Tout juste six mois après avoir acheté un gros "pick-up" pour sa femme, Lupe Alvidrez est de retour chez le concessionnaire d'Odessa (Texas, sud) pour acquérir, cette fois-ci, une petite voiture.
Après un rapide coup d'oeil à sa facture de carburant, le couple a constaté qu'il économiserait environ 300 dollars par mois en n'utilisant plus le "pick-up" (camionnette à plateau).
"Il arrive qu'on fasse de bons et de mauvais choix. Je suppose que celui-ci était une erreur", confie ce soudeur à l'AFP.
"Nous nous sommes rendus compte que nous dépensions près de 1.000 dollars par mois pour l'essence", s'exclame-t-il.
Pour se rendre sur son lieu de travail, et pour ses consultations à domicile dans cette région rurale de l'ouest du Texas, sa femme, Norma, parcourt plus de 160 kilomètres par jour.
Le "pick-up" était un cadeau pour remplacer son monospace encombrant mais elle est beaucoup mieux maintenant dans sa petite Honda Civic, même si elle est un peu secouée sur les routes de campagne, assure M. Alvidrez.
La population rurale a été particulièrement touchée par la flambée des prix à la pompe, les salaires étant souvent plus bas qu'en ville et les habitants obligés de prendre leur voiture pour faire leurs courses, aller chez le médecin ou simplement rendre visite à leurs proches.
Ils n'ont pas accès en général aux transports publics et avaient jusqu'ici un faible pour les gros véhicules gourmands en carburant, symboles à leurs yeux de la culture américaine.
"Tout est plus grand au Texas", proclament publicités et T-shirts dans cet Etat où, il y a peu, une voiture sur quatre était un 4X4.
Le prix de l'essence au Texas, qui assure 20% de la production américaine de brut, avait pourtant moins augmenté que dans le reste du pays.
Mais, aujourd'hui, même au milieu des puits de pétrole, le gallon (3,78 litres) d'essence est désormais vendu plus de 4 dollars.
Le coût de l'essence devrait représenter 4,2% du revenu disponible de l'Américain moyen d'ici la fin de l'été, prévoit Brian Bethum, économiste au cabinet d'analyse Global Insight.
Ce pourcentage était de 3,7% au premier semestre 2008 et approche rapidement des 4,5% atteints en 1981 au plus fort de la crise pétrolière.
Selon un rapport du Service d'information sur le prix du pétrole, les ménages dans certains comtés ruraux consacrent jusqu'à 16% de leurs revenus à l'essence.
Certains compensent en réduisant les sorties, d'autres la liste des courses en renonçant à la viande ou aux légumes. D'autres changent de travail pour réduire les trajets... et siphonner le réservoir revient à la mode.
Un concessionnaire automobile à Odessa offre désormais dans ses spots télévisés de reprendre les anciens véhicules et fait l'apologie des Honda, Mazda, Kia et autres voitures compactes japonaises, que les autoproclamés "péquenauds" ("rednecks") texans n'auraient jamais touché il y a quelques années.
"C'est assez fou", dit Anthony Wood, directeur de Kelly Grimsley Auto Group. "Un camion rempli de Honda vient d'arriver et je ne pense plus les voir la semaine prochaine. On n'arrive pas à les garder bien longtemps".
Un client était même prêt à apprendre à utiliser une boîte de vitesses manuelle pour ne pas attendre trop longtemps avant d'échanger son 4X4, s'étonne-t-il.
Randall Roberson, technicien en électroménager, assure qu'il ne peut plus aller pêcher ou faire une randonnée avec sa fille à cause du prix du carburant. "Je réfléchis à acquérir un chameau ou une bourrique !", plaisante-t-il en faisant le plein.
Mira OBERMAN
AFP