L’autre aspect intéressant (et paradoxal) c’est qu’on est le plus heureux lorsque les autres s’occupent de nous et/ou travaillent pour nous et donc lorsqu’on a le moins de responsabilités. Voilà qui écorne sacrément l’image de l’Homme occidental en quête d’une carrière riche en défis professionnels. Au contraire, lorsqu’il est au sommet du cursus de son activité lucrative, à l’âge de 40-50 ans, avec très souvent une position de cadre, il touche le fond du gouffre en matière de moral : c’est la période de prédilection des burnouts, des dépressions, et même des suicides.
Le rat a été séduit, excité, manipulé, drogué, abruti et exploité. On l’a gavé, avant de l’affamer, on l’a fait rêver avant de le priver de sommeil. A un certain stade, il est cuit. La tentation est alors grande d’utiliser ses dernières réserves pour s’extirper de sa cage. Il entame alors un pari plus que risqué, car la seule issue possible est la mort.
Mais si au lieu de s’agiter, griller ses batteries et se faire remarquer par les expérimentateurs, il se reposait tranquille dans son coin, caché derrière la masse des autres rats fous furieux, alors il a toutes les chances du monde de survivre de nombreuses années. Mieux, avec le temps, en vieillissant, il prend non seulement du recul sur tout ce qui passe autour de lui, mais surtout il a de moins en moins d’intérêt aux yeux des expérimentateurs. On lui fiche donc une paix magistrale.
C’est cela que nous apprend la courbe du bonheur : tout est une affaire de temps. Il faut laisser couler. Lâcher prise. Ça finira par passer. S’agiter est inutile. Consommer et travailler ne nous rendent pas plus heureux, bien au contraire.
Il n’est pas étonnant de voir que les jeunes, qui ne sont pas encore rentrés sur le marché du travail, et les moins jeunes, qui en sont déjà sortis, sont ceux qui se sentent le mieux. Ils ont le temps de vivre. Ils prennent les choses comme elles viennent. Ils vivent l’instant présent.