Par exemple, quelques temps après le référendum irlandais, le 17 juin 2008, Philippe Barraud avait épinglé, avec beaucoup de talent, Urs Gfeller, qui, sur la Première, avait montré tout son mépris pour le peuple irlandais. Ce dernier aurait été "mal informé", il n'aurait "pas lu le traité" et ne représenterait après tout que "0,5% de la population de l'Union européenne". Ce qui voulait dire que le peuple était trop c... pour qu'on lui laisse la parole.
Philippe Barraud avait été mis en rage par ces propos. Il avait balayé, d'un revers de main sûre, les arguments des intellectuels qui voudraient réserver la démocratie directe aux petites questions et laisser les grandes entre les mains d'experts et de politiciens. En effet le peuple voterait avec ses tripes, il serait ignare et vulgaire, alors que, pour Philippe Barraud, le peuple aurait au contraire "une vision détachée et critique, dans laquelle entre une grande part d'intuition et de bon sens".
En conclusion Philippe Barraud écrivait que le peuple pouvait bien se tromper et porter des monstres au pouvoir, mais que c'était "bien la grandeur de la démocratie, institution humaine et donc faillible, de laisser au peuple le privilège de choisir son destin, quitte à en payer lourdement le prix si le choix n'était pas bon". Il préférerai "toujours un peuple qui peut se tromper, à des technocrates qui méprisent le peuple".
Pour ma part, dans mon émission du 19 juin 2008, sur Radio-Silence (ici), j'avais épinglé des propos de Michel Beuret, dans "L'Hebdo" du même jour, qui n'étaient pas sans parenté avec ceux d'Urs Gfeller: "A l'instar du despote, s'il n'est pas "éclairé", le pays sombre. Les peuples européens sont-ils "éclairés" des affaires de l'Union européenne ? A l'évidence pas assez." Je commentais : "Cette excuse selon laquelle les peuples ne sont pas suffisamment éclairés pour décider de leur sort est celle invoquée par toutes les dictatures pour passer outre à leur consentement".
Sur la même longueur d'onde que Philippe Barraud sur nombre de sujets, je ne le suis pas sur au moins deux sujets. Philippe Barraud se fait en effet le chantre d'une écologie contraignante et de l'interdiction de fumer. Sur ces deux sujets, il est rien moins que libéral et cela ne laisse pas de me chagriner. Mais personne n'est parfait...
Certes le peuple de Genève a décidé d'interdire de fumer dans les lieux publics à 80% (voir mon article sur ce sujet : Les dissidents de Genève pour la liberté de fumer ), mais il est une caractéristique de la démocratie helvétique qui tempère le couperet représenté parfois par la loi du nombre, c'est ce qu'on appelle la démocratie de concordance. Dans l'esprit il s'agit de trouver des accords à l'amiable et des compromis avec les minorités. Et les dissidents de Genève ne demandent pas autre chose.
Dans une griffure de son site, Philippe Barraud s'en prend aux deux ténors du barreau de Genève qui veulent continuer à pouvoir fumer : "Regardez-les donc, Bonnant et Warluzel: "Moi, je continuerai à fumer au restaurant, na !". Dérisoires et pathétiques, ces vieux gamins capricieux donnent à penser que non content de tuer la cigarette conduit à l'infantilisme, ou à la démence sénile précoce."
Cette griffure, qui me rappelle les heures bénies où mes soeurs à bout d'arguments utilisaient leurs ongles, donne à penser que Philippe Barraud se soucie des libertés individuelles comme de colin-tampon et qu'il a vite fait de les prendre pour des caprices, ce qui n'est pas de très bon goût, comme dirait certainement Me Bonnant.
Francis Richard