Véronique Desjardins a été l’épouse et la collaboratrice d’Arnaud Desjardins pendant 25 ans. Parallèlement, elle a dirigé la collection des Chemins de la Sagesse à La Table Ronde. Ecrivain et conférencière, elle exerce à présent ses activités dans la ligne de ce qu’Arnaud Desjardins lui a transmis.
On ne peut parler de voie spirituelle sans parler du maître qui l’incarne : quelqu’un qui a lui-même reçu un enseignement, l’a mis en pratique et à son tour le retransmet. Quelle est la particularité d’un maître ? Il tranche complètement par rapport à toutes les relations que nous avons pu connaître auparavant car il n’a envers nous aucune attente, pas de projections ni de contre-transfert. Il est là juste pour notre bien, notre transformation, notre bonheur. La rencontre avec un maître nous guérit peu à peu, au plus intime de nous-mêmes, parce que, pour la première fois, nous sommes non seulement aimés de façon inconditionnelle par quelqu’un qui croit en nos potentialités mais nous sommes vus dans notre essence.
Qu’est-ce qu’un chemin spirituel ?
On ne peut pas dire : « Je suis une voie spirituelle » en accumulant les stages, un séjour en Inde, ou quelques week-ends avec un chaman. Une voie, c’est vraiment s’engager avec un maître particulier sur une voie précise. Il existe des voies dévotionnelles, des voies de la connaissance, des voies de l’action qui correspondent aux différents tempéraments des disciples. Le choix se fait en fonction de notre affinité avec telle ou telle voie mais surtout par rapport au maître. Là, s’opère une rencontre de cœur à cœur qui nous touche dans la profondeur, comme si quelque chose était déjà inscrit. Je pense à Matthieu Ricard qui, du jour au lendemain, a vu sa vie basculer en voyant dans une salle de montage un film d’Arnaud, Le Message des Tibétains. Il a croisé le regard de Kangyur Rinpoché sur ce montage et il a décidé de partir rencontrer ce maître. Toute sa vie a été orientée différemment. On reconnaît le maître - on pourrait employer l’expression coup de foudre car il y a quelque chose de cet ordre, de non rationnel.
La différence entre religion et voie spirituelle ?
On peut dire qu’une religion - le christianisme, le bouddhisme, le judaïsme ou l’islam - est le socle qui permet au plus grand nombre de recevoir, dès l’enfance, une éducation et des valeurs qui donnent un sens à l’existence et les relient à une dimension plus vaste qu’eux-mêmes. Mais la spiritualité est réellement une voie de transformation : certains êtres humains ressentent un appel intérieur : ils ne sont pas sur terre juste pour avoir une famille, faire carrière et cumuler toutes sortes d’expériences. L’avoir ne leur suffit pas, ils sentent un besoin de croissance intérieure et se mettent en quête d’un maître qui puisse les guider - un directeur de conscience dans le christianisme, un maître soufi dans l’islam. En fait, on trouve des maîtres spirituels dans chaque tradition mais la quête intérieure concerne quelques individus, moins nombreux que les fidèles d’une religion. Aller à la messe le dimanche est très différent de suivre un chemin dans une voie au long cours, nous accompagnant toute notre existence. Il ne s’agit pas de sombrer dans une approche élitiste opposant la religion pour le peuple et le chemin spirituel pour les élus. Simplement, chacun n’a pas la même soif. Chaque religion engendre d’ailleurs des mystiques remarquables (comme par exemple Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Hildegarde de Bingen au sein du christianisme). En leur temps, on les considérait comme des maîtres pour leur communauté ; mais il y a aussi celui qui se nourrit des préceptes de l’Evangile avec une telle consécration, un tel amour de Dieu, un tel abandon à la Providence divine - c’est ce qu’on appelle la foi du charbonnier - qu’il en sera peu à peu transformé.
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