Fearless est une nouvelle série de six épisodes diffusée depuis la mi-juin sur les ondes d’ITV en Angleterre. Le qualificatif dans le titre s’applique assurément au personnage principal, l’avocate Emma Banville (Helen McCrory), devenue célèbre avec le temps grâce à ses victoires dans des causes désespérées. La dernière en date concerne Kevin Russell (Sam Swainsbury), emprisonné depuis 14 ans pour le meurtre de l’étudiante Linda Simms. Son dossier étant réévalué en vue d’une possible libération, il clame désormais qu’il n’a jamais commis ce crime et Emma accepte de le défendre. Par contre, elle réalise rapidement que cette histoire va au-delà d’une simple inculpation et qu’en très haut lieu, on n’a aucune envie de ressasser le passé. Qu’à cela ne tienne, l’avocate n’est pas du genre à lâcher le morceau. Plus qu’une série judiciaire, Fearless semble au départ courir trop de lièvres à la fois, mais elle trouve rapidement son rythme et nous offre en plus une intéressante réflexion sur l’effet « Big Brother » pour le moins étouffant qui définit notre réalité.
Une quête de vérité en deux actes
À l’époque, les traces d’ADN et l’enchainement d’interrogatoires ininterrompus par la coriace détective Olivia Greenwood (Wummi Mosaku) avaient eu raison des nerfs de Kevin qui avait admis sa culpabilité, espérant obtenir la clémence des juges pour son aveu ; ce qui ne s’est pas produit. 14 ans plus tard, Emma n’en revient pas lorsqu’elle réalise à quel point l’enquête a été bâclée et surtout des potentiels suspects presque ignorés. L’un d’eux est Tony Pullings (Alec Newman). À l’époque, c’est lui qui a pris plusieurs photos de mineures en décolleté (dont Linda) et il aurait même servi d’intermédiaire entre ces filles et un réseau de pédophilie impliquant entre autres Sir Alistair McKinnon (Michael Gambon), un ancien secrétaire général. Celui-ci emploie Heather Myles (Robin Weigert), une ex agente de la CIA qui étouffe l’affaire et dissuade des témoins de parler, dont Tony qu’elle isole de peur qu’il ne soit repéré par les médias. Mais l’enquête prend des proportions énormes dans laquelle serait impliqué au moins un soldat américain alors qu’une de leur base se trouvait à l’époque près des lieux du crime.
Ce n’est pas la première fois que l’on assiste à une série où une avocate se met en tête de représenter la veuve contre l’orphelin. Seulement, Fearless nous donne assez tôt le vertige dès le premier épisode tellement l’histoire semble aller de tous bords tous côtés. C’est que suivant la libération provisoire de Kevin, Emma accepte de l’héberger chez lui, en plus de Miriam Attar (Karima McAdams), l’épouse d’un présumé terroriste. Et comme si elle n’en avait pas assez sur les bras, elle a aussi entrepris des démarches pour adopter un enfant avec son petit copain en plus de veiller sur son père mourant. Certes, d’une part toutes ces histoires parallèles sont destinées à donner de la profondeur au personnage principal. Le défi est relevé haut la main ne serait-ce qu’en raison de l’immense talent d’Helen McCroy qui mériterait aisément une nomination aux BAFTA pour sa prestation dans la série.
D’autre part, on se rend compte que l’objectif de libérer Kevin ne marque pas la fin du combat pour Emma. Ce dernier est en effet libre suivant un arrangement avec la partie adverse, mais on n’a toujours pas trouvé pour autant le vrai coupable. Qu’à cela ne tienne ; la détective est assez culottée pour embarquer dans le premier avion en direction des États-Unis. Son but ? Affronter l’armée américaine tout entière et même les services secrets s’il le faut. Dès lors, l’analogie à David et Goliath prend tout son sens et la plus grande qualité de Fearless est d’assurer avec aisance la transition entre le drame personnel des trois premiers épisodes à un complot d’ampleur international en entamant le quatrième.
La justice et la sphère publique
C’est le générique d’ouverture qui avec des images d’archives de Margaret Thatcher, Tony Blair et de Donald Trump donne le ton. Il est de notoriété publique que tous ces chefs à un moment ou à un autre se sont servis de l’opinion, quitte à la manipuler pour arriver à leurs fins. C’est justement à l’image de la série alors que dans le troisième épisode par exemple, sir Alistair qui se sent menacé terrorise Heather à son tour avec ces phrases qui dissipent toute ambiguïté : « If this were to come out, where do you think the axe would fall? Where does it always fall? Not on us. Not on the generals. We stick together. We deny and survive. The axe falls on the lieutenants, the messengers with dirty hands. On you. You’ll be the one on all the front pages, your children stared at in the street. »
Contre les politiciens, contre les médias, contre la foule : Emma doit se battre sur plusieurs fronts et c’est presque un miracle qu’elle puisse continuer sa quête en milieu de série et même qu’elle soit encore en vie. Ce sentiment d’être sans arrêt épié nous est formidablement bien transmis par le montage, en particulier grâce aux mouvements de caméra. Sans cesse chambranlants, on a droit à plusieurs zooms, des prises vives où on a l’impression que des images sont croquées sur le vif par des paparazzi durant les plans où elle ignore que la police a un œil sur elle. Du coup, l’environnement anxiogène dans lequel Emma évolue nous est admirablement bien transmis et nous laisse à penser que cette surveillance omniprésente de la société pourrait lui jouer de bien mauvais tours d’ici la finale.
En tous les cas, les téléspectateurs étaient au rendez-vous pour le premier épisode qui en a rassemblé 6,25 millions. Fearless s’est ainsi classée au 6e rang des émissions les plus regardées de la chaîne dans la semaine du 12 au 18 juin. On note malheureusement une baisse significative en deuxième semaine : 4,53 millions en auditoire et cette fois-ci au 13e rang. En espérant que la tendance s’inverse parce que le public anglais est en train de manquer une excellente fiction.
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