Je l'avais rencontrée dans un bar entre amis. Elle était venue me parler dans le but de tâter le terrain pour une autre qui me trouvait de son goût. J'avais vécu l'exacte même chose avec Manon Rhéaume, 4 ans avant, celle qui deviendrait une icône des femmes dans l'univers du hockey. Je séduirais, et serait séduit, par la fille en mission pour l'autre.
J'habitais Montréal. Avait habité Sherbrooke, un an avant. Je revenais pour l'été à Québec. Ma région depuis 18 ans. J'y retrouvais mes amis. Et maintenant j'étais victime du coup de foudre.
Ironiquement, la toute première conversation avec celle qui allait changer ma vie était sur un désavoeu de Montréal que je venais de découvrir en 8 mois. Pourtant, je tomberais amoureux fou de cette même ville quelques mois plus tard. Remettant même en question mes plans de séduction de cette charmante femme aux yeux verts découverts dans les déserts sociaux de la rue Myrand.
À l'automne, moi à Montréal et elle à Québec, je multiplierais les allers et venues. Simplement pour me prétexter des rencontres avec elle. Après un match de hockey dans la rue avec des amis, je ferais semblant de "passer par hasard" au casse-croûte où elle travaillait pour me rappeler à sa mémoire. On discutera, Visiblement confortables l'oeil dans celui de l'autre. Le coeur palpitant. On se retrouvera chez elle, deux ou trois fois, ou dans des soirées entre amis, maintenant devenus communs. Il devenait évident que nous nous plaisions. Mais on se travaillait doucement. Elle, meurtrie par une longue relation avec un copain qui chantait de vouloir revenir dans sa vie. Moi, fatigué de courir les vides aventures. Puis, j'étais à Montréal. Ne reviendrais pas dans le 418. Voulais-je d'une relation à distance? Je lui dirais un soir, en octobre, le mois de tous les possibles pour moi, en quittant le dernier de sa maison où j'avais eu l'impression d'avoir été passé en entrevue auprès de sa mère, son père et sa soeur de 14 ans.
"N'as tu pas peur des distances?"
Elle avait mal compris, mentalement investie dans le moment présent, elle croyait que je la trouvais loin dans le cadre de porte, par rapport à moi sur le perron et s'était rapprochée. Nous nous étions embrassés. Doucement. Poliment. Un baiser qui ne confirmait rien encore. Sans grandes esclandres. Car on se doutait que trois têtes étaient collés sur la porte derrière et épiaient nos moindres faits et gestes. Et je voulais une réponse à ma question. Je l'ai répétée avec plus de précision, puisque les choses devenaient un peu plus claires entre nous deux, voulions nous du sérieux? "Moi à Montréal, toi à Québec, je veux dire..."
Elle m'avait dit que non. Elle m'avait aussi menti, par bravade, en disant que rien ne lui faisait peur.
Le 21 décembre suivant, entre amis, au bar Chez Son Père, après un souper de Noël où on avait bien arrosé la table et s'étions échangé des cadeaux rigolos, au bar, collée sur ma personne, au milieu des cris, elle avait glissée sous la table sa douce main sur ma cuisse. Et profitant de l'attention de la plupart sur le chansonnier de la place, nous nous étions passionnément embrassés. Du plus beaux des baisers jamais créés.
Celui qui serait à la base de la recette de ta vie. Qui la ferait venir me rejoindre à Montréal deux ans plus tard. Qui nous ferait capoter de joie (en octobre bien entendu) lorsque nous apprendrions que nous allions devenir parents, 7 ans plus tard. J'avais 20 ans, elle 22. Ton arrivée parmi nous bouleverserait tout.
Ton existence, petit ours brun, réinventerait l'amour de manière tout simplement extraordinaire.
Tu es le nouvel adulte de la maison. Aujourd'hui.
Tu as changé nos vies de manière majestueuse. Comme ce baiser de décembre 1992 venait changer les nôtres. Ce baiser qui venait confirmer ton potentiel de vie.
Après ta mère, moi, ta blonde, ta cousine, tu es aujourd'hui adulte.
Tu as fait de nous de meilleures personnes.
Depuis ton arrivée, le soleil, pour nous rayonne.
Luv U, Son.
You can't imagine.