Philibert Popolipoff

Publié le 29 juin 2017 par Hunterjones
Il a entre 9 et 11 ans. Il n'est très certainement pas à l'école secondaire.
Deuxième cycle (4ème-5ème-6ème)du primaire, pas plus.
La première fois que je l'ai vu à l'entrepôt, il était avec sa mère, Anna, qui travaille avec nous à la comptabilité. Elle l'avait amené au boulot car c'était un jour scolaire férié et elle ne voulait pas le laisser seul à la maison.
J'étais alors avec le vétéran de l'endroit: Marcel Haievinegr. De loin, avec ses cheveux longs (Philibert) et sa couette pour retenir ses cheveux, j'ai tout de suite cru que c'était une fille. D'autant plus qu'il n'avait pas mué, donc sa voix était bien celle d'une fille.
Puis, Marcel a comme lu dans mes pensées. En voyant le petit garçon courir vers nous, il a dit, à moitié pour qu'il l'entende, et à moitié pour qu'il ne l'entende pas: "Ça se peut tu...si jeune et déjà overweight...". Le petit n'a pas réagi (ou n'a pas entendu). La mère non plus. Philibert porte continuellement du linge très moulant et on distingue clairement une poitrine que certaines filles envieraient.

Philibert n'est pas assez timide. Il n'existe aucun filtre pour ce jeune garçon. Il s'invite tout simplement partout. Au gré des ses curiosités. Et on ne peut pas lui en vouloir, la curiosité est un fort joli stimulant à son âge (et au mien, et au vôtre, et partout, tout le temps). Toutefois, il sert des contre-arguments qui traînent les conversations vers le bas. Ou qui les assaisonne de commentaires auquel on ne veut pas toujours participer.
"Le Canadien n'a pas le choix, il doit échanger Carey Price et Alex Glachenyuk!"
Non. Et non.
Non, personne ne participera à cette conversation, et non, les Canadiens ne seront pas si idiots.

Notre grand boss, un des anciens, enfin, personne (outre Marcel) dans cette compagnie florissante n'a un an de service encore, a été ferme avec lui quand Philibert lui a demandé si il connaissait le jeu "Chépatrokoi" sur sa tablette. Il a vite répondu, plutôt bêtement:
"Moi, je déteste les jeux sur tablette, c'est même interdit chez nous, mes fils ont manqué l'école volontairement pour pouvoir jouer à ces jeux comme des obsédés, alors j'ai dit: "C'est terminé!"".
Philibert n'a pas semblé ébranlé. Il l'a trouvé injuste du regard. Je l'ai vu le juger.

Mais je comprends un peu l'impatience de notre grand boss. Philibert se glisse partout dans nos pattes comme un cliché d'enfant tache. On est surpris de le voir sortir de nulle part, à la recherche d'un tue-ennui. Existe-il endroit plus dangereux qu'un entrepôt pour un enfant de sortir de nulle part?
Sa mère est d'origine Russe et est très vulgaire. Elle sacre (en Québécois et en Russe), elle fume comme une cheminée, n'a rien de vraiment féminin ni dans la voix, ni dans les tenues vestimentaires, et à un sale caractère de cochon. Je plains cet enfant dont la mère ne fait que japper son nom, quand il traîne à l'entrepôt (Parce que tu l'y a traîné de force, Popolinoff!). Elle l'appelle d'ailleurs par ses initiales, "Pépé", ce qui m'évoque plus le singe de Léo Ferré qu'un petit garçon. Assez singe de toute façon. Je plains cette enfant je disais.
Mais je ne le plains pas tant que ça non plus. Il est vraiment tache. Mais en même temps la place d'un enfant de 10 ans, n'est pas du tout dans un entrepôt de la ville. PAS DU TOUT.

J'ai voulu être gentil et l'ai laissé prendre un de mes outils de travail qu'il avait dans les mains en me disant "T'inquiètes pas, je sais comment ça marche". Il me l'a dit 2 fois, là où les autres enfants auraient demandé "je peux le prendre?". Il m'a retardé de plus d'une demie-heure. J'ai dû tout refaire derrière lui. Ça m'a un brin agacé. On a eu cette dynamique 4 fois dans la journée. il me retardait partout. Il n'est pas assez gêné je vous dis! dans la première heure qu'on s'est connu, il me suppliait sur l'heure du midi de l'amener à la pataterie du coin. Je me retenais à deux mains pour ne pas lui dire qu'il n'avait surtout pas besoin de graisseux.

Il me fait chier. Au premier degré.
Je suis donc allé faire un #2.
Puissant.
Mais même là, il m'a suivi tout de suite après.
Il est mort.
J'ai tué cet enfant par asphyxie.
Je passe en cour en Novembre pour homicide involontaire.
Ne le pleurez pas. Avec le temps va, tout s'en va.

Et je ne fabrique pas de telles odeurs comme ils le prétendent.
Je le dirai au juge et il me croira.
Non mais.
Tout de même.
Pff!
On devrait me remercier.