Et s'il y avait des gens qui changent à temps ? Voilà un changement dans l'industrie, et comment le réussir, et pourquoi il n’est pas
plus fréquent, malheureusement… Tiré d’un entretien avec l’un des deux directeurs généraux d'un site de production d’un groupe industriel.
Données du problème. Le site emploie 650 personnes, en France. Il exporte 97% de
sa production. On n’est plus habitué à de tels succès chez nous. En 2011
l’entreprise entame une transformation radicale. Et ce « sans arrêter la
production ». 6 ans plus tard, en dépit de nombreux aléas, mais dans les
délais, elle s’achève.
Oser le changement. Le site marchait bien. Pourquoi changer ? Ses dirigeants constataient « qu’il n’y avait
plus aucune souplesse ». Il fallait « accroître la
capacité du site ». Et transformer radicalement son mode de
fonctionnement. Le président du groupe était fier de son usine, il ne
voyait pas de raison de la modifier. Mais il fait confiance à
ses collaborateurs. Plus le projet aprogressé, plus il a vu « que l’on avait changé de braquet ».
Il s'est senti renforcé dans sa décision.
Préparation. Les deux dirigeants ont cherché des « gens qui puissent les
préparer au changement ». Mais ils n’en n’ont pas trouvé. (Mon interlocuteur a regretté que la question du changement, et les sujets que nous avons abordés dans notre discussion, n'intéresse personne.) Alors, « on a appris
au fur et à mesure ». Ils ne se sont toutefois pas lancés immédiatement. « On
est allé voir d’autres projets (…) cela nous a donné confiance. »
Facteurs de succès. Le changement requiert à la fois une vision à long terme, une organisation rigoureuse, une forte réactivité, et l’engagement de tous. « On (les deux dirigeants) avait une vision lointaine qui était la même. » « On a donné un planning. On l’a tenu. » « Un investissement sur cinq, six ans (demande) une gestion de projet draconienne. » « On a travaillé avec les équipes en mode projet. » En particulier, les membres de l’entreprise ont reçu la responsabilité de sous projets. « Le succès tient beaucoup aux hommes. » « La complexité c’est de démultiplier, et de percevoir le changement en permanence. » « Il faut intégrer tout de suite les fonctions intermédiaires. » Le plus important : créer une dynamique de groupe. Donc, il est impératif de ne jamais se faire arrêter par un imprévu : « il faut éviter les creux » !
Surtout, le changement, c'est l’imprévu. Qu'il ait été mené par deux dirigeants, et non un seul, a été important. Ils ont « pu
s’appuyer l’un sur l’autre ». Ce type de changement demande une « forme de coaching », « comprendre comment ça va se
faire, où vont être les difficultés. » Il est bon de « disposer d’un deuxième
homme », avec qui s’entretenir dans les moments difficiles. « A deux, on est
super clairvoyants. » « On est inquiets, mais confiants en nos forces. »
Il faut être sur le
qui-vive et réagir vite. Danger : idées reçues. « Il faut intégrer les vrais
modes de fonctionnement des gens. » « Il faut répondre au problème des gens sur
le terrain (par exemple) « comment je fais pour aller à mon poste ? ». » «
C’est de la logique floue. On s’est ajustés au fur et à mesure. » Par exemple,
il a découvert le danger « des interfaces ( : ) les domaines dont personne
n’est responsable. » Surtout, quand un problème survient, « il ne faut pas
laisser dériver ». Il faut le résoudre immédiatement.
« Il faut rester humble. On a fait des erreurs, on en
refera… »
Changement en France
? Peu d’entreprises s’engagent dans de tels
changements. Pourquoi ? « Quand il est au pied du mur, le Français fait des
prouesses. » Et l’industrie française a de « grosses potentialités, même en
comparaison avec l’Allemagne ». Mais « il faut avoir envie de les exploiter ».
« Les entreprises se noient dans un verre d’eau. » Et notre modèle de
management demeure celui du monarque omniscient. Or, pour réussir, il faut «
avoir envie de se faire aider, être plusieurs pour discuter ».
Dommage, pour le pays et pour l’emploi ?