[Critique] LA PLANÈTE DES SINGES : SUPRÉMATIE
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Titre original : War For The Planet Of The Apes
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Matt Reeves
Distribution : Andy Serkis, Woody Harrelson, Steve Zahn, Terry Notary, Karin Konoval, Amiah Miller, Judy Greer, Toby Kebbell…
Genre : Aventure/Science-Fiction/Suite/Saga/Adaptation
Date de sortie : 2 août 2017
Le Pitch :
Les singes emmenés par César sont repliés dans la forêt, dans une base secrète. Non loin de là, le Colonel, un personnage violent qui a juré d’exterminer tous les singes, ne cesse de chercher à asseoir sa suprématie. À la tête d’une véritable armée, il lance un raid contre César et s’attire ainsi la colère de ce dernier. Jusqu’alors réticent à tuer les humains, le leader des singes va se lancer à corps perdu dans la bataille…
La Critique de La Planète des Singes : Suprématie :
La décision de la 20th Century Fox, il y a quelques années, de redémarrer la saga de La Planète des Singes en a laissé plus d’un dubitatif. Après tout, cela n’aurait pas été la première fois qu’un film culte fait l’objet d’un lifting hasardeux. La Planète des Singes avait d’ailleurs déjà été « refait », par Tim Burton, et le triste souvenir de cet échec à la fois commercial et artistique était encore frais dans les esprits de ceux qui redoutaient qu’une autre tentative ne piétine un peu plus le chef-d’œuvre de Franklin J. Schaffner. Et pourtant… La Planète des Singes : les origines est sorti et a mis tout le monde d’accord ou presque. En se proposant de raconter tout ce qui s’était passé avant, de reprendre la mythologie au début, le film de Rupert Wyatt a misé juste et a remporté tous les suffrages. Trois ans plus tard, La Planète des Singes : l’affrontement a confirmé le bien-fondé de la démarche et a proposé un spectacle à la fois étonnamment sombre mais aussi totalement respectueux du matériau d’origine. Deux films bénéficiant en outre de l’extraordinaire maîtrise des techniciens des effets-spéciaux concernant le procédé de la performance capture, sublimé par ailleurs par Andy Serkis, l’un des spécialistes de la chose, qui l’avait inauguré en interprétant Gollum puis King Kong chez Peter Jackson. Et voilà que sort enfin le troisième et ultime volet de cette nouvelle trilogie. La Planète des Singes : Suprématie qui, et c’est une bonne nouvelle, continue à honorer les engagements de toute la saga, en refermant ce qui restera comme l’un des plus beaux et flamboyants chapitres de l’histoire du blockbuster contemporain…
Rendons à César ce qui appartient à César
Toujours aux commandes, après avoir repris la main pour le volet précédent, Matt Reeves organise dans ce troisième épisode l’ultime bataille des singes devenus intelligents et des hommes. L’occasion pour lui de pousser les compteurs dans le rouge, de prendre de nouveaux risques et de nous impressionner encore et toujours, grâce à des effets-spéciaux sans cesse plus aboutis. Car impossible de ne pas parler en premier lieu de cet aspect quand on entend traiter de La Planète des Singes. Car comment parvenir à faire mieux que ce que nous propose ce troisième film sur un plan strictement visuel ? Déjà vraiment sublimes et hyper réalistes dans les épisodes précédents, César et ses singes sont ici tout simplement bluffants. Il n’y aucune différence entre les humains, ou encore les chevaux, à savoir ce qui n’a pas été retouché par ordinateur, et les singes, qui sont incarnés par des acteurs grâce à la performance capture. Les gros plans sur les visages permettent de souligner la précision du procédé et un nombre incalculable de détails, tandis que les scènes d’action confirment la fantastique virtuosité d’une technologie poussée à son paroxysme dans un film qui s’impose sans mal comme l’un des plus spectaculaires et des plus impressionnants vus ces dernières années. Surtout qu’en l’occurrence, La Planète des Singes : Suprématie fait montre de la même volonté d’exploiter ses effets pour servir son récit et non pour se livrer à une démonstration de force qui, à court terme, aurait rendu le film plutôt vain. On pourrait probablement en parler des heures. Louer le talent des personnes derrière ces prodigieuses avancées techniques mais aussi applaudir à tout rompre et complimenter Andy Serkis (le vrai héros de la performance capture, qui a su imposer César comme l’un des personnages les plus mémorables du cinéma des années 2010) et les siens pour justement savoir utiliser les outils mis à leur disposition afin d’insuffler de la vie et donc des émotions à leurs rôles. On pourrait expliquer comment cela est devenu possible pour tenter de mesurer le chemin parcouru depuis les balbutiements d’une science au service du grand spectacle mais au fond, ce serait prendre le risque de dénaturer la magie. Car magique, La Planète des Singes : Suprématie l’est assurément, quand bien même il ne s’apparente pas du tout à une féerique ballade dans les bois en compagnie de gentilles créatures plus vraies que nature, mais à un combat sans pitié pour la survie dans un monde violent en plein chaos….
