Titre : Showman Killer, T3 : La femme invisible
Scénariste : Alexandro Jodorowsky
Dessinateur : Fructus
Parution : Septembre 2012
Alexandro Jodorowsky est un des grands noms de la bande dessinée. « Metabarons », « L’Incal » ou « Les Technopères » sont de célèbres sagas de science-fiction dont il est le scénariste. Je ne les ai lu qu’en pointillant découvrant un album ou un autre au gré d’une rencontre hasardeuse dans un rayon de bibliothèque. Ma première immersion réelle et complète dans l’univers du célèbre auteur chilien a eu lieu avec « Bouncer ». Ce western de grande qualité m’a permis de prendre pleinement conscience de la « marque Jodorowsky ». Il y a deux ans, j’ai profité de la sortie de « Un héros sans cœur » pour faire mon entrée dans la mythologie SF de l’écrivain. Il s’agissait du premier épisode de « Showman killer ». J’ai été charmé et c’est avec plaisir que je me suis offert le troisième acte intitulé « La femme invisible » paru en septembre dernier.
Un côté excessif, bestial et guerrier
La quatrième de couverture indiquait que cet album marquait la fin du récit. Cela attisait ainsi ma curiosité. Les deux précédents tomes nous avaient fait découvrir un combattant invincible, dénué de sentiments qui s’offraient au plus offrant. S’adjoindre ses services avait pour conséquence de faire basculer les équilibres intergalactiques tant ses pouvoirs étaient grands. « La femme invisible » faisait apparaitre une fissure dans l’armure émotionnelle du héros. « L’enfant or » nous en apprenait énormément sur son passé et ses liens avec l’enfant sauvé. Tout cela se déroulait dans un univers de révolution apocalyptique. « La femme invisible » devait donc choisir le vainqueur de ses guerres à grande ampleur.
Le fait que cet ouvrage naisse de l’imagination de Jodorowsky est évident. Sa patte et son univers sont reconnaissables entre mille. L’ampleur des batailles spatiale est exponentielle. Les pouvoirs du héros sont réellement sans limite. Les personnages sont dénués de sentiment. Les rapports incestueux de ses personnages ne sont pas négligés. Cela offre une lecture forte du fait de la densité et de l’identité du monde dans lequel se construit la narration. Le dépaysement du lecteur est évident. Dès les premières pages, on est plongé dans un rêve inquiétant, à bord d’une navette spatiale ou en approche d’une planète verdoyante à la faune inquiétante. On apprécie logiquement le travail de Nicolas Fructus. Son trait participe activement au voyage offert par la lecture. Sa précision dans le trait offre aux paysages et aux lieux une réelle profondeur. De plus, il arrive à développer une identité propre à chaque personnage. Le côté excessif, bestial et guerrier des rapports entre eux se traduit également pleinement dans les illustrations. Le travail sur les couleurs est remarquable. Quels que soit les tons chromatiques, la maîtrise du dessinateur est totale.
Les qualités de cet ouvrage sont nombreuses mais cela ne m’empêche pas d’apporter quelques bémols. Je suis sorti un petit peu déçu de ma lecture. Les deux premiers albums avaient posé les jalons d’une trame dense aux arborescences nombreuses. On se posait de nombreuses questions quant au devenir du héros, de l’enfant ou plus généralement de la galaxie. Finalement, le dénouement de toutes ses interrogations est bien moins complexe et passionnant que la construction qui l’a précédé. Je n’ai pas pour autant été gagné par l’ennui. La lecture est agréable et plutôt prenante. Néanmoins, je regrette que l’ampleur de l’ensemble apparait moins grande ici qu’elle semblait l’être dans l’épisode précédent.
Au final, « La femme invisible » clôt correctement « Showman Killer ». L’histoire est bien construite et se termine pas de manière bâclée. Mes légers regrets concernant cet album sont largement atténués par la qualité globale de la trilogie. De plus, je trouve que cette série offre une porte d’entrée intéressante vers l’univers de Jodorwsky. Elle est facile d’accès à un lecteur qui n’a jamais eu l’occasion de découvrir les aventures SF nées de l’imagination de ce brillant scénariste. J’envisage d’ailleurs de poursuivre mon aventure dans son monde. Mais cela est une autre histoire…