En clair, tous les biens (immobiliers, véhicules, machines, …) qui ne sont pas de faible valeur ou de très courte durée apparaîtront dans le bilan des preneurs. Par conséquent, chaque contrat sera enregistré en immobilisation à l'actif, comme si l'entreprise les avaient achetés, avec en contrepartie au passif, une dette liée à la location. Le compte de résultat, les flux de trésorerie ainsi que les ratios financiers, notamment l'Ebitda*, seront également affectés, car la charge de loyer sera ventilée entre amortissement de l'actif et frais financiers.
L'impact sera donc majeur pour les sociétés qui possèdent un parc important de véhicules, d'ordinateurs ou de surfaces commerciales, par exemple. Selon l'IASB, le Bureau international des normes comptables, les entreprises vont devoir réintégrer autour de 2 800 milliards de dollars de contrats de location dans leurs bilans. En clair, 2 800 milliards de dollars de dettes supplémentaires qui vont impacter la capacité d'autofinancement des sociétés et rendre méfiants les investisseurs. Car, on a coutume de considérer qu'une entreprise en bonne santé financière est une société qui n'a pas trop d'emprunts. IFRS 16 représente ainsi un chantier colossal puisque les systèmes d'information des entreprises concernées doivent intégrer ces nouvelles règles comptables, ce qui implique de nouveaux paramétrages et de nouvelles solutions pour gérer la complexité de la collecte, du reporting et de la publication. Tous les services d'une société sont ainsi sollicités :services financier et comptabilité, informatique, achats, fiscal, trésorerie, juridique, opérationnel, gestion immobilière et RH.
Une course contre la montre est donc engagée pour recenser l'ensemble des contrats de location. Les entreprises étant fortement impactées par IFRS 16, pour leur simplifier la transition, deux options leur sont proposées : la méthode cumulative ou rétrospective. L'option cumulative consiste à être en conformité uniquement au 1er janvier 2019, tandis que l'option rétrospective consiste à prendre en compte les choses dès le 1er janvier 2018 afin de pouvoir faire un comparatif dès l'entrée en vigueur de la norme. Les sociétés ont donc 6 mois tout au plus pour se décider.
Hélas, le chemin de croix ne s'arrête pas là. Car pour pouvoir être opérationnelle au 1er janvier 2019, l'entreprise doit pouvoir compter sur un outil fiable qui permet de collecter de grands volumes de données issues de différents systèmes, intégrer ces données aux processus de reporting, appliquer des méthodes de calcul complexes, disposer de mécanismes de vérification pour s'assurer que les données sont cohérentes et complètes, créer des modèles afin d'estimer et de prévoir les effets sur les contrats de location et les états financiers, et effectuer le reporting des nouvelles publications, même dans le cas de délais courts. Or, certaines sociétés doivent analyser plus de 100 000 contrats alors que les outils classiques ne peuvent en gérer que quelques centaines.
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Ainsi, les extractions de données doivent pouvoir se faire à la granularité souhaitée dans l'organigramme d'un groupe. C'est-à-dire que les écritures des contrats de location, doivent pouvoir être intégrées dans les comptes comptables au format du plan de compte des filiales, mais aussi dans les comptes consolidés au format du plan de compte du groupe. Pour ce faire, il faut pouvoir utiliser un mapping, qui permettra d'obtenir les ajustements IFRS 16 au format du plan de compte souhaité. Ce qui permet de faire de la dentelle au niveau des extractions.
Autre avantage d'un outil spécifique : un workflow pour suivre les évolutions, la possibilité de guider les utilisateurs, des sécurités pour autoriser ou empêcher les filiales d'avoir accès à certains menus, obtenir ses résultats sur Excel ou sur le Web, charger les contrats de location et extraire les données sous n'importe quel format de fichiers, être en mode collaboratif, … En somme, disposer d'un cadre de reporting sécurisé et guidé, à l'instar d'un reporting de consolidation classique, pour traiter efficacement cette nouvelle norme. Enfin, il est primordial d'investir dans un outil adapté qui sera capable, dès le 1er janvier 2019, de gérer une simulation des stratégies d'investissement et leur impact sur le bilan et le P&L lors de la renégociation, par exemple, d'une flotte de véhicules, pour réévaluer l'opportunité de poursuivre une location ou au contraire investir dans l'acquisition de ces biens. Par ailleurs, le régulateur n'a pas encore définitivement statué sur certains points de la norme IFRS 16, en particulier sur la méthode rétrospective.
Après avoir eu du mal à aboutir, cette nouvelle norme internationale sur les contrats de location reste complexe aujourd'hui. Mais les entreprises ne peuvent plus se permettre d'attendre pour réfléchir aux modalités de transition. Il est d'autant plus important de décider le plus tôt possible des options à prendre afin de se laisser suffisamment de temps pour les mettre en place. De plus, année après année, norme après norme, la publication en IFRS prend de l'ampleur pour les sociétés françaises qui consolident leurs comptes. Il est fort à parier que les IFRS deviennent à terme la culture comptable dominante.
A propos de l'auteur : Sandrine Chedeville est CPM Manager chez CCH Tagetik France.