Les systèmes de santé dans le monde font face à une augmentation généralisée des admissions hospitalisées non planifiées. Des admissions tout autant indésirables pour les patients, parce qu'elles induisent des soins souvent moins personnalisés et plus coûteux. Face à ce phénomène, un axe en particulier semble à privilégier la prévention et la continuité des soins via un accès renforcé ou plus régulier aux soins primaires, majoritairement assurés par le médecin " de ville ". Un point clé pour le suivi de santé des patients âgés. Cette étude d'experts de la Health Foundation (Londres), présentée dans le British Medical Journal, confirme l'importance de stratégies qui améliorent la continuité des soins en pratique générale pour réduire les coûts liés aux soins secondaires, en particulier pour les utilisateurs les plus lourds de soins de santé. Cette promotion de la continuité pourrait également permettre d'améliorer l'expérience des patients et des professionnels, dont les médecins généralistes bien sûr, qui œuvrent en pratique générale.
Alors que l'accès en temps opportun est un objectif essentiel pour délivrer des soins de santé de qualité, la continuité des soins est associée à la satisfaction des patients et à la qualité de vie des patients vivant avec affections de longue durée (ALD). Cette continuité englobe plusieurs aspects, dont,
-la cohérence des soins avec un même professionnel ou une même organisation, de type pôle ou maison de santé au fil du temps,
-la qualité des relations interpersonnelles entre professionnels de la santé et patients
-la disponibilité des informations sur le patient et son parcours de soins.
Les médecins généralistes sont les premiers garants et surveillants de cette continuité des soins, une fonction que les auteurs documentent comme une valeur fondamentale de leur profession, appréciée et reconnue par ailleurs par les patients. Cependant de récentes enquêtes auprès des patients montrent que la continuité des soins est en déclin et que les médecins eux-mêmes, en raison de l'engorgement des systèmes, des déserts médicaux etc...doutent de plus en plus de leur capacité à fournir des soins coordonnés pour le nombre croissant de patients souffrant d'ALD ou autres maladies chroniques. La tendance est à des pratiques générales plus larges, où de grandes équipes cliniques ou des centres pluridisciplinaires gèrent un plus grand nombre de patients. Si cette tendance, inéluctable, est plutôt positive et associée à certains égards à une amélioration de la qualité des soins, à la mise en œuvre des bonnes pratiques dans la gestion des maladies chroniques, à des temps de consultation plus longs, les patients, avides de la relation médecin-patient, déclarent moins de satisfaction à l'égard de plusieurs aspects des soins, dont la continuité. La question de la continuité est donc posée en regard de l'évolution actuelle et naturelle des systèmes de santé.
Continuité ou accès, quelle est la priorité ? Il reste peu clair, soulignent les auteurs, combien d'efforts et de ressources doivent porter sur ces deux enjeux majeurs de nos systèmes de santé. En particulier, peu d'études ont examiné si la continuité des soins est associée aux admissions non planifiées à l'hôpital. Aucune étude n'a examiné le bénéfice de la continuité des soins pour différents groupes de patients. Cette étude a donc souhaité regarder ce lien entre continuité et admissions non-planifiées avec l'hypothèse que la continuité pourrait améliorer la gestion des ALD en augmentant la capacité des médecins à répondre aux besoins et aux préférences des patients et, par conséquent, leur capacité à recommander des traitements personnalisés et acceptables. La continuité pourrait également permettre une détection et un traitement plus précoces des événements aigus et renforcer la relation entre le médecin généraliste et son patient créant ainsi un cercle plus vertueux.
L'association entre la continuité des soins en médecine générale et les hospitalisations : l'objectif des chercheurs britannique est donc ici d'évaluer si la continuité des soins avec et grâce au médecin généraliste est associée au taux d'admissions hospitalières inattendues, en particulier pour les patients plus âgés, de 62 à 82 ans. En effet, ces patients valorisent tout particulièrement la continuité des soins et sont aussi ceux qui recourent le plus à l'hospitalisation. Pour cela, les chercheurs ont analysé les données de 230.472 patients ayant connu au moins 2 contacts avec un médecin généraliste entre avril 2011 et mars 2013. Ce nombre de contacts avec le médecin généraliste étant un marqueur de continuité des soins. L'analyse montre que :
-en moyenne, le nombre de consultations auprès du généraliste est de 0,61/an.
-la continuité des soins est plus faible en cas de structures (cabinets, centres, MSP...) comportant un plus grand nombre de médecins, vs cabinet du médecin généraliste (0,59 vs 0,70).
-plus la continuité est élevée et moins nombreuses sont les admissions pour les événements sensibles ; une augmentation du score de continuité de 0,2 pour tous les patients réduirait de 6,22% les admissions non-planifiées à l'hôpital.
-Enfin, cette association inverse continuité des soins et admissions à l'hôpital est la plus forte chez les patients, gros utilisateurs de soins primaires, c'est-à-dire en ALD ou atteints de maladies chroniques. Ces patients sont, d'une manière générale, ceux qui recourent le plus fréquemment aux admissions non-programmées.
Si le regroupement des professionnels de santé au sein de structures multidisciplinaires n'est pas une solution discutable pour optimiser l'accès aux soins de santé, une priorité se fait jour, à la lecture de ces données : développer des stratégies qui améliorent la continuité des soins en médecine générale et en soins primaires. Leur mise en œuvre pourrait en effet fortement réduire les dépenses liées aux soins secondaires, en particulier pour les utilisateurs les plus lourds ainsi que les phénomènes d'engorgement à l'hôpital et aux urgences. Cette promotion de la continuité pourrait également améliorer l'expérience des patients comme celle des professionnels de santé, concluent les chercheurs.
Équipe de rédaction Santélog