Ce même bois qui a permis de lancer ce projet au parfum de nostalgie enfantine et familiale (il y a aussi de la chicorée) : la frênette.
La frênette : une boisson légèrement citronnée, à peine alcoolisée, aux fines bulles, et qui – avant tout - reste associée aux visites pré adolescentes à ma tante.
Fort heureusement des pans entiers du rougier sont encore à peu près préservés, par exemple vers le beau château de Montaigut.
Au sein de son bois, la jasse s'enracine doucement dans la pente. A quelques mètres de l'une de ses longueurs se trouve un pré, orienté est-sud-est, qui descend régulièrement vers la vallée, avant les taillis qui cachent une pente bien plus marquée.
Peut-être, dans un avenir encore mal défini, y aura-t'il une vigne dans ce pré ? Pas grand chose, un rêve devenu confetti. Une sorte de pari qui, s'il est gagné, permettra à terme (et dans le meilleur des cas) de remplir deux barriques. Les remplir de quoi donc ? pas de frênette mais peut être bien de Chardonnay !
Certes, rien n’indique que le sol, pas plus que le climat, se prête particulièrement au Chardonnay ... ce qui ne saurait suffire à se refuser d'envisager cette implantation avant de très probablement s'y risquer. Il est vrai qu'il existe nombre de risques autrement cruciaux.
Cependant, à planter sur des critères aléatoires, peut-être faudrait il s'intéresser au Chenin ?
Moins que le sol ou le climat, ce qui m'y mène serait plutôt cet à-peu-près catastrophique : vinifier le vin du val du Loir.
En Loire, j'ai une faiblesse coupable pour le Chenin, tant à Vouvray qu'à Savennières.
Et si le lieu n'a rien d'un val, la jasse est bel et bien occupée par un loir, seul de son espèce à avoir - jusque là - triomphé de multiples tentatives de délocalisation (à base de pain d'épices).
Cette semaine il s'est toutefois trahi par deux fois vers 5 heures du matin. D'abord en faisant s'entrechoquer deux cintres porteurs de sous-vêtements. Puis, pour l’essentiel caché par une poutre, il n’a laissé voir que sa petite tête pointue et son œil rond, noir, vigilant (pas du tout globuleux, quoique certains puissent prétendre). Empanaché de sa queue touffue, il a fini par s'éloigner, sans hâte, le long d'une poutre maîtresse.
La nuit suivante il faisait tinter des verres en poussant de petits cris sans doute moqueurs, peut-être vengeurs ... en tous cas de petits cris de loir qui sait rester invisible pour mener sa vie de loir.
Sans être crucial, le sujet du loir avait été évoqué la veille au soir. Selon le principe qui veut que ce qui t’environne et que tu veux distinguer peut et doit être nommé, ce loir fut d'abord baptisé "Eischer" puis, plus simplement, "Armand" : en effet, la jasse éponyme est sa jasse.
Il me faut toutefois ajouter que selon une source généralement bien informée ce « Armand » pourrait bien n’être autre que la version francisée de « Hermann ».
Je me refuse, quant à moi, à porter le moindre crédit à une hypothèse selon laquelle Armand, le loir aveyronnais, serait en fait Hermann, un siebenschläfer boche.
Quoiqu’il en soit de son patronyme le programme vineux n'était pour rien dans l’apparition nocturne d’Armand : de Loire j'avais bien amené un Savennières ... mais il n'a pas été ouvert.
Car oui, ainsi que Nicolas Méro le remarquait :
"Mais tu te trimbales ta cave en vacances, André??"La preuve :
Robe d'un rose légèrement soutenu, nez de petits fruits acidulés. Bouche fraîche, légère, mais à l'agréable douceur, plaisantes notes de groseille et grenadine.
Servi très frais, ça se boit comme on respire : tout seul.
Sentiments ambivalents pour cette cuvée que je bois en pensant à la Veuve, son histoire, ses succès … et mes débuts avec le champagne. Donc avec un certain plaisir … mâtiné d’une bonne dose d'indulgence car depuis je suis passé à des Champagnes bien moins dosés ... en fait pas dosés du tout ! Des trucs vineux, secs au point d'en être presque austères.
Et puis ?
Belle robe pâle et brillante. Nez de fleurs blanches, fruits à noyau et notes toastées. Léger grillé en bouche également, derrière le fruité / floral. Beau volume sur une trame acide qui tient et tend le vin. Ça se boit bien dès aujourd'hui (à condition de ne pas le servir trop froid : alors le boisé ressort en finale, sur de vilains amers).
Bonne tenue : le lendemain matin, le fond de bouteille laissé en vidange (et à portée de patte de loir) se goûtait fort bien. Bel équilibre, bon potentiel plaisir.
Sans prétendre à la garde du 2013, ce 2015 est une quille que l’on peut boire sur les 5 ou 6 ans à venir et que, pour ma part, je vais tâcher d’oublier pendant une paire d’années (puisqu’il m’en reste cinq en cave).
Peut-être y aura-t'il de l'ordre de 6oo pieds, dans le pré en pente douce.
Le problème est que si c’est un peu le val du Loir … c’est aussi, c’est surtout, celui des chevreuils.
Mais c'est une autre histoire.
Les photos ont été faites avec mon iPhone, C'est l'une des raisons pour lesquelles leur qualité est discutable.
Cependant on peut, d'un simple clic, tenter de les regarder dans un format plus confortable.