Le high-life.

Par Richard Le Menn
Photo 1 : page de titre du catalogue : Les Embellissements du High Life Tailor, Printemps-été 1923.
Avant de vous proposer un prochain article sur les petites mains de la mode française (grisettes, cousettes, midinettes, mimi-pinsons …), en voici un sur la haute-fashion parisienne : le high-life des lions et autres lionnes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe.
La haute bicherie de l’époque se retrouve dans les grands magasins du Louvre, au Bon Marché ou au High-Life Tailor, dans les promenades au bois de Boulogne, les courses à Chantilly, les fêtes organisées par l’aristocratie, les grands restaurants, les orgies … Au début du XXe siècle, Paris est toujours lumineux … une ville de lumières ! La mode se libère là avec Paul Poiret puis Coco Chanel. Elle se mélange aux avant-gardes : constructivisme, futurisme, fauvisme, cubisme … venant de Russie, Italie, France … et d’influences orientales, russes ... C’est encore le copurchic (le pur chic) du XIXe, mais une fashion libérée. La femme s’affranchit du corset, des coiffures élaborées, porte des robes qui semblent prêtes à glisser sur les mollets au moindre coup de vent, impose le féminisme et occupe les mêmes places que les hommes (petit à petit). On danse le charleston sur du hot jazz. C’est le début du swing ! La folie est partout. C’est l’époque du dadaïsme, du surréalisme, du cinéma expressionnisme allemand avec ses clairs-obscurs, ses escaliers interminables ... En même temps, la high-life continue de parader sur les terrains de courses, les promenades des boulevards, dans des cercles (clubs) et autres réunions mondaines, dans des fêtes somptueuses … et voyage : croisières, stations balnéaires … Pendant ce temps, New-York élève ses tours à en perdre haleine. On ne pense pas encore à conquérir la lune … mais bientôt ! Au XIXe siècle on cherche à prendre de la hauteur : haute fashion, haute bicherie, high-life, grandes dames ... et au XXe on se libère et commence à s’envoler dans des avions, en attendant les jets privés, puis les voyages dans l’espace.
Le terme de high-life désigne donc la ‘haute vie’, celle des ‘grands’ de ce monde, s’inspirant comme son nom l’indique du modèle anglo-saxon. L’expression high-life est particulièrement attachée à deux choses :- Un magasin se nommant le High-Life Tailor dont nous reproduisons ci-dessous des passages du catalogue de 1923.- Un annuaire ultra mondain, dans le style du Gotha, qui paraît pour la première fois en 1883 sous le nom de La Société et le High-Life et contenant les noms des personnalités françaises. Photo 2 : L’édition que nous présentons (page de titre) est la quatrième (1903).
Photo 3 : Première page du catalogue : Les Embellissements du High Life Tailor. Printemps-été 1923 : « Au coin du Boulevard et de la rue Richelieu, au point précis où s’élèvent aujourd’hui les somptueux Magasins du HIGH LIFE TAILOR, existait autrefois un pavillon fameux appelé Frascati, du nom d’une petite ville d’Italie, célèbre par la beauté de son site. / On était en 1796, sous le Directoire, au lendemain de Thermidor ; le fondateur de Frascati, grâce à son habileté commerciale, avait acquis en peu de temps une très grande prospérité. Sa maison était devenue pour les Parisiens un séjour de prédilection ; toute la jeunesse dorée s’y donnait rendez-vous. / Vêtus d’habits à longues basques, engoncés dans de hautes cravates et armés de lourdes cannes, les Incroyables – on prononçait Incoyables, suivant leur bizarre manie de supprimer les r – s’y rencontraient, chaque jour, avec tout un essaim de jolies Merveilleuses, - les Méveilleuses – aux riches joyaux, aux toilettes vaporeuses, à la vertu peu farouche. On causait, on entendait de la musique, on dégustait des glaces savoureuses, on dansait, on dinait, on soupait et parfois l’on jouait un jeu d’enfer, non sans conspirer bruyamment contre l’ordre établi ; - c’était la mode. / Le soir venu, tout Paris d’alors accourait contempler les superbes feux d’artifice que le maître de céans, pour la distraction de son élégante clientèle, tirait dans ses jardins – des jardins en plein boulevard, ô prodige du passé. / […] Ce furent les beaux jours de Frascati. Aucun établissement de la Capitale ne jouissait d’une vogue comparable à la sienne. Ses salons luxueusement décorés, étincelants de dorures et resplendissants de lumière rappelaient, jusque dans les moindres détails, la bonne tenue, la distinction et le tact des grandes maisons d’avant la tourmente. / Une nuée de valets corrects y assuraient un service irréprochable ; musique joyeuse, danses enivrantes, divertissements sans cesse renouvelés excitaient la curiosité et attiraient la foule. C’était la fête perpétuelle, agrémentée la nuit, par des milliers de lampions de couleurs, accrochés aux branches des arbres, disséminés dans les bosquets et sur les pelouses. / […] Elégantes et gens du monde, hommes de finances et riches étrangers y venaient achever la soirée et, tout en devisant des nouvelles du jour, absorber délicatement du bout des lèvres, thé, chocolat, fruits des tropiques, bonbons, glaces exquises et gâteaux parfumés. / […] Plus de glaces aux parfums du jour, ni de valses tourbillonnantes ; plus de jeux de hasard, plus de lampions bariolés ni de feux d’artifice multicolores. Mais de beaux Messieurs encore, des belles Dames toujours, comme aux grands jours du Directoire. […] Le Temple de la Beauté, suivant l’expression d’autrefois, s’est transformé ; il est devenu aujourd’hui le Temple de l’Elégance et du Bon Goût. Son nom n’est plus Frascati ; il s’appelle HIGH LIFE TAILOR. » Photo 4 : Une des doubles pages du catalogue : Les Embellissements du High Life Tailor. Printemps-été 1923. Texte : DANS TOUTES LES REUNIONS MONDAINES OU SE FAIT ASSAUT D’ELEGANCES LE H L T [HIGH LIFE TAILOR] SE DISTINGUE PAR LA GRACE DE SES CREATIONS. On remarque le style ‘art-déco’ du dessin, le chic des modèles avec en particulier la tenue des hommes qui reste d’une élégance d’actualité, l’arrière plan avec les joueurs de polo etc.