Les antidépresseurs à action rapide sont peut-être à portée de main avec ces travaux de Neuroscientifiques de l'Université Rockefeller qui identifient les modèles d'activité dans le cerveau qui peuvent être néfastes et associés à des humeurs sombres persistantes qui inhibent toute motivation, tout plaisir et tout espoir, soit aux principaux symptômes de la dépression. En découvrant précisément un type de neurones spécifique et 2 récepteurs l'un qui initie l'effet antidépresseur et l'autre qui le prolonge, ces chercheurs ouvrent, dans la revue Neuron, la voie à de nouveau médicaments plus puissants, plus sélectifs et vraisemblablement plus rapides que les ISRS existants.
Ces 30 dernières années, des antidépresseurs dont Prozac® ou Zoloft®, inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ont permis à des millions de patients atteints de dépression de retrouver un meilleur équilibre mental et psychologique. Ces médicaments augmentent l'accès des cellules nerveuses à la sérotonine, un produit chimique qui aide le cerveau à réguler certaines émotions. Cependant leur processus d'action reste encore mal compris ce qui rend complexe toute démarche d'amélioration.
En décryptant comment les ISRS initient leur action en ciblant un type particulier de cellules nerveuses, cette équipe américaine ouvre une voie vers de nouveaux antidépresseurs non seulement plus sûrs mais qui pourraient agir plus rapidement. Certes chez de rares patients, les ISRS disponibles peuvent produire des effets modérés immédiats, soit en quelques heures ou même en quelques minutes, cependant chez la majorité des patients il faut plusieurs mois de traitement avant de ressentir les effets du traitement contre les symptômes dépressifs. Et c'est sans compter les nombreux effets secondaires possibles, dont la nausée, les étourdissements, la prise de poids et la dysfonction sexuelle.
Le mode d'action des ISRS " est relativement simple ", écrivent les chercheurs dans un communiqué. Lorsqu'un neurone libère la sérotonine pour envoyer un signal à une autre cellule, elle réabsorbe normalement les quantités excessives du neurotransmetteur. Les ISRS interfèrent avec cette étape de " nettoyage " et prolongent ainsi le signal. Un millier au moins de différents types de neurones peuvent être affectés par une augmentation de la sérotonine et ces neurones ne répondent pas tous de la même façon, certains s'activent, d'autres " se calment ". Il existe en effet 14 types de récepteurs de la sérotonine présents sous la forme de différentes combinaisons dans les différents types de neurones et la réponse au neurotransmetteur dépend de sa combinaison spécifique de récepteurs. Pour mieux comprendre la cascade moléculaire déclenchée par les ISRS, les chercheurs se sont concentrés sur une zone du cerveau, le gyrus denté et sur un groupe particulier de neurones exprimant la cholécystokinine (CCK), des neurones déjà documentés comme affectés par des changements de sérotonine induits par les ISRS.
Un récepteur déclencheur, un récepteur prolongateur : en utilisant une technique de pointe ( translating ribosome affinity purification), l'équipe parvient à identifier les récepteurs de la sérotonine présents sur les fameuses cellules CCK et, en particulier, un type de récepteur, appelé 5-HT2A, qui joue un rôle clé dans l'effet à long terme des ISRS et un autre type de récepteur, 5-HT1B, qui déclenche l'effet. En manipulant les neurones CCK chez des souris, l'équipe démontre que lorsque ces neurones CCK sont inhibés, les voies neuronales qui mesurent les réponses aux ISRS s'activent, et en ciblant ces cellules cérébrales spécifiques, les scientifiques parviennent à recréer une réponse " Prozac-like ", sans le médicament et très rapide.
Cibler les neurones CCK du gyrus denté : alors que de nombreux types de synapses dans le cerveau utilisent la sérotonine comme neurotransmetteur, cette équipe identifie ici dans cette myriade de neurones, ceux par lesquels les antidépresseurs initient leur action pharmacologique. Les neurones CCK du gyrus denté se révèlent ainsi une cible très prometteuse pour obtenir un effet anti-dépresseur hyper-rapide.
Une découverte qui va faire avancer le développement de nouvelles classes de médicaments puissants, sélectifs et vraisemblablement plus rapides que les ISRS existants. Et peut-être, avec un avantage en plus, moins d'effets secondaires.