Chapeau bas, madame ! Sur le journal d’une femme de chambre on pouvait lire ceci : Ce matin du 21 juillet 2017, je me rends dans la chambre de Mme Moreau car la nuit vient de quitter son chant moderato cantabile. Je m’approche du fauteuil en évitant de glisser sur la peau de banane qu’elle a laissée traîner par mégarde ; ces derniers temps elle a des absences répétées. Je vais vers ce fauteuil, situé plein sud et le temps qui reste pour effleurer les cheveux de la reine margot (c’est ainsi que je l’appelle, par vénération), je réalise la fin des comptes à rebours ! La lumière joue la mariée était en noir ! Ce que je croyais une histoire immortelle venait de gagner le dortoir des grandes ! Jeanne la Française, le plus grande peut-être des Françaises, celle à qui tout le monde disait « je t’aime », avait pris l’ascenseur pour l’échafaud et le couperet, dans le jardin qui bascule, avait accompli le plus vieux métier du monde : celui d’ôter le corps de Diane, lui verser le salaire du péché : donner la mort ! Il est minuit, Docteur Schweitzer et les Parques, telles les intrigantes qui vous fixent, le dos au mur, les trois jours à vivre avaient porté leur dévolu sur Mademoiselle à l’humeur vagabonde ! Jeanne s’en était allée faire les 400 coups au Paradis après m’avoir parlé de son dernier amour. Elle était ma confidente et même pour mille milliards de dollars je n’aurais pas vendu mes souvenirs d’en France avec cet amour-là car jour après jour, avec chacun son cinéma, on s’était révélé nos secrets d’alcôve sans pour autant se rejouer le dialogue des Carmélites ! Oui, je lui avais parlé de l’homme de ma vie, Alberto Express (enfin, c’est ainsi qu’il se présentait) le Marin de Gibraltar qui, loin de la race des seigneurs, m’avait abandonné, un jour, à Avignon, bastion de Provence pour rejoindre une certaine Eva ! Il m’avait dit « je te quitte, sauve toi, Lola ! »Elle avait continué à m’écouter et me consoler de la perte de l’amant quand j’avais évoqué mon retour chez Jules et Jim, mes amis d’enfance, les arpenteurs de Montmartre, logeant encore à Pigalle-Saint Germains des Près chez leur mère Julietta, un amour de sorcière culinaire qui cuisinait si bien la truite ! Elle savait écouter, la grande dame, qui n’avait rien de la femme fardée ! Elle savait se mettre au niveau des petites gens, par-delà les nuages de nos destins, à tout jamais ouverte aux visages des inconnus, côté cours, côté champs et toujours curieuse de découvrir le talent de mes amis, le cœur de métisse de l’étrange Monsieur Steve, mon cousin ou encore le dernier Nabab qui, un certain jour de juin, lui avait conté les liaisons dangereuses 1960 avec cinq femmes marquées par la névrose : Nikita la petite amie de M’sieur La Caille, Nathalie Granger la voisine de Monsieur Klein, Lisa qui se prenait pour Mata-Hari, la grande Catherine qui était la propriétaire de la Rolls-Royce jaune carburant au gas-oil… Oui, elle écoutait tout le monde, sans querelle et sans faire le procès de qui que ce soit ! Elle aurait aimé tous les hommes, jusqu’au dernier : les hommes en blanc, en noir, les amants transis, les vainqueurs comme le paltoquet qui subit l’échec au porteur et à qui l’on dit « touchez pas au grisbi ! ». Elle parlait avec tout le monde, nul ne lui était indifférent : une Estonienne à Paris l’avait un jour abordée pour lui dire, en se trompant sur son prénom : Chère Louise, vous brillâtes dans Viva Maria ! Et cette scène dans les Valseuses ! Quelle audace ! Vous en feriez un remake ? Elle lui avait répondu : Le cinéma est mon Prince et le manuscrit du Prince stipule que faire un film, pour moi c’est vivre ! Je suis prête à jouer tous les rôles et prendre le train des risques ! Il se peut qu’un jour je m’appelle Victor et fasse une sortie de clown ! On sera alors bien loin de Roméo et Juliette, d’Anna Karamazoff ou encore de Falstaff ! Je l’aurais suivi jusqu’au bout du monde ! Jusqu’à la nuit de l’océan le long de la baie des Anges pour accompagner la vieille qui marchait dans la mer avec la grâce qu’on retrouve dans le pas suspendu de la cigogne ! Je n’aurais eu avec elle aucun désengagement ! Pas de petits meurtres entre nous ! Que nous aurait valu de jouer les louves jouant l’amour et confusions ? I love you, I love you Not ! Akoibon ? A présent vient l’absence ! Elle vient là, comme le feu follet autour des tombes, comme pour nous dire « au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable ! ». Je lui dis « à demain ! On se retrouvera, peut-être, si le miraculé existe ! Et puisqu’une femme est une femme, je me mets à pleurer ! C’est hu-man, heu, humain… Je ne peux résister aux pouvoirs des larmes, the will to resist is out ! Jeanne partie c’est ma vie qui s’écroule. Je vais quitter Paris, fuir à l’Ouest (Go West) gagner les grandes étendues du folklore américain, Monte Walsh où réside mon oncle d’Amérique Alex (Alex in Wonderland) ! J’en termine avec ce billet. Toi l’inconnu(e), si tu tombes sur ce papier, un jour, tu comprendras. Tu comprendras ma peine immense !
