Ayant « patienté » jusqu’à ce que le numéro ne soit plus disponible en kiosque… voici maintenant venu le temps de vous en faire découvrir ses secrets.
Retranscription de l’article de Florence Le Méhauté pour Serengo
Nous supportons de moins en moins d’attendre. Que ce soit pour obtenir une réponse à un mail ou pour se faire livrer des escarpins. La faute, notamment, aux nouvelles technologies qui nous ont rendus accros au « tout, tout de suite ».
Vous avez sans doute déjà pesté contre une amie qui avait plus de cinq minutes de retard à un rendez-vous. Ou qui ne répondait pas systématiquement à votre texto envoyé cinq minutes plus tôt…
Il n’y a pas si longtemps on supportait sans broncher que nos proches se fassent désirer pendant un petit quart d’heure (faute de smartphone dans la poche, impossible de savoir en temps réel où ils en étaient), d’enchaîner les jours voire les semaines, avant de recevoir une réponse à une lettre.
Aujourd’hui on refuse de poireauter. Dans la queue au supermarché. Au téléphone avec le service clients de notre opérateur. Ou bien devant notre ordinateur en essayant de charger une photo trop lourde…
Les coupables ?
En grande partie les nouvelles technologies qui nous permettent d’avoir, ou de faire, tout, toujours plus vite.
« Leur généralisation au grand public, à partir de 2002, a provoqué une mutation phénoménale dans notre rapport au temps, explique la sociologue et psychologue Nicole Aubert. Cela a décuplé l’impatience ». Il s’agit d’ailleurs de l’un des principaux traits de caractère de « l’individu hypermoderne », dont elle et plusieurs collègues de diverses disciplines brossent le portrait dans le livre du même nom (Ed. Erès) : un homme (ou une femme) centré(e) sur la satisfaction immédiate de ses désirs en quête permanente de nouvelles performances, adepte du zapping – y compris avec ses amis et conquêtes – et incapable de se projeter dans des valeurs qui engagent à long terme comme la fidélité ou la loyauté.
Pas très reluisant, mais avouez que vous connaissez des personnes qui répondent parfaitement à cette description.
Impatience : Tout vient à point à qui sait… trépigner
Serions-nous devenus des « sales gosses » ?
Comme ces enfants qui, dans le test du marshmallow (une expérience scientifique sur la gratification), préfèrent obtenir un bonbon tout de suite, plutôt que deux plus tard ? Sans doute, et les marques ne nous aident pas à retrouver le chemin de la patience. Elles-mêmes bataillent sans cesse pour raccourcir les délais d’attente en tous genres, afin de se démarquer de la concurrence.
L’expérience Sarenza
« On sait que si une page ne s’affiche pas en moins de trois secondes sur le mobile, la personne va décrocher, assure Marie Dagrenat, directrice de l’expérience client de Sarenza, un des leaders français de la vente de chaussures en ligne. C’est d’ailleurs pour gagner en vitesse que nous avons remodelé tous nos sites début février. C’est un enjeu majeur : aujourd’hui les consommateurs zappent très vite, surtout sur leur téléphone portable ». Dans cette folle compression des jours, des heures et des minutes, la société envisage de proposer bientôt une livraison dans la journée (au lieu de 24 heures après commande, actuellement).
Quant à la presse…
Même la presse n’y coupe pas. Le quotidien gratuit 20 Minutes a bâti sa notoriété sur la promesse qu’il ne fallait pas plus de vingt minutes pour le parcourir en entier. D’autres comme Le Plus, le supplément numérique de l’Obs, ou Numerama.com, site dédié aux nouvelles technologies, affiche une estimation de la durée de lecture des articles, pour éviter de perdre leurs fidèles en route. Au risque, aussi, de les décourager…
Impatience : Le règne du court terme
Faut-il pour autant revenir à l’âge du Minitel et des téléphones à cadran ? Non, bien sûr, car nos nouveaux « outils » ne sont pas seuls en cause. Le contexte économique, axé sur la recherche immédiate de profit, génère, lui aussi du stress et de la fébrilité.
« C’est le règne du court terme » analyse Jean-Luc Hudry, fondateur du blog Moralotop. Ce quinquagénaire sait de quoi il parle : avant de distiller son optimisme convaincu dans des conférences et formations en entreprise, il a lui-même géré une entreprise de tourisme. On accorde de moins en moins de temps aux choses, constate-t-il. Une nouvelle société doit fournir des bons résultats au bout de quelques trimestres, une émission de télévision ne reste pas plus de quelques semaines à l’antenne si elle ne trouve pas son public, un entraîneur de football est débarqué illico si son équipe n’est pas assez performante… ».
Alors qu’il faut du temps, au contraire, pour construire…
Patience et longueur de temps…
Pourtant, au fond de nous, rien n’a changé. « Le mécanisme biologique de l’horloge interne n’a pas évolué en à peine deux décennies, rassure Sylvie Droit-Volet, membre du CNRS et professeur de psychologie sociale et comportementale à l’université Clermont Auvergne. C’est l’attitude que l’on a face au temps qui passe qui est bouleversée. Quand on est impulsif, que l’on veut tout immédiatement, le temps est au cœur de notre conscience. Et il nous pèse ».
Heureusement…
Heureusement, rien ne nous empêche de ralentir, d’éteindre son téléphone portable le soir, de se déconnecter de l’ordinateur pendant les vacances, de profiter des moments d’attente imposée pour observer la nature ou regarder les passants. Sans forcément souscrire à l’une de ces coûteuses détox digitales, où l’on réquisitionne vos appareils électroniques pour les enfermer à double tour dans un coffre…
« La méditation de pleine conscience peut aussi aider à reprendre le contrôle sur le temps, ajoute Sylvie Droit-Volet. Avec des collègues nous avons fait des expériences sur des étudiants, formés à cette pratique pendant plusieurs semaines. Résultat : ils étaient plus centrés sur le présent, de manière générale, mais aussi plus à même de prendre du recul face aux pressions temporelles ».
La politique du verre à moitié plein
Jean-Luc Hudry, de Moralotop, prône, quant à lui, la politique du verre à moitié plein. « Quand on attend une réponse ou un résultat d’examen, il faut choisir, entre deux illusions, celle qui vous boostera le plus. Cela permet de mieux gérer son impatience ».
A chacun sa technique. Mais l’enjeu en vaut la peine : car, non contente d’être la mère de toutes les vertus, la patience serait aussi contagieuse selon une récente étude de l’Inserm. Plus vous serez sereins et indulgents, plus les autres le seront avec vous.
Alors, on s’y met tout de suite ?
Qu’en pensez-vous ? Je suis… impatient de lire vos commentaires sur le sujet ! 😉