Sous le titre « Les Territoires », l’exposition de Fred Forest au Centre Pompidou de Paris cache une épopée, celle du combat d’un artiste acharné à défendre ses positions dans une lutte sans merci de David contre Goliath.
Pour le visiteur la surprise vient déjà du lieu de l’exposition : celle- ci ne trouve pas sa place dans les espaces habituels du musée mais en sous-sol, au niveau -1 du Forum, premier indice d’une discrimination si l’on veut bien considérer que, dans le même temps, est exposé dans les salles principales Hervé Fischer, un autre membre du Collectif d’art sociologique cofondé avec Fred Forest.
Autre indice : cette exposition, sans catalogue, ne dure qu’un mois et demi.
Il faut dire que la présence néanmoins visible de Fred Forest au Centre Pompidou relève du miracle si l’on se replace dans la longue bataille qui a opposé l’artiste à l’institution. Il y a plus de vingt ans, Fred Forest croise le fer avec le Centre pour revendiquer la transparence dans l’achat des œuvres et leur prix. C’est le début d’un contentieux sans fin dans lequel l’artiste gagne ou perd au gré des décisions de justice.
Au plan artistique, Fred Foret paie cher sa combativité. Dans l’exposition «Video Vintage 1963-1983» au Centre Pompidou en 2012…. Fred Forest est absent. Cet oubli singulier provoque alors la réaction de personnalités de l’art. A l’initiative d’Alain Dominique Perrin, président de la fondation Cartier et du Musée du Jeu de Paume, une cinquantaine de signataires s’interrogent sur « les raisons pour lesquelles ce pionnier français de l’art vidéo s’en trouve écarté. » Ces signataires interrogent également Alain Seban, directeur à l’époque du Centre Pompidou, sur l’absence d’œuvres de Fred Forest dans les collections du centre Pompidou.
Pugnace l’artiste n’en reste pas là et réclame une exposition. Finalement le miracle se produit aujourd’hui mais avec des contraintes très particulières. Le quotidien « Le Monde » révèle le témoignage de l’artiste : « Ils m’ont fait signer une décharge car je dois prendre en charge l’assurance de l’exposition, payer les gardiens. Et ils ne font pas le catalogue. J’ai investi mes économies, 25 000 euros, dans l’exposition. »
C’est dire si la conquête de ce territoire u Centre Pompidou relève de l’exploit.
« Le M2 artistique »
En 1977, « Le M2 artistique » a eu pour objectif premier la dénonciation des pratiques de spéculation (liée à des scandales financiers de l’époque, dont ceux de la Garantie Foncière) en mettant en relation parodique la spéculation dans l’immobilier avec celle qui s’effectue d’une manière aussi exacerbée dans le marché de l’art. Fred Forest créé alors la « Société civile immobilière du m2 artistique », une véritable entreprise. Puis, à la limite de la frontière suisse, il achète un terrain de cinq mètres sur quatre divisé en vingt parcelles d’un mètre carré. Lors d’une grande vente d’art à l’espace Cardin à Paris est proposé sur le marché le «M2 artistique» Art sociologique, art vidéo, art interactif et c…
« Le blanc envahit la ville » 1973 Sao Polo
Comment cerner Fred Forest ? Je garde, personnellement, comme moment privilégié, en 1973 à Sao Polo, sa manifestation « Le blanc envahit la ville » , les manifestants brandissant des pancartes… blanches, opération très mal vue par le régime militaire.
Les Indiqnés de l’art
Depuis ces années, Fred Forest n’en est pas resté là. Récemment encore, il crée l’incident avec son projet de performance Les Indiqnés de l’art. Fred Forest interpellé par le service de sécurité du MOMA qui lui signifie l’interdiction de procéder à sa performance qu’il vient à peine de commencer, sous peine de son arrestation immédiate par la police New-Yorkaise.
Aujourd’hui, les conditions dans lesquelles l’exposition « Le Territoires « au Centre Pompidou se déroule soulignent le positionnement inconfortable de ce Don Quichotte de l’art contemporain. Le flyer du Centre Pompidou propose à nouveau l’encart blanc si souvent utilisé pour donner la parole à chacun. Ne vous en privez pas.
12 juillet – 28 août 2017 Forum -1 – Centre Pompidou, Paris