La France, comme le monde, est en pleine mutation : les événements de mai 1968 en font prendre brusquement conscience, jusqu’au fond des provinces où les journaux, la radio, la télévision apportent leur lot quotidien de bouleversements ; l’on assiste à un phénomène compensatoire : les gens sentent le besoin de se raccrocher à des traditions que les grands-parents ne peuvent ou ne savent plus transmettre, puisque les trois générations ne vivent plus, comme autrefois sous le même toit.
Ce sont les médias qui prennent le relais et on assiste de plus en plus à des émissions télévisées où des femmes et des hommes accomplissent, pour des millions d’inconnus, les geste traditionnels de l’artisanat et de la cuisine.
Ce sont souvent des gens très simples, tout étonnés de l’importance que la caméra donne à ces travaux qu’ils ont accomplis, mais que personne après eux ne saura faire.
Ce sont les traditions provinciales dont nous allons parler, ce sont aussi les traditions religieuses. En France, la religion catholique fut longtemps religion d’Etat et les jeûnes étaient respectés avec soin. Vendredi et samedi étaient jours maigres, et en période de carême, nul n’aurait mangé de la viande, hormis les malades.
Les traditions de la bûche de Noël et de la dinde sont encore respectées, mais elles ne semblent liées qu’à l’aspect profane de la fête ; il en est de même pour les rameaux chargés de friandises qui sont censés rappeler les palmes que le peuple de Jérusalem agitait sur le passage du Christ. Les œufs de Pâques en chocolat ou en sucre sont liés à la très ancienne tradition païenne du renouveau du monde. C’est encore cette approche du renouveau qui est célébrée par la fabrication des crêpes pour mardi gras et la chandeleur, par l’alliance de la farine, du lait et des œufs.
On doit faire cuire les crêpes en commun ; chacun tient à tour de rôle la queue de la poêle, parfois avec une pièce d’or dans la main; c’est un des rites les plus assidûment suivis, dans la France actuelle. Mais on mange des crêpes à toute époque et les façons de la garnir ne cessent de se multiplier.
Beaucoup de musulmans vivent en France ; leur religion leur interdit surtout la viande de porc, réputée impure ; elle les oblige au jeûne diurne du ramadan, et leurs fêtes, aid seghir, et aid el kebir, sont marqués par la dégustation du mouton et des gâteaux aux amandes et au miel. Il n’est pas de ville française aujourd’hui où au moins une pâtisserie orientale ne se soit installée.
La communauté israélite pour sa part a toujours gardé ses traditions culinaires propres ; elles sont en rapport étroit avec les usages de la nourriture.
A chaque fête correspondent des plats ancestraux. Citons les poulets que l’on sacrifie pour Yom Kippour (Le Grand Pardon), et que l’on accommode de diverses manières, les beignets de Hanouka ( Fête de la Lumière), les gâteaux perlés symbolisent l’arrivée du printemps et d’adafina (sorte de ragoût) qui permet d’observer le repos du samedi, car c’est un plat qui cuit seul longuement.
De nos jours, les parents transmettent à leurs enfants les recettes qu’ils ont su conserver, sans d’ailleurs toujours les rattacher à des fêtes dont ils seraient souvent bien en peine de situer avec précision les symboles. C’est de cette manière que la cuisine israélite s’est maintenue au long des générations.
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Source : La Fabuleuse Histoire de la Cuisine Française d’Henriette Parienté et Geneviève de Ternant. Editions O.D.I.L.