« Pourquoi tombe-t-on ?
- Pour apprendre à se relever. »
Ainsi le père du jeune Bruce Wayne fait de la chute terrifiante de son fils dans un puits envahi par les chauves-souris une leçon existentielle.
Cette première séquence, premier contact avec la dureté de la vie et la nécessité de surmonter les peurs qu'elle engendre qu'éprouve le futur Batman, est caractéristique de tout le projet de Batman Begins : comment sublimer l'angoisse dans le super-héroïsme ?
Dans une Amérique encore traumatisée par le choc récent du 11-Septembre, le choix de Nolan de revenir aux origines du personnage le plus névrosé de la mythologie super-héroïque est hautement symbolique : dresser le portrait d'un sauveur qui se construit en passant par les ténèbres de l'âme humaine, c'est faire celui d'une Amérique qui doit se reconstruire sur les ruines encore fumantes de Ground Zero.
Le Batman de Nolan est un anti-héros peu sympathique qui devient cependant la conscience morale nécessaire d'une Gotham perdue dans ses péchés, au point de devenir la nouvelle Sodome que souhaite détruire la puritaine Ligue des Ombres. Tout comme ses ennemis, qui l'ont lui-même formé à être un combattant hors-pair, Batman utilise la peur pour restaurer la justice ; les rôles du bon et du méchant se renversent lors de la première intervention de Batman au sein des docks, au cours de laquelle, par une série de plans sur les visages tendus des dealers et de sons off qui font planer une menace sur eux, c'est le super-héros qui apparaît comme le monstre dévorant les enfants dans une séquence très marquée par l'esthétique du film d'horreur. Face aux terroristes, œil pour œil, dent pour dent, semble clamer un Batman très inspiré par celui de Frank Miller.
Dans cette ville gangrenée par la corruption, la criminalité et l'inefficacité des pouvoirs en place, la question du Bien et du Mal ne se pose plus en termes manichéens, mais se transforme en éthique individuelle. Contre l'Apocalypse que souhaite Ra's al Gul pour nettoyer cette Babylone de ses péchés, Batman se dresse et rallie les Justes (Gordon, Rachel, Alfred, Lucius et tous ces figurants qui le soutiennent) autour de lui, devenant ainsi le symbole moral d'une Gotham qui trouve un exemple à suivre pour la détourner du vice au sein de ses propres citoyens.
L'angoisse primitive de la chute se voit dès lors sublimée dans la construction du Bat-Signal, planant au-dessus d'une ville qui se sait protégée. Après toute une série de flash-backs de son enfance et de sa jeunesse, le Bruce Wayne terrorisé a su, par la vertu d'une introspection qui nous est livrée comme un modèle individuel, faire de sa peur son pouvoir, des chauves-souris son animal-totem. Défi lancé à l'Amérique, qui, tombée ses rêves de gloire du haut du World Trade Center, doit apprendre à plonger au cœur de ses ténèbres pour mieux s'en relever.
Batman Begins, de Christopher Nolan, 2005
Maxime