Afin de planter le décor de ces notes sur les objets rapportés par les voyages de Cook, il nous faut faire un point concernant ces derniers. (Une brève note avait été écrite sur le sujet en 2009) .
Retour sur la première expédition.
En cette année 1768, les recommandations de la Royal Society qui décida de la première expédition vers les Mers du Sud étaient bien sérieuses ; elles donnaient des précisions quant à la nature des informations à récolter (observations précises de la faune, de la flore, des habitants), et prodiguaient maints conseils sur l’attitude respectueuse à adopter avec les indigènes.
Quant aux instructions données par l’Amirauté, elles étaient aussi très claires et détaillées : d’une part, une obligation d’observations scientifiques (celle du transit de Vénus pour le premier voyage, test du chronomètre marine de John Harrison pour le second voyage, et pour les trois voyages recherches de différentes méthodes de lutte contre le scorbut) ; d’autre part, une contribution à la résolution de grandes énigmes géographiques telles : « La fameuse Terra Australis Incognita existe-t-elle ? » ou encore « Qu’en est-il du passage du Nord-Ouest entre l’océan Pacifique et l’océan Atlantique ? » C’est bien-sûr sans compter sur les visées politiques des expéditions : Localiser et prendre possession des territoires toutes les fois que c’est possible !
Ainsi James Cook va-t-il se retrouver à la tête de la première expédition ; le départ est prévu à l'été 1768 et durera trois ans. 94 hommes (des cuisiniers, des charpentiers…), dont 11 civils et 12 soldats vont prendre la mer le 25 août à bord de l’Endeavour, une solide embarcation de seulement 43 mètres de long.
Parmi les hommes d’équipage, il y a des « Anciens », ceux qui connaissent le Grand Sud car ils étaient à bord du Dolphin, le navire que commandait Wallis qui était passé à Tahiti en 1767. Il s’agit entre autres de John Gore, un Américain qui est deuxième lieutenant de l’Endeavour et qui sait parler le tahitien et Charles Clerke qui participera aux trois voyages.
Parmi les civils, les botanistes sont Joseph Banks assisté de Daniel Solander et de son secrétaire Herman Spöring ; les dessinateurs de bord, Alexander Buchan et Sydney Parkinson.
L’ observation du transit de Vénus a bien lieu comme prévu mais il faut reconnaître que c’est un échec car, malgré de bonnes conditions météorologiques, la planète ressemble dans les instruments à une informe goutte noire à l’approche des bords du disque solaire et les mesures sont de ce fait rendues très imprécises.
Cook ouvre la lettre concernant la deuxième partie de sa mission, espérant probablement rencontrer plus de succès et la mener à bien : des « instructions secrètes » qui lui ordonnent de rechercher l’hypothétique Terra Australis qui doit faire contrepoids aux continents de l'hémisphère nord… Là encore il échouera (mais pour cause, puisque cette terre n’existe pas !).
Avant de quitter Tahiti, il embarque un jeune Tahitien, Tupaia, un « prêtre-navigateur » de Ra’iatea, incroyable connaisseur de la géographie du Pacifique mais plus encore que cela...
Cook atteint la Nouvelle-Zélande le 6 octobre 1769 et cartographie l'intégralité de ses côtes, et c’est ainsi qu’entre octobre 1769 et avril 1770, il montre qu’elle ne peut faire partie du grand continent recherché.
Il met cap à l’Ouest afin de parvenir au Sud-est de l’Australie puis remonte là aussi ses côtes. Il débarque ainsi pour la première fois à ce qu’il nomme Botany Bay le 29 avril 1770. Un endroit qui deviendra célèbre puisque c’est la région où la première colonie pénitentiaire britannique s’installera en 1787 débutant la période de colonisation de l’Australie par les Britanniques.
Sur le chemin du retour, des dangers vont l’attendre.
C’est tout d’abord la Grande Barrière de corail qu’il heurte le 10 juin 1770 et les réparations vont l’attarder en Australie jusqu’à l’automne. Le navire atteint enfin Batavia (Djakarta) au mois d’octobre mais reste immobilisé quelques mois pour réparations et approvisionnement.
Jusque là Cook avait été draconien sur la nourriture, obligeant ses hommes à manger du chou conservé dans du vinaigre qu’il avait embarqué à profusion. Personne n’était mort du scorbut, un exploit à l’époque !… C’est ce qui est écrit dans le Journal de bord de Cook mais la réalité est certainement autre. Il est vrai qu’en cette fin du XVIIIème siècle, Batavia est un port très malsain et cette escale va se révéler meurtrière. Parkinson meurt à cause de la dysenterie le 26 janvier 1771.
Il y aura près de trente morts sur place ou sur le trajet jusqu’à Cape Town en Afrique du Sud (mars-avril 1771).
Parkinson laisse un énorme travail de dessinateur : Le British Museum possède 18 volumes de ses dessins de plantes, 3 volumes sur la faune, et une multitude de dessins sur les paysages australiens, tahitiens ou encore néo-zélandais ainsi que de très beaux portraits… Plus étonnant, le Florilegium ne sera publié qu’en 1975 et rendra publique la richesse incroyable de ses études botaniques !
Quant à Tupaia, il meurt en novembre ou décembre 1770… la date est imprécise, les causes de sa mort également. On parle de paludisme mais de nombreux commentateurs évoque le scorbut.
Le retour de l’Endeavour en Angleterre en juillet 1771 est naturellement salué à l’aune de l’exploit accompli, et en 1773 John Hawkesworth va publier comme prévu le récit du voyage. Il s’agira d'une somme importante réunie en trois volumes Account of the Voyages in the Southern Hemisphere, mais cet ouvrage sera pourtant unanimement rejeté par les critiques, et Cook lui-même soulignera son inexactitude, et son goût mal venu pour un sensationnalisme que l’auteur avait cru bon donner à ce récit.
à suivre...
Photo 1 : Carte des routes de Cook © Encyclopaedia Britannica.
Photo 2 : M. Banks shows the Indians the planet Venus on the sun, © T.D.R
Photo 3 : Détail d’une carte établie par James Cook sur Botany Bay. © British Library Add.Ms.31360f.32