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Portrait célèbre à plusieurs titres, par sa composition d'abord, 138x138cm, ruisselant d'or et d'argent. Adèle, parée d'un superbe collier y apparaît auréolée de mosaïques inspirées de celles de Ravenne où le peintre de la Sécession viennoise avait séjourné. Fille d'un banquier juif de Vienne, elle était née le 9 août 1881. En 1899, elle avait épousé Ferdinand Bloch, grand industriel du sucre, collectionneur et mécène, de 17 ans son aîné. A l'instar de ce qu'il se passait dans les salons de la grande bourgeoisie juive de Vienne, leurs somptueux appartements, celui du 10 Schwindgasse et plus tard du 18 Elisabethstrasse à deux pas de l'Opernring, ont vu défiler tout ce qui comptait alors dans la capitale de l'Autriche-Hongrie, en pleine Apocalypse joyeuse. Représentants de l'architecture, la littérature, la musique, la philosophie, la psychanalyse et acteurs du Burgtheater. Un aperçu qui donne le tournis, Oskar Kokoschka, Gustav et Alma Mahler, Arnold Schoenberg, Richard Strauss, Robert Musil, Arthur Schnitzler, Stephan Zweig ou Egon Schiele et même Sigmund Freud qui abandonnait parfois son cabinet du 19 Berggasse ou encore le socialiste Karl Renner qui sera président de la IIe République autrichienne en 1945. L'été, les réceptions se poursuivaient au château de Jungfern-Breschan ou Panenské Břežany près de Prague. Adèle sans enfant, menait la vie facile et assez vaine d'une grande bourgeoise qu'un mariage plus ou moins arrangé laissait quelque peu frustrée. Elle avait une sœur Thérèse qui avait épousé l'avocat et violoncelliste amateur Gustav Bloch, frère de Ferdinand. Ce couple avait cinq enfants et une grande partie de la vie de la plus jeune d'entre eux, Maria, est liée à ce tableau. Ils avaient tous emménagé en 1919 dans cet immeuble d'Elisabethstrasse. En 1917, les deux couples décidèrent de s'appeler Bloch-Bauer. Le 24 janvier 1925, Adèle était subitement emportée par une méningite et son époux est décédé le 13 novembre 1945 à Zürich où dépossédé de tous ses biens, il avait pu trouver refuge. Leurs cendres ont été déposées au crématorium du Simmering dans le XIe arrondissement de Vienne. Quant à Klimt, il est mort à 56 ans des suites d'une congestion cérébrale le 6 février 1918 à Vienne et il repose au cimetière du quartier de Hietzing.
Avec "Le secret d'Adèle", Valérie Trierweiler s’est essayée au genre romanesque à partir d'un sujet qui lui tenait à cœur. En août 2016, elle avait en effet écrit pour Paris Match un article consacré au personnage d'Adèle Bloch-Bauer. Pour ce roman de 298 pages, elle dit avoir pu craindre les réactions hostiles du milieu journalistique ou tout simplement parisien mais il n'en a rien été…
Il ne s'agit nullement d'une biographie, mais de faire revivre le plus intensément possible cette icône de Vienne. Elle nous dépeint cette grande bourgeoise parfaitement éduquée, la fait s’intéresser à l’actualité nationale et internationale, et particulièrement au sort des réfugiés venus de l’est de l'Empire qu'elle va visiter, plus ou moins à l'insu de son mari. Ou admirer le combat que mènent les suffragettes anglaises malgré les moqueries de Ferdinand. Mais la grande affaire ce sont les deux portraits commandés à Klimt en 1907 et 1912. On ne saura jamais de quelle nature étaient les liens qu'avaient pu nouer Adèle et le peintre, réputé grand amateur de femmes et que ses multiples liaisons avaient rendu père de nombreux enfants… Les longues séances de pose qui se sont répétées favorisant une certaine intimité et Adèle trouvant auprès de cet artiste sans tabou ce que ne lui apportait pas un mari certes fort aimant… Cela restera toujours un mystère mais l'auteur confesse "Certains sont persuadés qu'il y a eu une romance entre eux, d'autres pensent que non... Moi, j'ai choisi l'option de la passion. Deux éléments me le font penser, Klimt a peint deux fois Adèle. Or, il refusait de peindre plusieurs fois la même femme. Ensuite, dans un documentaire avant sa mort, la nièce d'Adèle avait confié qu'elle était convaincue qu'il y avait eu une histoire d'amour entre eux". Elle imagine donc une idylle passionnée qui ne semble pas avoir provoqué de remous dans cette bonne société. Dans ces années-là, Sigmund Freud faisait d'ailleurs paraître "Trois essais sur la théorie sexuelle"…
Se rappelant qu'elle a fait des études d'histoire et qu'elle est aussi journaliste, Valérie Trierweiler indique s'être sérieusement plongée dans des textes variés, l'abondante bibliographie figurant en fin d'ouvrage en témoigne. Être allée à Vienne, avoir exploré des archives et cherché dans des bibliothèques, avoir visité de nombreux musées, assisté à des spectacles, arpenté les lieux divers qu'Adèle avait pu fréquenter. Sans aller toutefois jusqu'à s'écrier "Adèle Bloch-Bauer c'est moi"… Naturellement, elle a brodé et pas mal et même assez habilement. Nous promenant avec aisance dans cette période de déclin de l'Autriche-Hongrie du vieil empereur François-Joseph, assaillie par de nouvelles idées, en art comme en politique, et celle de la Première Guerre qui entraîne le démembrement de l'Empire et annonce un XXe siècle tourmenté.
