On se doutait bien
qu’Emmanuel Macron allait bouleverser les usages et autres vieilles habitudes
de la République, il a même été élu en grande partie pour cela. On aurait
également dû se douter que ça n’allait pas plaire à tout le monde et notamment
aux opposants rancuniers, aux journalistes perturbés dans leurs vieux schémas
de pensée et d’une manière générale à tous les conservateurs qui n’ont pas
encore compris qu’on ne pouvait plus faire de la politique comme au 19éme
siècle.
Je passe sur l’appellation de « Jupiter » reprise dans une belle
unanimité par toute la Presse et la classe politique. Surnom qui n’a évidemment
aucun sens !
Parti du qualificatif plus ou moins pertinent de « président jupitérien
», la formule a plu aux journalistes qui l’ont allègrement raccourcie en
« Jupiter », décalage sémantique qui fait passer ce qui n’était qu’un
comportement en un état. Cette transformation n’est évidemment pas neutre
puisqu’autant se comporter comme un Dieu même romain peut être favorablement
perçu, autant se prendre pour un Dieu, dans une démocratie égalitariste comme
la France, c’est déjà beaucoup moins positif !
Mais peu importe aux journalistes qui, dans un parfait comportement
moutonnier, répètent la formule à l’envie.
Mais surtout, que n’a-t-on pas entendu lorsque le Président de la République
a émis la drôle d’idée de s’exprimer devant le Congrès, c'est-à-dire devant les
représentants de la Nation. Qui plus est, juste avant l’intervention de son
premier ministre pour son « Discours de politique
générale »
le premier à vociférer fut évidemment inénarrable Mélenchon: « Le choix
du Président est-il républicain ? Il opère un coup de force institutionnel
en s’exprimant sans débat et sans vote, la veille du discours de politique
générale du Premier ministre et du vote de l’Assemblé »
« Un coup d’État social s’annonce avec la loi travail par ordonnances
et un coup de force institutionnel avec ce Congrès. La pratique pharaonique
d’Emmanuel Macron crée une situation asphyxiante pour tout le monde, y compris
ses propres partisans et surtout son Premier ministre. »
Emmanuel Macron a « franchi un seuil dans la dimension pharaonique de
la monarchie présidentielle en ravalant son Premier ministre au rang de
"collaborateur" »
La haine et la rancœur transpirent de toutes les phrases de celui qui n’a
toujours pas accepté sa défaite à la Présidentielle.
Mais d’autres ne sont pas en reste. Sans surprise le PCF ou du moins ce
qu’il en reste s’est fendu d’un communiqué rageur justifiant leur refus d’être
représenté au Congrès par un « Nous n'irons pas adouber le monarque
présidentiel » !
Sans surprise également, quand on connait la subtilité du personnage, Eric
Ciotti considère que Macron a décidé de « dissoudre son Premier
ministre »…rien de moins !
Ajoutant qu’il lui faisait subir une « humiliation
totale » !
Toute cette agitation est parfaitement grotesque et relève, encore une fois,
de la petite politique politicienne dont nous sommes tous lassés !
Tout d’abord, en convoquant le Congrès, Emmanuel Macron n’a fait
qu’appliquer une des prérogatives du Président de la République prévu dans
l’article 18 de la Constitution Française, et non pas américaine, qui spécifie
clairement que le Président de la République « peut prendre la parole
devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner
lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l'objet d'aucun vote.
»
Ensuite, et surtout, il est tout à fait dans l’esprit de notre constitution
que le Président de la République élu, fixe le cap de la politique qu’il entend
mener pendant les 5 années de son mandat et que son Premier Ministre nommé la
mette en musique. La répartition des rôles est claire.
Dans ce cadre, ou est le scandale dans le fait que le Président de la
République souhaite s’exprimer, et de manière solennelle, devant les chambres
réunies pour rappeler et affirmer ce cap, et faire un point d’étape une fois
par an sur ce qui a été fait …ou pas fait. Que veulent tous ces contestataires,
que le Président de la République, une fois élu, se retranche dans son Palais
de l’Elysée, sans rien dire, en regardant son Gouvernement œuvrer ?
Ou à l’inverse, qu’il fasse comme Sarkozy, omniprésent dans les médias et à
s’agiter sur tous les fronts petits ou grands. Ou comme Hollande, à s’occuper
personnellement du cas d’une jeune roumaine renvoyée dans son pays ou à subir
des conférences de presse dont la moitié des questions portent sur sa vie
privée ?
Que n’a-t-on critiqué l’un et l’autre de ses prédécesseurs pour avoir
rabaissé la fonction Présidentielle, le premier avec son côté bling-bing
s’agitant dans tous les sens et l’autre avec sa présidence
« normale » et molle.
Alors, certes, cette forme d’expression est solennelle, on est loin des
conférences de presse ou des interviews par 3 journalistes triés sur le volet
qui prétendent poser les questions au nom des citoyens alors qu’elles
n’intéressent que leur petit monde politico-médiatique.
Mais pour annoncer, comme il l’a fait, un changement de la Constitution, ne
vaut-il pas mieux qu’il s’adresse à tous les parlementaires de la Nation dans
une occasion solennelle ! et une fois par an, est-ce vraiment en abuser
!
Quant à l’accusation qui lui est faite d’avoir humilié son Premier ministre
et « collaborisé » la fonction, ce n’est que pure hypocrisie. On le
sait depuis toujours, et Sarkozy c’est bien chargé de le rappeler avec sa
délicatesse légendaire, le premier ministre exécute la politique dictée par le
Président de la république, qui des deux, rappelons-le, est le seul qui a été
élu.
Et dans ce cadre, l’ordre des interventions est parfaitement logique. Le
Président a exposé devant le Congrès les grandes lignes de sa politique et ses
objectifs et ensuite le Premier ministre à travers son discours de Politique
générale se charge d’indiquer les mesures qui seront prises pour la mener à
bien.
C’est d’ailleurs tout à fait comme cela que ça s’est passé, les deux
discours étaient bien chacun à son niveau, sans redondance mais en
cohérence.
En bref, on voit là, encore une fois, la manifestation d’une tare française dont on espérait pourtant s’être débarrassé. Tous les prétextes même les plus futiles sont bons pour l’opposition pour pousser des cris d’orfraie et crier au despotisme. C’est ridicule et excessif et, comme l’aurait dit Talleyrand, tout ce qui est excessif est insignifiant !