Chapeau bas, madame ! Sur le journal d’une femme de chambre on pouvait lire ceci : Ce matin du 21 juillet 2017, je me rends dans la chambre de Mme Moreau car la nuit vient de quitter son chant moderato cantabile. Je m’approche du fauteuil en évitant de glisser sur la peau de banane qu’elle a laissée traîner par mégarde ; ces derniers temps elle a des absences répétées. Je vais vers ce fauteuil, situé plein sud et le temps qui reste pour effleurer les cheveux de la reine margot (c’est ainsi que je l’appelle, par vénération), je réalise la fin des comptes à rebours ! La lumière joue la mariée était en noir ! Ce que je croyais une histoire immortelle venait de gagner le dortoir des grandes ! Jeanne la Française, le plus grande peut-être des Françaises, celle à qui tout le monde disait « je t’aime », avait pris l’ascenseur pour l’échafaud et le couperet, dans le jardin qui bascule, avait accompli le plus vieux métier du monde : celui d’ôter le corps de Diane, lui verser le salaire du péché : donner la mort ! Il est minuit, Docteur Schweitzer et les Parques, telles les intrigantes qui vous fixent, le dos au mur, les trois jours à vivre avaient porté leur dévolu sur Mademoiselle à l’humeur vagabonde ! Jeanne s’en était allée faire les 400 coups au Paradis après m’avoir parlé de son dernier amour. Elle était ma confidente et même pour mille milliards de dollars je n’aurais pas vendu mes souvenirs d’en France avec cet amour-là car jour après jour, avec chacun son cinéma, on s’était révélé nos secrets d’alcôve sans pour autant se rejouer le dialogue des Carmélites ! Oui, je lui avais parlé de l’homme de ma vie, Alberto Express (enfin, c’est ainsi qu’il se présentait) le Marin de Gibraltar qui, loin de la race des seigneurs, m’avait abandonné, un jour, à Avignon, bastion de Provence pour rejoindre une certaine Eva ! Il m’avait dit « je te quitte, sauve toi, Lola ! »Elle avait continué à m’écouter et me consoler de la perte de l’amant quand j’avais évoqué mon retour chez Jules et Jim, mes amis d’enfance, les arpenteurs de Montmartre, logeant encore à Pigalle-Saint Germains des Près chez leur mère Julietta, un amour de sorcière culinaire qui cuisinait si bien la truite ! Elle savait écouter, la grande dame, qui n’avait rien de la femme fardée ! Elle savait se mettre au niveau des petites gens, par-delà les nuages de nos destins, à tout jamais ouverte aux visages des inconnus, côté cours, côté champs et toujours curieuse de découvrir le talent de mes amis, le cœur de métisse de l’étrange Monsieur Steve, mon cousin ou encore le dernier Nabab qui, un certain jour de juin, lui avait conté les liaisons dangereuses 1960 avec cinq femmes marquées par la névrose : Nikita la petite amie de M’sieur La Caille, Nathalie Granger la voisine de Monsieur Klein, Lisa qui se prenait pour Mata-Hari, la grande Catherine qui était la propriétaire de la Rolls-Royce jaune carburant au gas-oil… Oui, elle écoutait tout le monde, sans querelle et sans faire le procès de qui que ce soit ! Elle aurait aimé tous les hommes, jusqu’au dernier : les hommes en blanc, en noir, les amants transis, les vainqueurs comme le paltoquet qui subit l’échec au porteur et à qui l’on dit « touchez pas au grisbi ! ». Elle parlait avec tout le monde, nul ne lui était indifférent : une Estonienne à Paris l’avait un jour abordée pour lui dire, en se trompant sur son prénom : Chère Louise, vous brillâtes dans Viva Maria ! Et cette scène dans les Valseuses ! Quelle audace ! Vous en feriez un remake ? Elle lui avait répondu : Le cinéma est mon Prince et le manuscrit du Prince stipule que faire un film, pour moi c’est vivre ! Je suis prête à jouer tous les rôles et prendre le train des risques ! Il se peut qu’un jour je m’appelle Victor et fasse une sortie de clown ! On sera alors bien loin de Roméo et Juliette, d’Anna Karamazoff ou encore de Falstaff ! Je l’aurais suivi jusqu’au bout du monde ! Jusqu’à la nuit de l’océan le long de la baie des Anges pour accompagner la vieille qui marchait dans la mer avec la grâce qu’on retrouve dans le pas suspendu de la cigogne ! Je n’aurais eu avec elle aucun désengagement ! Pas de petits meurtres entre nous ! Que nous aurait valu de jouer les louves jouant l’amour et confusions ? I love you, I love you Not ! Akoibon ? A présent vient l’absence ! Elle vient là, comme le feu follet autour des tombes, comme pour nous dire « au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable ! ». Je lui dis « à demain ! On se retrouvera, peut-être, si le miraculé existe ! Et puisqu’une femme est une femme, je me mets à pleurer ! C’est hu-man, heu, humain… Je ne peux résister aux pouvoirs des larmes, the will to resist is out ! Jeanne partie c’est ma vie qui s’écroule. Je vais quitter Paris, fuir à l’Ouest (Go West) gagner les grandes étendues du folklore américain, Monte Walsh où réside mon oncle d’Amérique Alex (Alex in Wonderland) ! J’en termine avec ce billet. Toi l’inconnu(e), si tu tombes sur ce papier, un jour, tu comprendras. Tu comprendras ma peine immense !