OBÉSITÉ : L'hormone leptine est-elle vraiment la clé de l'équilibre énergétique ?

Publié le 13 juillet 2017 par Santelog @santelog

Des décennies après la découverte de l'hormone " anti-obésité " leptine, considérée comme garante de la minceur, en fait les données manquent sur sa fonction et les preuves sur son efficacité. Dans cet article de perspective et d'expertise, publié dans la revue Cell Metabolism, ces scientifiques de la Harvard Medical School incitent à faire preuve de prudence étant donné le manque flagrant de compréhension des rôles biologiques de la leptine dans le métabolisme. Face à l'épidémie galopante d'obésité, ces scientifiques appellent à de nouvelles recherches pour mieux caractériser son action.

L'obésité devient une préoccupation de santé publique majeure à l'échelle mondiale, qui génère toute une série de comorbidités chroniques dont le diabète, l'hypertension artérielle, les maladies du foie, les lésions rénales, l'arthrite et les maladies cardiovasculaires. Ainsi, les maladies liées à l'obésité, selon les CDC, pèsent pour plus de 140 milliards de dollars aux États-Unis. Les taux d'obésité dans l'ensemble du monde ont doublé depuis 1980 et l'obésité entraine aujourd'hui plus de décès que la malnutrition, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Un régulateur clé du métabolisme : il y a 22 ans, des scientifiques découvraient un premier gène de l'obésité chez la souris et constataient que ce gène codait pour une hormone inconnue, la leptine (de leptos pour " mince "). Puis d'autres équipes ont montré que certains porteurs d'une déficience génétique rare soit 2 copies défectueuses du même gène sont extrêmement obèses et que leur obésité peut être inversée en rétablissant leurs taux de leptine avec des injections quotidiennes de leptine. Des études ont ensuite montré que chez des souris saines ou des humains non porteurs du gène muté, la leptine joue un rôle important dans la régulation du métabolisme et donc, indirectement, dans la prévention de l'obésité. Les premiers travaux de cette équipe du Beth Israel Deaconess ont également montré que la chute des taux de leptine signale au corps qu'il risque de souffrir de la faim. Le rôle de la leptine comme signal de faim/satiété est maintenant bien établi. Mais, aujourd'hui, la même équipe revisite l'hypothèse de la capacité de la leptine à prévenir la prise de poids et à éliminer le surpoids.

Des niveaux de leptine pourtant élevés dans l'obésité : l'hypothèse de départ est que la leptine joue un rôle clé pour aider les personnes saines à rester minces. Mais, paradoxalement, les souris obèses et les personnes obèses qui n'ont pas le gène de l'obésité ont presque toujours des taux élevés de leptine. Les chercheurs ont donc interprété ces taux élevés comme une sorte de résistance à la leptine, similaire à la résistance à l'insuline observée dans le diabète de type 2. Mais ce constat de niveaux élevés de leptine dans l'obésité, suggère que la leptine ne suffit pas à réduire le surpoids.

La leptine, un simple signal ? Bien que la leptine, ou plutôt sa régulation, soit nécessaire pour prévenir l'obésité, écrivent les auteurs, le rôle physiologique de la leptine chez la plupart des individus peut être limité à signaler la faim puis à inverser ce signal lorsque les stocks d'énergie sont restaurés. Si ce mécanisme est exact, la biologie de la leptine a peu à voir avec la maigreur ou l'obésité, à l'exception de quelques cas génétiques rares avec obésité sévère.

Pourtant ce rôle anti-obésité affecté à la leptine semble persister comme un dogme dans la science et la recherche sur le métabolisme et l'obésité. Cette fonction anti-obésité reste la description la plus fréquente de l'action de l'hormone dans les manuels et les revues de la littérature. Pourtant, les chercheurs rectifient : prudence, ce rôle de la leptine n'a jamais été démontré chez les humains. Le plus surprenant, concluent-ils, reste que les scientifiques se préoccupent si peu de comprendre et de préciser, grâce à des recherches dans les règles de l'art, les actions de la leptine. Bref, on reste sur sa faim.