Si en architecture et en urbanisme, il existe le processus de bruxellisation qui désigne la destruction d’une ville ancienne en la livrant aux promoteurs au nom de son développement, la politique, elle, est en passe de trouver son propre processus d’autodestruction : la sarkozisation.
La sarkozisation, c’est la désagrégation incontrôlée et rapide de la politique quand elle se fonde sur du vent, de belles promesses et le clientélisme. Pour prendre une image, c’est comme un chancre d’une maison de maître dont il ne resterait que la façade. Il suffit d’en franchir la porte d’entrée pour se rendre compte que, derrière, ce n’est même pas un chantier, mais un foutoir absolu, une horreur remplie d’humidité et de mérule (on notera au passage que Cécilia Attias, elle, préfère l’image du décor de western, ce qui revient à la même chose).
Lutter contre la sarkozisation n’est certes pas chose aisée, mais nullement impossible. Il suffit de faire preuve de lucidité, d’humilité et d’honnêteté intellectuelle. Un chef de chantier avisé conseillera de conserver les murs extérieurs et les murs porteurs et de détruire le reste pour tout reconstruire. Sous ses ordres, les ouvriers sauront ce qu’ils ont à faire et chaque corps de métiers accomplira sa mission dans une parfaite complémentarité et dans le respect du plan convenu. Mais avec un chef de chantier tel que Nicolas Sarkozy, on peut vraiment s’inquiéter car, lui, inonde de boniments tous les potentiels résidents. Il se contente d’effectuer quelques replâtrages miteux et trouve les moyens les plus ingénieux pour tenter de dissimuler les problèmes qui, de toute manière, ne manqueront pas de réapparaitre (infiltrations, fissures, colonies d’insectes xylophages, etc.). Sous l’ordre d’un chef de chantier aussi incompétent et roublard, il est inévitable que les ouvriers fassent absolument n’importe quoi et passent leur temps à se contredire et à se tailler des croupières dans la désorganisation la plus complète.
Eh bien depuis 2002, c’est-à-dire depuis que l’UMP est au pouvoir, force est de constater que la Maison France s’est hélas progressivement transformée en chancre. Depuis 2007, la situation s’est considérablement aggravée. Sous l’effet de la sarkozisation, elle est en train d’entrer dans une phase inquiétante de destruction. Le processus est en perpétuelle activité. De couac en couac, des pans entiers de la maison sont en train de se fissurer.
Our House (Notre maison), Madness
Derniers effets de la sarkozisation connus à ce jour : la polémique sur les mères porteuses et sur la suppression des départements.
C’est ainsi que la ministre Christine Boutin-la-Bigotte s’est étonnée de la proposition de son « amie » sarkoziste, la secrétaire d’Etat Nadine Morano-la-Murène, visant à encadrer juridiquement la pratique des mères porteuses. La catholique intégriste a tellement été choquée qu’elle en a lancé une pétition ! Elle a été rejoint par le député Jean-Marc Nesme qui a été l’un des initiateurs du très réactionnaire «Manifeste pour la défense du droit fondamental de l’enfant d’être accueilli et de pouvoir s’épanouir dans une famille composée d’un père et d’une mère» (sous entendu : « dans une famille composée ni de pédés ni de gouines »). Boutin, qui a des indignations très sélectives et des comportements moraux à géométrie variable, a lancé un ultimatum à François Fillon de «démentir sa secrétaire d’Etat».
Voila ce qui arrive quand on n’a aucune vision de la société. On voudrait jouer les progressistes, on aimerait accompagner les évolutions de la société, on souhaiterait avoir une réflexion sur la bioéthique, mais on ne le peut pas à cause d’individus qui interdisent tout débat au nom de leurs obsessions religieuses névrotiques. Sarkozy, c’est ce petit malin qui veut jouer au président moderne mais qui s’est entouré de réacs à tous les étages.
Autre effet de la sarkozisation : le ministre du travail, l’onctueux Xavier Bertrand, a déclaré vendredi 28 juin 2008 que le débat lancé par la commission Attali sur la suppression des départements était toujours d’actualité. Bertrand, en courtisan discipliné, n’avait fait qu’exprimer la pensée de son chef. En effet, Nicolas Sarkozy avait la veille évoqué une éventuelle modification des structures territoriales, dont les départements. Sauf que fin janvier 2008, sous la pression des élus UMP furibards, Nicolas Sarkozy s’était finalement dit en désaccord avec la proposition de la commission Attali. Il avait d’ailleurs déclaré que les départements possédaient « la légitimité historique ». Il en avait aussi profité pour écarter des mesures contestées par certaines professions (celle concernant la libéralisation de « la licence taxi »).
Cette nouvelle contradiction illustre, une fois de plus, le manque cruel de vision politique. L’incohérence est donc au pouvoir en France. Sarkozy n’avait aucun programme pour la France autre que l’assouvissement de son ambition personnelle.
Avec un tel chef de chantier, qui dit tout et son contraire, comment la Maison France ne tomberait-elle pas en ruines ?