HERITAGEde Léonora MianoRoman - 310 pagesEditions Grasset - mars 2017 Après qu'Amok/Dio ait salement amoché sa femme en la battant un jour de colère, il fuit sous une pluie battante à travers les faubourgs, puis à travers la brousse de ce pays d'Afrique. Il roule vers son père, cet home avec qui il n'entretient plus de relation apaisée, cet homme qui lui faut enfin ré-affronter. Mais, victime d'un accident de la route, il tombe inconscient, et c'est alors que ses pensées s'enchaînent, que son esprit le propulse dans ses souvenirs lointains, ses gouffres intérieurs, ses émotions intimes, ses blessures tues. Pour ce tome, après avoir suivi 3 portraits de femmes fortes et inattendues, qui gravitaient autour d'un homme - frère, époux, fils, c'est maintenant ce mâle qui est au centre de cet opus. Il nous avait agacé. Il est à présent inconscient, faible, victime, et souffrant toujours d'un lourd passé qui condamne son avenir. La violence, il l'a vue enfant, lorsque son père battait sa mère, Madame. La violence, il l'a subie enfant, sous les assauts d'une tante incestueuse et humiliante. Extrait :"Le monde n’avait que faire de cette ancestrale maîtrise de la parole qui les sacrait, où qu’ils soient, rois du rap, du stand-up, du prêche, de la conférence universitaire. Depuis le temps, on les avait observés. Rien de leur fonctionnement n’échappait plus à quiconque. On savait que leur art de la profération cheminait avec la passion de consommer, que la plupart de ces grands activistes auraient tué père, mère et la communauté entière pour détenir le dernier gadget à la mode, lequel ne devait rien à l’inventivité de Kemet." J'ai été déçue par cette lecture, sûrement en attendais-je trop, après Mélancholia qui était si lumineux, qui touchait toujours juste, bouleversant et limpide. Ici, les contours des personnages sont trop flous, le temps trop élastiques, les superpositions des rêveries, de l'irrationnel, des souvenirs peuvent me perdre. Léonora Miano aime explorer et interroger le genre dans la sexualité. Elle aime à bâtir un personnage ambigu, qui ne serait ni homme ni femme, ni hétéro ni homosexuel. Mais ce qu'elle en dit dans ses interviews (cf Les Inrocks par la rédac'chef Virginie Despentes, fin mai 2017) va plus loin que ce que le personnage d'Amok ne m'a laissé entrevoir dans ce roman. J'ai trouvé intéressante la réflexion autour des attentes de puissance pour les hommes afrodescendants, qui peuvent régler par une sexualité dominante un lourd passé de soumissions historiques. Au lieu de repenser la masculinité.L'écriture aussi m'a un peu moins fait vibrer. Je reste sur ma faim en attendant la fin de la trilogie avec impatience.
L'avis de Virginie qui a davantage compris - Fragments de lecture
L'avis de Marie-Julie Chalu - Africultures