays, c’est le rôle des Etats. Ils peuvent ainsi appuyer à 5000€, 15000€ ou un peu plus, par ci par là, mais ce n’est pas structurant ni viable.
De plus, nos télévisions ne préfinancent rien. Mais en fait, qui sont les promoteurs de chaines de télévision ? Des gens qui n’ont ni la formation, ni les moyens qui vont avec, et parfois aucun objectif professionnel. C’est le « M’as-tu vu », le « Je peux faire », avec ou sans les moyens, et en bricolant plus ou moins. Mais ça ne peut pas créer ou soutenir les autres pans de l’économie audiovisuelle, notamment la production. C’est à dire que, si quelqu’un vient faire une chaine de télévision sans les capitaux qui vont avec, il est évident qu’il prendra des œuvres piratées le long des trottoirs et ira les diffuser à l’antenne. Et comme il n’y a pas une réglementation et les moyens coercitifs, ni préventifs pour l’en empêcher, malheureusement ça va continuer de prospérer ainsi. Et celui qui a fait ces œuvres, comment vit-il ? Et les techniciens qui y travaillent dans le pays ? Ils sont obligés de faire autre chose à côté, ou de quitter le métier et perdre leurs aptitudes et leur technicité.

Est-ce que l’existence de ces mécanismes a desservi à long terme la production, en favorisant une course individuelle pour aller prendre de l’argent aux guichets, mais aussi empêcher l’émergence d’une prise de conscience des pouvoirs publics nationaux ?
Oui en effet, mais ces mécanismes ont un intérêt parce qu’ils montrent ce qu’il faut faire. Et ces petits financements au coup par coup sont souvent déterminant, mais ils ne peuvent pas constituer la base d’une économie par laquelle l’audiovisuel d’une nation peut se développer. Il faut que les pouvoirs publics s’en inspirent pour développer des systèmes, et implémenter des mécanismes plus importants. Si jamais un jour arrive un Jack Lang camerounais, il réussira à sa manière à donner un coup de pied, et les choses pourront se redresser plus rapidement.
Je sais que la plupart de mes collègues n’ont pas le même discours. Ils ont l’impression qu’ils peuvent faire autrement et réussir, et d’autres diront qu’ils ne font plus rien du tout, mais si l’on pense que le cinéma peut porter toute une culture, exprimer le moi profond des peuples, alors cela devient l’affaire de ces peuples. L’œuvre cinématographique ne disparait pas avec son réalisateur et a une valeur culturelle inestimable. Mais que restera-t-il de ces ministres qui se la roulent carrosse alors que les artistes marchent nus pieds et dorment affamés ? Qui pensera à eux dans 200 ans ?
Bolloré a commencé à investir dans des salles au Cameroun à Douala et puis Yaoundé, que pensez-vous de cette initiative privée d’un grand groupe français ?
Toutes les initiatives privées occidentales sont des démarches qui montrent le chemin, et méritent d’être capitalisées par les pouvoirs publics. Je pense que cet homme d’affaires est dans son rôle en Afrique, mais son exemple ne peut pas bâtir une économie audiovisuelle à l’africaine, il doit servir d’appoint aux actions des pouvoirs publics et des professionnels pour que des structures se développent, que des réseaux se constituent. Il ne faut pas simplement que les politiques viennent inaugurer des salles, mais qu’ils consolident cette dynamique pour bâtir des circuits qui permettent aux films africains de circuler et d’être amortis sur le continent.
Nos peuples ont soif de leurs images, pas des images américaines ou du Brésil qui nous ont abruti pendant tant d’années. Nous voulons voir dans nos salles des images africaines, mais qui ne sont toujours pas produites ! Alors si on construit des salles de cinéma aujourd’hui pour nous ramener du cinéma chinois, américain, ces salles vont mourir ! Mais si on produit des films africains, des films où nous nous voyons, où nous nous reconnaissons dans notre vie de tous les jours, ces salles vont se remplir, et c’est ça qu’il faut faire aujourd’hui. Je crois que l’Afrique a de belles histoires à raconter et notre cinéma peut très bien se consolider avec des acteurs africains, avec des belles histoires africaines, avec des techniciens et une économie propre du cinéma africain. Distribuer dans les salles uniquement des films étrangers… c’est déjà du passé ça !

Aujourd’hui, si il y avait un cadre réglementaire, quelle serait la production que vous aimeriez mettre en œuvre ?
Je pense qu’avec les techniciens de qualité qui commencent à être de plus en plus nombreux en Afrique, avec des histoires africaines racontées avec beaucoup de subtilité et de pertinence, on peut faire des films qui soulèvent chaque année la Palme d’Or de Cannes ! Avec des histoires tout à fait authentiques, des histoires originales, pour peu qu’on respecte la technique et toutes les considérations artistiques qui vont avec. Le cinéma africain et ‘’Les caméras en bois’’ n’a jamais existé, ou alors c’est fini ! Il faut tourner avec de ‘’vraies caméras et abandonner les micros en bambou’’, les films calebasse, il faut les mettre de côté, et raconter de belles histoires dont l’Afrique regorge, mais vraiment dans un style artistique et technique qui puisse plaire, et je crois que les gens vont redécouvrir l’Afrique.
Quand j’évoque Cannes, ce n’est pas en terme de référence, c’est en terme de rencontre avec les autres cinématographies, c’est à dire séduire les autres avec ce que nous faisons. Des histoires africaines racontées avec la technique adaptée, les africains en sont capables, et après, on pourra dire « ça va en Afrique » ; je pense que mes compatriotes africains ont suffisamment de mérite aujourd’hui pour le faire.

Comment voyez-vous votre avenir en tant que producteur ?
Moi je n’ai pas d’avenir, j’ai plutôt un passé (rire). J’ai un projet avec l’UNESCO et l’Etat de mon pays que je souhaite redynamiser, pour donner un cadre à l’Afrique qui permettrait d’aller à la conquête de l’occident. Quand j’ai mis sur pied la Banque d’Images de l’Afrique Centrale (BIMAC), c’était pour avoir une structure susceptible de porter une dynamique vers cette reconquête, parce que les autres viennent toujours ramasser des choses bien de chez nous, les transforment et nous les ramènent souvent plus chères après ; nous pensons qu’il est possible d’en faire autant dans le domaine culturel aujourd’hui avec l’aide des nouvelles technologies.

Propos recueillis par Mariam Aït Belhouciné, Claude Forest et Akouvi Founou à Ouagadougou en février 2017 ; entretien réalisé par Claude Forest.

[1] Sur cette activité, voir l’entretien d’Olivier Barlet avec Rémi Atangana, Télévision et cinéma au Cameroun, Africultures, publiée le 11 mai 2006.