(Post paru sur la plateforme des blogs de l'Obs le 24/07, sous la signature de Merlin, autre pseudo de Cactus)
Sacré La Fontaine ! Il lui avait suffi d'une très courte fable, «Le lion devenu vieux», pour moquer la veulerie.
Encore ne voyons-nous son âne – héros piteux de l’histoire, encouragé par la brutale rébellion des autres sujets – qu’en train de s’approcher du lion sénile, ce roi de la forêt qui le subjuguait si terriblement au temps de sa splendeur.
Mais sans que le fabuliste n'ait besoin d'en dire plus, on devine combien le baudet, accouru après les autres pour libérer enfin sa frustration, tremble encore au moment d'armer sa ruade.
Chez les hommes parfois, la ruade vient d'où on ne l'attend pas. Après l'épisode de la querelle entre le président, chef des armées, et le chef d'état-major de celles-ci sur une âpre question de crédits – épisode malvenu parce que rendu public à un mauvais moment et monté en épingle, dont on a dit ici le mal qu'on en pensait –, on supposait l'affaire close et qu'il était temps de passer à d’autres dossiers.
Il semblait d’ailleurs que ce fût le cas, en ce jour du 21 juillet où le président déployait, sur la base aérienne d’Istres, ses trésors de séduction, qui sont grands, et réitérait sans s’essouffler ses engagements auprès du monde de la Défense.
Qu’est venue faire alors, au même moment, cette mesquine et vaine attaque du porte-parole du gouvernement contre le chef d’état-major démissionnaire, dans les colonnes du Figaro ? L’humiliation infligée par le chef-président au général insolent, à l’Hôtel de Brienne, n’avait-elle pas suffi ? Et ne s’était-elle pas montrée suffisamment inopportune et contre-productive pour qu’il fallût au chef-président en rajouter à ce point, à Istres, dans la flatterie et les promesses, pour tenter de récupérer la confiance des militaires ?
Pourquoi ce dernier coup de pied ? Le CEMA aurait été « déloyal » ; aurait « mis en scène sa démission » ; « on » aurait aimé « entendre sa vision stratégique et capacitaire plus que ses commentaires budgétaires » ; et cerise sur la tartine : il se serait ainsi comporté en « poète revendicatif »... Bigre ! Cependant que le chef-président, lui, louait notamment les qualités de ce même « poète » !
On a du mal à imaginer ce brave Castaner, qu’on ne savait pas si littéraire – maire de la bourgade de Forcalquier, député des Alpes-de-Haute-Provence –, paisible socialiste ayant contribué à faire élire Christian Estrosi aux dernières régionales, monter soudain cet assaut aigrelet et inutile contre Pierre de Villiers, désormais en « deuxième section » (c’est-à-dire versé dans la réserve en attendant la retraite, donc défait de tous pouvoirs et responsabilités, conformément aux statuts).
Alors qu’on s’acheminait vers une sortie de crise progressive – l’info du jour chassant l’info d’hier – que venait faire cette philippique de relance, tardive et amère, d’autant plus ridicule que vaine ? Qu’est-ce donc qui avait bien pu pousser ce pauvre Castaner à endosser le rôle si peu glorieux du « héros » de la fable ?
La réponse se trouve bien sûr dans la question ! Car on n’imagine pas un instant que, même stimulé par son rang de secrétaire d’Etat, le brave homme n’ait pas été entièrement en service (très) commandé. Et par qui ?...
Le profil du nouveau Commandeur-des-citoyens s’enrichit d’une teinte de plus, mais elle n’est guère rassurante. On avait bien compris que Jupiter serait peu ou prou jupitérien ; il ne faudrait pas qu’en plus il fasse montre d’un narcissisme mesquin et revanchard qui le pousse à poursuivre des ombres.
Au bout du compte, tout cela est très agaçant. Parce que, franchement, on aurait bien aimé que la nouvelle équipe au pouvoir, président en tête, se montre à la hauteur de l’espoir qu’elle a pu faire naître dans le pays, et n’aille pas s’embosser dans les premières vases. Sinon, la traversée risque d’être bien longue…
(Illustration : Ane de Savoie, photo de Michel Schmidt)