L'Egypte s'étire entre deux déserts pour s'épanouir,comme l'éventail d'un palmier, dans le delta du Nil fertilisé par les limons du fleuve.
Que reste-t-il des trente et une dynasties orgueilleuses de ses pharaons si nous en retenons seulement ce qui a apporté quelque forme nouvelle de la vie, et qui
demeure vivant pour nous ?
Ce ne sont point les conquérants éphémères qui ont fait graver leurs exploits dans le granit...
Qu'importe si, aujourd'hui, leurs sarcophages sont vides et dénouées les bandelettes de leurs momies ... Narmer, Touthmôsis, Ramsès ...
Les rêves des conquérants ont tourbillonné
comme des feuilles mortes et les sables en ont recouvert le sang.
Que reste-t-il de leurs conquêtes, sinon les images qui les évoquent ? Elles n'ont d'autre grandeur que celle de l'artiste qui les a sculptées.
Que reste-t-il de leur orgueil et des richesses de
leurs tombeaux ? Au-delà des ors et des pierres
précieuses, leur avidité de conserver dans la mort leurs
guerriers et leurs serviteurs fait revivre, en figurines
d'argile ou de bois, toute l'activité quotidienne d'un
peuple. La vanité des morts nous révèle le labeur des
vivants. Avec ses armées, ses rameurs, ses laboureurs et
ses maçons, ses femmes filant le lin , et les enfants
même emportant leurs jouets dans le tombeau du roi .
Que reste-t-il des flux et des reflux de trois mille
ans d'histoire où, par trois fois, se reproduit le même
cycle d'évolution ?
Pour que les crues du Nil soient un bienfait, et non
une malédiction, la construction des digues et des
canaux exigeait un pouvoir centralisé. Par trois fois,
avec l'Ancien , le Moyen et le Nouvel Empire, se réalise
cette unification. Par trois fois elle se désagrège. L'histoire
de l'ancienne Egypte est soumise à ce rythme.
Ce qui demeure, c'est le mythe d'Osiris, symbole
de cette histoire des hommes, de la terre et des dieux :
Osiris, le dieu déchiré par ses ennemis du désert, le dieu
qui ressuscite lorsque l'amour d'Isis, son amante et sa
soeur, rassemble ses membres dispersés.
Trois étapes de la religion peuvent se lire à travers
le mythe d'Osiris.
C'est d'abord un dieu de la nature, qui renaît à
chaque printemps avec la végétation.
C'est ensuite un dieu politique, qui renaît, comme
l'Egypte, après chaque démembrement féodal.
C'est enfin un dieu spirituel, symbole de la
résurrection, comme loi universelle du monde, de la
nature et de l'histoire.
Ce qui demeure, c'est cette première méditation
sur la mort que sont les pyramides, tentes de granit
plantées au milieu du désert, pour construire à un roi sa
maison d'éternité.
Il est un moment de l'histoire de l'Egypte plus
haut que tous les autres : celui de ce pharaon du XIVe
siècle avant Jésus-Christ, dévoré par la fièvre de Dieu :
Akhénaton. Il construisit des sanctuaires sans idoles,
où le pluriel du mot « dieu » fut partout effacé.
Il refusa les conquêtes. Il choisit de transformer les
hommes.
Il a dit sa foi en un Hymne au Soleil, invoquant en
lui le dieu unique donnant la vie à toutes les créatures
de l'Univers.
Les arts ont alors vécu dans leur grâce, sous le
regard de son épouse Néfertiti, dont le nom d'étrangère
signifie : « La belle est venue ».
Lorsque Akhénaton disparut, à l'âge de trente ans,
le crépuscule est descendu sur le Nil: il y eut encore des
conquérants stériles. Il n'y eut plus de fécondation de
l'histoire digne de l'immortalité.
Roger Garaudy
Comment l’homme devint humain, pages
40 à 48 (les illustrations ne sont pas reproduites sauf un extrait de bas-reliefs
funéraires où Ramsès est représenté dans l’exercice du massacre)
Ed. J.A., 1979
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