Dans la septième étape, entre Troyes et Nuits-Saint-Georges (213,5 km), victoire de Marcel Kittel, qui sort victorieux du sprint grâce à une photo-finish, au détriment du Norvégien Edvald Boasson Hagen. Parmi l’échappée du jour, deux Français ont tenté de s’illustrer. En vain…
Nuits-Saint-Georges (Aube), envoyé spécial. Le chronicoeur se lasse un peu, mais ne se désole pas… Après les «échappées publicitaires» de la veille (lire mon précédent article), voici les fuyards qui «ont 90% de chance de ne pas voir l’arrivée» (comprendre: en tête), comme le dit Denis Leproux, le directeur sportif de l’équipe Fortuneo, qui n’a évidemment rien d’un devin. Vendredi 7 juillet, celui-ci savait de quoi il parlait, puisqu’un de ses coureurs s’étaient placés à l’avant, dans la «bonne» échappée du jour. Quatre bons bougres bientôt érigés en martyrs des causes perdues: il y avait là les Français Maxime Bouet (Fortuneo) et Yohann Gène (Direct Energie), l'Italien Manuele Mori (UAE) et le Néerlandais Dylan Van Baarle (Cannondale). Ouvrant la voie, mais sans jamais s’octroyer assez de temps pour prétendre à l’exploit, ils rendirent l’âme comme un feu s’étouffe. Et il fallut nous résoudre à assister au spectacle coutumier, façon chasse à courre, quand les proies, exténuées, se transforment physiquement dans l’agonie. Au moment de l’hallali, des blocs de marbre alourdissaient soudain leur visage en dedans. La «fin de partie» leur fut signifiée à moins de six kilomètres du but, alors que le peloton des furieux traversait l’un des paradis des œnologues, de quoi s’attarder en dégustations: Gevrey-Chambertin, Morey Saint-Denis, Vougeot et enfin Nuits-Saint-Georges dans la célébrissime «côte de Nuits». Autour des équipes de sprinteurs, qui avaient pris les commandes sans se retourner, le paysage avait ce petit air à la fois ancestral et prospère que possèdent si souvent les hauts vignobles, enracinées dans le travail des hommes de la terre.
Pour un peu, nous aurions volontiers vidé une bouteille pour noyer notre chagrin, provoqué par le sort inexorable réservé à nos deux tricolores. Pour Maxime Bouet (le Tour passera, dimanche, à côté de chez lui, au pied du Grand Colombier), ce n’était donc toujours pas la bonne. Révélé au sein de l'équipe AG2R, entre 2010 et 2014, où il avait notamment pris la 20e place du général du Giro (2012) et participé à trois Tours de France, Maxime Bouet avait ensuite rejoint l'équipe Quick-Step Floors (2014-2016) pour y acquérir de l’expérience, avant de rejoindre, fin 2016, l'équipe tricolore Fortuneo. A 30 ans, il a la particularité d’avoir déjà participé à tous les Grands Tours. Sans jamais décrocher de victoire d'étape. «Maxime avait décidé de passer la journée devant», avouait Denis Leproux. L’exploit d’y parvenir – c’est toujours un exploit tant les candidats sont nombreux – s’arrêta là.
Même destin pour Yohann Gène, 35 ans, l’un des protégés de Jean-René Bernaudeau, le patron de l’équipe Direct Énergie. Né à Pointe-à-Pitre, le Français – l’un des rares Noirs du cyclisme sur route – a pris l'habitude de briller sur la Tropicale Amissa Bongo, au Gabon, course dont il a remporté les éditions 2013 et 2017. Cet été, il participe à son 7e Tour de France d'affilée – il n’a jamais abandonné – en tant qu'équipier modèle. Il mériterait des pages et des pages, pour ne pas taire notre admiration. Bernaudeau dit de lui: «Son humeur égale, son sourire malicieux et sa force de travail sont un exemple pour la jeune génération.» Il aura honoré le maillot. Et un peu plus que cela. On se console comme on peut… Bref, il était 17h25, quand les cracks des sprints déboulèrent rue du Général de Gaulle, écrasée de chaleur. L’occasion d’avoir une courte pensée pour le coureur belge Tim Wellens (Lotto-Soudal), qui souffre, tenez-vous bien, d'une allergie au soleil! «J'ai des plaques rouges partout sur les jambes et cela m'affaiblit, déclarait-il hier matin à l’AFP. Je prends trois médicaments différents et, cet hiver, j'allais régulièrement au sauna pour habituer mon corps à la chaleur.» Précisons que depuis trois jours, confrontés à des températures harassantes, les forçats de la route peuvent perdre jusqu’à un litre de sueur par heure de course, soit, pour un coureur non acclimaté, de 3 à 4 kilos sur la journée…
Combien en ont perdu Marcel Kittel, Boasson Hagen, Arnaud Démare ou Nacer Bouhanni dans l’emballage final? Sans doute moins que leurs coéquipiers, mis à contribution dès que les ordinateurs de bord de leurs écuries respectives leur commandèrent de «rouler» tête dans le guidon, sans se poser de question, pour placer sur orbite leurs leaders. Que voulez-vous, le cyclisme est devenu une science exacte, au kilomètre près. Grand bien leur fasse, même si l’attrait de la course en pâtit gravement désormais. Pour tout loisir, nous avions donc à commenter ce sprint attendu. Duquel sombrèrent nos deux spécialistes français, Démare (patraque la nuit précédente) et Bouhanni (pas dans coup). Mais duquel émergea surtout une splendide photo-finish pour départager, au millimètre et au millième près, l’Allemand Marcel Kittel et le Norvégien Edvald Boasson Hagen. Pensez-donc, vingt minutes après l’arrivée, nous ne connaissions toujours pas le nom du vainqueur! Du jamais-vu. Les commissaires, chaussés de lunettes double-foyer, accordèrent finalement la victoire à Kittel, qui signa son troisième succès depuis le départ. Le chronicoeur, lui, aurait apprécié voir double avant l’heure. Déclarer les deux sprinteurs vainqueurs, d’abord. Passer aux grands crus, ensuite.