Quelques mois seulement après la clôture des Jeux olympiques de 1924, le stade de Colombes accueillait deux des plus grandes équipes professionnelles américaines de baseball. Entre curiosité et indifférence, retour sur l'un des actes fondateurs de cette discipline en France.
Le temps maussade n’a pas aidé à remplir les tribunes : en ce mois de novembre 1924, seules quelques centaines de spectateurs ont bravé la grisaille et l’humidité pour assister à l’événement. Parmi eux, une écrasante majorité d'Américains, alléchés par l'arrivée à Paris de deux des meilleures équipes professionnelles de base-ball du moment, les Giants de New York et les White Sox de Chicago, débarqués quelques jours plus tôt de Liverpool. Malgré leurs efforts, on est loin de l’ambiance des grands jours ! "Le football et le rugby ne sont pas près d'être détrônés en France..." ironise même "Le Miroir des sports" qui consacre sa une du 12 novembre 1924 aux matches d'exhibition opposant les "Géant" aux "Bas blancs". L'étape parisienne de la grande tournée européenne organisée par Spalding, fabricant de matériel de baseball soucieux de convertir le vieux continent au sport préféré des "Yankees", ne sera pourtant pas sans conséquence sur l'avenir de la discipline en France.
Image https://www.nypl.org/
Dès 1912, dans la foulée des Jeux interalliés qui donnent lieu cinq ans plus tard à quelques rencontres américano-canadiennes au stade Pershing, les premiers clubs de baseball avaient déjà fait une timide apparition en région parisienne puis en province. Cousin de la thèque, sport alors assez répandu dans le pays, la discipline se contente pourtant de vivoter, sans aucune structure au niveau national, jusqu'à ce que l'annonce de l'arrivée à Paris des Giants de New-York, récents finalistes des "séries mondiales" de 1924, ne redonne espoir à ses amateurs français en mal de publicité. Batteurs, lanceurs et receveurs font alors une entrée remarquée dans les colonnes des journaux dont les chroniqueurs sportifs sont délégués sur place pour tenter de décoder les us et coutumes des pros américains.
Image https://www.nypl.org/
"Lancer, frapper, courir : tels sont les trois principes (de ce) jeu qui répètent les gestes essentiels de l'humanité primitive : lancer la pierre, frapper pour attaquer ou se défendre, courir pour atteindre un but ou fuir un danger..." ("L'Illustration", 22 novembre 1924), "Aux Etats-Unis, tous les enfants savent, dès le plus jeune âge, tenir un bâton et lancer une balle. Quatre-vingt-dix pour cent d'entre eux ont l'ambition de devenir de grands joueurs, qui sont payés, on le sait, de 125 000 à 140 000 francs par an..." ("Le Miroir des sports", 12 novembre 1924) ... Et ainsi de suite pendant tout le mois de novembre : à grand renfort de dessins et de photos, les gazettes rivalisent d'imagination pour faire découvrir le base-ball à leurs lecteurs. Il n'en faut pas plus pour ranimer la flamme des rares pratiquants français. Quelques mois seulement après l'épisode de Colombes, le journaliste Frantz Reichel porte la fédération française de baseball et de thèque sur les fonts baptismaux. Les premiers championnats nationaux sont organisés dès 1926. Mission accomplie pour les ambassadeurs de la batte…
Image https://www.nypl.org/
Images https://www.nypl.org/