Miami Beach Art Deco District, la plus grosse concentration d’architecture Art Déco du monde
Il est rare qu’on qualifie un quartier qui a 75 ans de riche en histoire, mais aux États-Unis, Miami Beach fais partie du peu de villes dont l’architecture a été traversée par des courants artistiques majeurs tout en conservant leurs caractéristiques au fil des années. Miami Beach n’était en effet que cette longue mangrove abritant des maisons décrépies et des personnes âgées. Jusqu’à ce qu’en 1926 un ouragan ravage le banc de sable et emporte avec lui toute l’architecture locale. Cependant, en plein début des années 1930, alors que l’Amérique subit les conséquences du krach boursier de 1929, le budget pour reconstruire est limité. Pourtant, les États-Unis reçoivent à leur tour la vague Art Déco qui traverse l’Europe depuis l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs de Paris en 1925.
La reconstruction se fait donc à travers un mélange de caractères esthétiques mêlant symétrie, motifs géométriques, superposition de plans verticaux et horizontaux (à travers lesquels se développe le style ziggourat : la superposition de terrasses faisant notamment office de toiture), des façades à l’ornementation en relief (notamment inspirée de la version américaine du passage entre l’art déco et le streamline : avec des hublots sur les frontons, ou bien des éclairages au néon) où les courbes et les angles arrondis sont rois.
L’association de ces facteurs donne donc pour résultats le développement d’une architecture qui reprend les principes fondamentaux de l’architecture moderne et du plan libre, avec une structure inspirée des arts décoratifs et qui met en place un ensemble géométrique orthogonale et symétrique; tout en élaborant des façades sobres peintes en blanches, aux matériaux bon marché comme le béton car les moyens manquent. L’ornementation se fait alors par la couleur, et l’on développe le style Tropical Deco, reprenant les lignes et couleurs de la végétation tropicale et de l’océan.
Et ça marche : ce quartier construit avec peu de moyens, développant une architecture simple et sans faste, aux matériaux banals et aux bâtiments peu frappants au premier abord; va devenir l’empire du Bling Bling et du m’as-tu- vu, un quartier branché où le mode de vie est luxueux et met en avant un style de vie aux moyens débordants, favorisant la parade des voitures de luxe ou bien les habitudes de générations baby-boomiennes et de leurs successeurs de faire de leur quotidien une visite des hôtels de luxe, spas, carrés de plage privées avec les derniers morceaux de musique commerciale.
Cette dimension tendance est d’autant plus mise en avant à la suite de l’intervention de Barbara Capitman qui, pendant les années 1970, alors qu’à la suite du krach de 73-74 le quartier devait être démoli, crée la Miami Design Prestation League qui grâce au soutien de l’architecte pionnier des Arts decos américains, Henry Hohauser, permet non seulement la conservation mais la rénovation des 800 bâtiments qui constituent ce quartier emblématique de la vague Art deco aux Etats Unis.
A la rénovation s’ajoute la touche émergente des années 1980 : le Deco Dazzle, lancée par Leonard Horowitz : elle met en avant les tendances tropicales à travers l’utilisation de tons pastels pour repeindre les façades des bâtiments, et leur donne une ambiance festive et attractive en reprenant les éclairages au néon coloré des boîtes de nuit et des clubs « underground », dans cet empire de l’alcool et de la drogue qu’est Miami dans les années 70-80, alors que la Prohibition n’y a jamais vraiment été appliquée et que les connections maritimes et aériennes font de Miami le point d’arrivée stratégique de la cocaïne venant de Colombie, du Pérou et de Bolivie.
C’est ainsi que les barons de la drogue blanchissent l’argent des ventes et le réinvestissent dans l’immobilier, construisant des maisons colossales, pendant que l’argent des cartels réquisitionné par l’administration américaine est réinvestit dans la reconstruction et rénovation du quartier Art Déco. C’est de cette façon que la rénovation totale de Miami Beach entraîne la transformation d’une ville vieillissante pour personnes âgées venues passer leur retraite en un tout nouveau terrain de jeux pour les jeunes et les nouveaux investisseurs.
L’économie florissante des an- nées 1980 (notamment liée au commerce de la drogue), se traduit à travers l’immobilier et Miami prend alors une toute autre image au- près non seulement des communautés américaines mais de la communauté inter- nationale aisée. En effet, le fait que Miami et Miami Beach soient devenues, via l’affluence des drogues et des cartels, un lieu attractif pour la population internationale recherchant un style de vie de luxe et de faste, a permis à la ville de garder cette image d’abondance de richesse ainsi que d’empire d’acquisition de pièces ostentatoires. Cela ne fonctionne plus aujourd’hui à travers les moyens du commerce de la drogue, mais c’est à travers les flux migratoires et commerciaux ainsi que les investissements qu’il a entraîné que l’image séduisante de Miami aux yeux des gens fortunés a prospéré. Ainsi, le quartier Art Déco originellement construit dans un contexte de tension budgétaire, avec une économie faite sur les matériaux et dont les façades n’offrent pour principale ornementation que la symétrie, la répétition de plans horizontaux pour les toitures et les terrasses, l’arrondissement des angles et la structure géométrique, auxquelles s’ajoutent des gammes de couleurs issues des teintes tropicales; est devenu le symbole non seulement du luxe à travers l’adaptation de nombreux bâtiments en hôtels et l’acquisition de maison par de riches personnalités; mais également de richesse culturelle faisant de Miami Beach la ville contenant la plus grande concentration d’architecture art déco du monde.
C’est ce qui entraîne alors un rayonnement culturel de la ville au niveau mondial, attirant des artistes américains venant de tous bords, ainsi qu’européens et sud-américains qui multiplient les galeries d’art et de design, favorisant l’émergence du Design District ainsi que du Wynwood Art District. Enfin, le point culminant de ce rayonnement culturel pourrait être défini par la définition de Miami comme le second lieu le plus influent accueillant le festival d’art contemporain colossal Art Basel, après sa ville originalle Basel en Suisse.
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Merci à Juliette R en direct des États-Unis pour sa première contribution inspirante…
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