Esprit de conquête
Suprématie continue de marcher sur les traces des suites du premier film, sorties en 1970 et 1973. Surtout sur celles de La Conquête de la Planète des Singes et de La Bataille de la Planète des Singes, de J. Lee Thompson, qui racontaient plus ou moins la même histoire que la nouvelle trilogie dans son ensemble, à savoir l’apparition d’un virus meurtrier pour les hommes et la montée en puissance des singes et de leur leader, César. Un rapprochement qui permet au passage de davantage considérer les récents longs-métrages comme des remakes et non comme des préquels même si le parti-pris artistique suffit à conférer toute la légitimité nécessaire à Matt Reeves et à Rupert Wyatt avant lui…
Le risque était donc ici de répéter un peu la dynamique de L’Affrontement, en remplaçant simplement l’antagoniste humain. Et en effet, il y a un peu de ça même si au fond, ce n’est absolument pas gênant tant le scénario prend bien garde d’également faire avancer la trame pour venir, sur certains points bien précis, raccrocher les wagons avec le classique avec Charlton Heston. Toujours avec déférence et respect, ce qui est crucial. Le respect justement, La Planète des Singes : Suprématie en a beaucoup pour son public, contrairement à tant de blockbusters actuels. On a ici affaire à une œuvre profonde et intelligente, qui ne se repose pas sur ses lauriers et qui, en plus de proposer un vrai grand spectacle généreux et surprenant, fait bien attention à nourrir une dramaturgie prégnante et ainsi une émotion qui atteint des sommets. Difficile de ne pas y aller de sa petit larme à plusieurs moments clés, et tout spécialement à la fin. Une conclusion remarquable qui finit de faire entrer la trilogie au Panthéon des plus grandes réussites du genre.
Mais… Car il y a malheureusement un mais, Suprématie est un poil trop long. Au milieu, quand les enjeux sont posés et que se dessine la résolution de l’intrigue, les choses piétinent un peu. L’ennui est encore loin mais la rythmique accuse quelques ratés. Avec un bon quart-d’heure en moins, le film aurait gagné en dynamisme c’est certain, même si cela n’entame pas la puissance évocatrice du show et sa propension à soulever et à entretenir des questionnements en phase avec notre époque et ses problématiques humaines et politiques (ce qui revient au même).
Animal Kingdom
Vibrant pamphlet pour la cause animale, La Planète des Singes : Suprématie est aussi un monument de cinéma humaniste, qui évite tout manichéisme tout en faisant preuve d’une sensibilité à toute épreuve. Le duel que se livrent César et le Colonel, le nouveau méchant campé avec une force impressionnante par le charismatique Woody Harrelson, cristallisant tout ce que la trilogie a à dire sur les sujets qu’elle aborde. Sur la fragilité de la paix et sur la nécessité de s’unir malgré les différences pour subsister. D’une pertinence totale, parfaitement calibré, parfois difficile car brutal et extrêmement sombre, La Planète des Singes : Suprématie assoie justement une certaine suprématie sur le tout-venant des productions à gros budget actuelles et prouve qu’il est encore possible, avec une grosse dose de talent et une propension à jouer, dans la mesure, sur les nuances, sans jamais perdre de vue ses objectifs et son histoire, de livrer un cinéma fédérateur et malin. On peut parler de prouesse. Encore une fois…
En Bref…
Parfaite conclusion d’une trilogie aussi spectaculaire que viscérale dans sa capacité à véhiculer des émotions fortes et des thématiques actuelles traitées avec une intelligence rare, La Planète des Singes : Suprématie pêche juste par une gestion parfois hasardeuse du rythme dans sa seconde moitié. Ce que la fin se charge de faire oublier, avec toujours cette sincérité assortie de cette grande générosité. Un spectacle total, d’une perfection technique inouïe, à l’intelligence rare. Le genre de film qui reste longtemps en tête après la projection.
@ Gilles Rolland