L'art byzantin.
Nous choisirons, comme « origine
des
temps » de l'art occidental, le moment où il se
détache
de l'art byzantin, encore fortement influencé
par
l'Orient.
L'art
byzantin, qui a régné en gros du VIe au
XIIe
siècle, de Byzance à Ravenne, est l'art de sociétés
fortement
hiérarchisées et sacralisées. Mosaïques et
peintures
d'églises présentent le Christ, la Vierge ou les
saints,
sous la forme de « grands » de ce monde. Le
Christ
n'est pas le Crucifié, mais le « Pantocrator » (le
souverain
tout-puissant). L a Vierge n'est pas la mère
douloureuse
mais la « Reine du monde », « en majesté» .
Le langage artistique propre à exprimer cette
«
transcendance » (c'est-à-dire cette coupure avec le
monde
quotidien des hommes, cette supériorité par
rapport
à lui, sans commune mesure avec lui) est
nécessairement
aux antipodes du réalisme : toute
particularité
terrestre du geste ou de l'expression est
exclue.
La couleur n'est pas celle qui éclaire la réalité et
l'histoire
profane. Elle n'émane pas d'une source de
lumière
naturelle. Elle est le rayonnement propre à des
êtres
célestes. Elle vient du dedans d'eux-mêmes. Les
fonds
d'or ou d'azur sombre font surgir les figures
comme
des apparitions qui ne se situent pas dans un
décor
ou un paysage terrestres.
La
perspective même est hiérarchique et non
géométrique
: la grandeur des figures ne dépend pas de
leur
éloignement par rapport à nous mais de leur
importance
dans la hiérarchie absolue des êtres.
C'est
le monde vu du point de vue de Dieu.
L'art gothique.
La peinture et la sculpture
gothiques
sont nées d'un changement profond de la vie
des
hommes. Après le rétablissement des grandes routes
terrestres
et maritimes de l'Europe (après l'arrêt des
invasions
et les Croisades), avec la renaissance d'une
économie
marchande et d'une civilisation urbaine,
avec
le brassage des hommes et des idées qu'impliquent
ces
échanges, les hiérarchies millénaires sont ébranlées.
Il
y a moins de distance entre les hommes, et moins de
distance
entre la terre et le ciel. L'attention se porte sur
ce
qui, sur la terre, est en train de changer. Dieu même
paraît
plus proche des hommes.
En
sculpture, en peinture, comme dans le théâtre
des
« mystères », c'est d'un Christ humanisé que l'on
retrace,
jusque dans le détail prosaïque, les événements
de
la vie qu'il a vécue parmi les hommes : aux images
triomphantes
succèdent les images douloureuses de la
Flagellation,
de la Mise en Croix, du désespoir de la
Mère
lors de la descente de Croix. De simples gens sont
mêlés
à la famille céleste, en continuité avec elle.
Le
langage plastique exprime cette nouvelle
manière
d'exister devant Dieu et les hommes : aux
symétries
hiératiques de l'abstraction byzantine va se
substituer
l'expressionnisme gothique, où l'arabesque
vivante
sert à souligner le geste de l'homme, où
l'émotion
déforme les corps ou fait grimacer les
visages.
L'espace
n'est plus celui du ciel, mais celui de la
terre
où se déroule une action. Il se compartimente,
comme
dans le théâtre des « mystères » où chaque
scène
se joue dans un cadre séparé. La lumière naît de
sources
naturelles : le ciel, le feu d ' un foyer ou de
torches.
Les couleurs sont le simple vêtement des
choses
quotidiennes.
C'est
une humanisation du divin.
Roger Garaudy
Comment l'homme devint humain
Pages 302 à 305 [ A SUIVRE SUR L'ART DE L'HOMME OCCIDENTAL]
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