Aurélie du Chatelet, chargée de plaidoyer Nutrition et Santé chez Action contre la Faim, a participé à l’assemblée. Elle nous explique les sujets traités et les avancées qui ont eu lieu.
Vous revenez de l’Assemblée Mondiale de la Santé, quelles ont été les avancées positives?
L’élection du Docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, le nouveau directeur général de l’AMS, fait partie des bonnes nouvelles. Il met la couverture de santé universelle au cœur de ses priorités. Lors d’un discours, il a insisté sur l’importance des soins de santé de qualité pour tous. Ceci est très important car il reconnait qu’aujourd’hui la situation sanitaire mondiale est insuffisante et que les conséquences sont graves.
La réalité c’est qu’il n’y a pas assez de financements et de ressources humaines pour lutter de manière efficace contre des maladies que l’on peut prévenir et guérir comme la malnutrition aigüe sévère. On voit très clairement ce manque dans nos pays d’intervention. Par exemple, dans les centres de santé, il n’y a parfois qu’une seule infirmière. Elle doit s’occuper de toutes les urgences, des vaccinations, des diarrhées et des maladies. Elle n’a pas le temps de détecter la malnutrition. C’est pour cela qu’il très important de renforcer les systèmes de santé et de former et soutenir leur personnel pour pouvoir prévenir certaines maladies au lieu de les guérir.
Une autre avancée très positive concerne les cibles de lutte contre la sous-nutrition. L’année dernière, Action contre la Faim avait obtenu une résolution pour que les pays fixent des cibles de réduction de la sous-nutrition pour pouvoir analyser leurs progressions et améliorer leurs objectifs. Cette année, nous avons organisé un évènement rassemblant plusieurs Ministres, et nous avons constaté que davantage de pays ont fixé ces cibles. Le Burkina Faso a même pris des engagements solennels, que je vous expliquerai un peu plus bas. Enfin, nous avons organisé une table ronde au sujets des famines en cours et les participants se sont mis d’accord sur des actions prioritaires.
Nous devons continuer notre lutte pour mobiliser la volonté politique des décideurs, dans les contextes d’urgences comme lors des famines, et dans des contextes plus pacifiques. La malnutrition reste une problématique oubliée de nombreux décideurs. Ainsi, Action contre la Faim était la seule organisation à mettre la nutrition à l’agenda lors de cette Assemblée Mondiale de la Santé. C’est intolérable lorsqu’on voit que 30 millions de risquent de mourir dans les prochains mois.
Quel est l’intérêt de ces cibles nationales de réduction de la malnutrition ?
Les cibles sont un outil de mesure de l’engagement et des progrès de la lutte contre la sous-nutrition. Au-delà du côté technique, ce sont des indicateurs qui nous aident à évaluer la volonté politique des pays dans leur lutte contre la sous-nutrition. Action contre la Faim a créé un tableau pour évaluer ces cibles et classer les pays selon leurs engagements. Grâce au tableau, on peut percevoir que le Vietnam et la Sierra Leone sont en haut du classement mais que l’Arabie Saoudite et la Papouasie Nouvelle Guinée sont à la traîne. Ce système de notation nous permet aussi d’identifier des pistes d’amélioration.
Aujourd’hui 27 pays sur 50, c’est-à-dire presque la moitié d’entre eux, n’ont toujours pas adopté une cible sur la malnutrition aigüe, qui met en danger la vie des enfants. Malheureusement, dans le monde, les taux de malnutrition aigüe diminuent plus lentement que ceux de la malnutrition chronique. Cela est dû notamment à un manque de financement de la part des Etats et des bailleurs.
Au contraire, le Burkina Faso est un exemple positif. Le pays a un niveau d’engagement moyen mais il s’est engagé à faire davantage lors de notre évènement. Les autorités ont annoncé trois nouveautés :
- le développement d’une une plateforme hébergeant les données sur la malnutrition pour essayer de mieux comprendre et prévenir la maladie, et d’ajuster la réponse.
- les travailleurs de santé communautaire seront formés à la prise en charge de la malnutrition
- une plus grande promotion de l’allaitement maternel: cela fait 25 années que le Burkina Faso a mis en application le Code International sur la Commercialisation des Substituts du Lait Maternel. Cette législation était très nécessaire car l’usage de substituts de lait maternel peut avoir de graves conséquences chez les bébés quand les conditions d’utilisation sont mauvaises. Le lait en poudre est un produit cher, les familles n’avaient pas toujours les revenus nécessaires pour acheter suffisamment de quantités. La dilution du lait dans de l’eau non potable ou contaminée mettait également en danger la santé des nourrissons qui étaient exposés à des risques de maladies diarrhéiques. Le Burkina a fait de grands progrès dans l’application de ce code : on voit que la volonté publique de protéger la population est très présente.
Un des sujets traité lors des discussions c’est l’urgence famine : où en est-on aujourd’hui ?
L’urgence famine est un sujet très sensible car plus de 30 millions des personnes sont menacées au Nigéria, au Soudan du Sud, en Somalie et au Yémen. Action contre la Faim est présente dans les 4 pays pour aider les populations. Ce que l’on doit comprendre par rapport à la famine, c’est l’origine de cette situation. Au-delà de la sécurité alimentaire, la composante santé est importante. La sous-nutrition est la conséquence de la faible sécurité alimentaire mais aussi des maladies provoquées par la qualité de l’eau comme le choléra et les diarrhées. Sans système de santé fort, on ne peut pas prévenir et guérir ces maladies et donc on ne peut pas empêcher les personnes de basculer dans un état de malnutrition. Nous l’avons dit à l’Assemblée Mondiale de la Santé et nous en avons discuté avec nos partenaires : il faut mieux travailler ensemble, et absolument mobiliser les bailleurs et l’opinion publique avant d’atteindre un état critique.
Photographie © Samuel Hauenstein - Swan pour Action contre la Faim.