En toute logique, la plate-forme Ethereum devrait aujourd'hui avoir totalement disparu, puisque les fondations de la blockchain sur laquelle elle repose sont sapées une à une. Pourtant, les mouvements irrationnels qu'elle suscite continuent à s'amplifier, jusqu'à prendre des proportions insensées. Quand la raison reprendra-t-elle le dessus ?
La première alerte a été l'affaire de TheDAO, dont la résolution à la hussarde a anéanti une des propriétés essentielles d'une blockchain, qu'elle soit la base d'Ethereum ou autre : l'immutabilité. En actant que, dans certaines conditions, il était admissible d'annuler les transactions enregistrées par le passé, il n'était plus possible de maintenir la confiance. Que diriez-vous si, tout d'un coup, votre banquier décidait arbitrairement qu'une partie des opérations réalisées sur votre compte pouvaient être effacées ?
Il y a quelques jours, une fausse rumeur a permis de mettre au jour la faiblesse effective d'une deuxième caractéristique majeure pour une blockchain opérationnelle : l'absence de point de défaillance unique (SPOF, pour l'acronyme anglais). D'un point de vue technique, celle-ci est garantie par une réplication massive des données, sur les multiples nœuds de son infrastructure distribuée. Malheureusement, quand l'annonce de la mort de Vitalik Buterin, le concepteur d'Ethereum, fait perdre plus de 10% à la valeur de la crypto-monnaie, le principe de résilience est sérieusement mis à mal.
Que l'information ait été démentie – d'une manière sur laquelle quelques-uns s'extasient alors qu'elle n'est qu'une version contemporaine de la pratique des photos prises avec la une d'un quotidien – ne change rien à la réalité qui a été ainsi exposée de manière éclatante (mais qui était déjà pressentie, y compris dans le traitement du cas de TheDAO) : le fonctionnement sans heurt de la plate-forme dépend pour une large part d'un homme et de son état de santé. Voilà qui devrait faire réfléchir les fans invétérés…
Mais non, depuis quelques mois, une nouvelle mode s'est répandue sur Ethereum, comme une trainée de poudre : les ICO (Initial Coin Offering), un moyen pour des entrepreneurs de faire financer un projet (parfois à peine un embryon d'idée) en crypto-monnaie à hauteur de l'équivalent de millions, voire de dizaines de millions de dollars (un seul exemple : Block.one lève 185 millions en 5 jours, sur un concept). L'effondrement est inévitable mais, en attendant, Vitalik Buterin alimente le phénomène en soutenant personnellement, sans le moindre scrupule, certaines de ces opérations.
Ce que démontrent ces événements devrait être une évidence : la création d'une plate-forme basée sur une blockchain est extrêmement complexe et comprend une multitude de pièges. Pour l'instant, la seule qui résiste plutôt correctement à l'épreuve du temps est celle du bitcoin : même l'anonymat de son fondateur se révèle être un facteur critique de son modèle. Toutes les autres ne doivent être considérées que comme des expérimentations vis-à-vis desquelles la plus grande prudence doit être exercée.