Valérie Trierweiler semble même avoir pris plaisir à cette reconstitution somme toute fort crédible. Et comme on dit, tous les ingrédients sont donc réunis pour que le lecteur soit conquis. Cependant, celui qui est assez familier de la Mitteleuropa peut trouver que tout cela reste un peu trop conventionnel et ne lui apporte pas ce qu'il aimerait encore apprendre de cette époque extraordinaire. Les autres, ceux que le nom seul de Vienne fait fantasmer, ceux qui rêvent d'y aller, ceux qui après un bref passage brûlent d'y retourner, trouveront dans "Le secret d'Adèle" une irrésistible invitation au voyage. Et surtout en 2018, quand Vienne célébrera par de multiples expositions, le centenaire de la mort de quatre illustres personnalités de cette période exceptionnelle, Egon Schiele, Otto Wagner, Koloman Moser et Gustav Klimt.
Spolié par les Allemands, parmi les six de Klimt qui avaient été pris à Ferdinand Bloch, le premier portrait d"Adèle peint en 1907, n'avait pas été rendu à ses légitimes propriétaires, les héritiers d'Adèle. à la fin de la Seconde Guerre et était exposé au musée viennois du Belvédère. Un d'entre eux justement, Maria Altmann sa nièce, mènera un combat incessant, aidée notamment par l'avocat Randol Schoenberg, petit-fils du compositeur. Peu après l'Anschluss, et au terme de nombreuses péripéties, elle avait pu rejoindre les États-Unis avec son mari Fritz qui se destinait à faire carrière à l'Opéra. Depuis la Californie, elle réclama évidemment ce qui lui revenait. Malgré ses multiples demandes et jouant habilement d'arguties juridiques, on continuait d'exposer "La dame en or" au Belvédère. A force de batailler, Maria Altmann a fini par obtenir gain de cause. Le 17 janvier 2006, le tribunal arbitral de Vienne rend son jugement et le tableau lui est rendu. Elle a quand même le temps de savourer sa victoire puisqu'elle est morte le 7 février 2011 à l’âge de 94 ans. Et même de se rendre à Vienne où elle n'était pas revenue depuis 1938… Le 18 juin 2006, l’œuvre était vendue chez Christie's pour 135 millions de dollars au collectionneur Ronald S. Lauder, fils d'Estée Lauder, créatrice de la célèbre marque de cosmétiques. Il a décidé de l’exposer à la Neue Galerie qu'il avait ouverte en 2001, à l'angle de la 5e Avenue et de la 86e rue, dans une maison occupée naguère par des descendants de l'illustre magnat Vanderbilt.
Tout ceci constitue le sujet du film britannico-américain réalisé par Simon Curtis et sorti en 2015, "Woman in Gold", ou "La dame en or" ou bien encore "La femme au tableau" (voir la vidéo ci-dessous).
En novembre 2006 chez Christie's, Oprah Winfrey, la célèbre animatrice et productrice américaine de télévision également collectionneuse, acquérait pour 87,9 millions de dollars, soit 83 millions d'euros, le second portrait d'Adèle Bloch-Bauer, 190×120cm, peint par Klimt en 1912. Le 8 février 2017, elle le revendait à un collectionneur privé en Chine pour 150 millions de dollars ou 142 millions d'euros… Ce second portrait que l'on appelle aussi "Portrait d'Adele Bloch-Bauer" avait été exposé au MoMa de New York en 2014. Les deux tableaux ont figuré dans l'exposition "Klimt et les femmes de l’âge d’or viennois" qui s'est tenue à la Neue Galerie du 22 septembre 2016 au 17 janvier 2017.