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(Anthologie permanente) Christian Prigent, "dans la poudre d'oubli pulvérisé de ?"

Par Florence Trocmé

PrigentollaveChristian Prigent publie ça tourne, notes de régie, aux éditions l’Ollave dans la collection Préoccupations.
Incipit de la troisième section, « Carnet de Météo des plages ».

Janvier 2008
SANDYCOVE
Et in Arcadia, hic aussi, rien est la Gloire
(Aura) des corps, lieux, décors : bois ton déboire!
Car il n'est pour Ulysse ni (pantalon trop
Court) toi (H.C.E? Dedalus ?) ni même
N'est Ithaque, ce lieu (Sandycove) aux eaux
D'huile blanche sur le sable extrême-Ment bleu des éblouissements.
Tout (l'eau meuble, les effrangements
De soleil froid) y flanche, plie : tu ne
Vois ni l'île ni Bloom ni voiles ni le vitreux
Mazout — pourtant tout tu le sais y est,

Tout (l'Égée, Kens, Troja, Anna Livia Plurabella)
Bobine dans ton crâne son cinéma, tout ça
Renaît si tu le veux, oui, si tu l'essaies.

Mais non : ici sont non noms, mais plus ou moins
Matières, chairs, toutes d'odeurs pourries,
Émues d'ébullitions, subtiles, mais dessous, loin
Dans la poudre d'oubli pulvérisée de?. de
si,
De
quasi, de non — d'appeaux de significations.

Va, Personne est avec toi (est ton
Être même, est toi) parmi les cris
Des sternes (nausée), la furie frêle
Des merdes, ou embruns, des ailes
(Nausicaa !), des pluies de plumes — si
Tu bouges, fétu de un parmi les nombres,
Vomis et tremble que ça ne sombre,
Tout, toi (viandes abolies, choses sans
Bords, roulis, crocs de rocs), niés dans
Cet énormément palpitant sonnant tour
Billon. Mmmm ! Monte, délie-toi, cours,
Et meurs, âme, anémone de déraison,
Fleur de papier dans la luxueuse confusion.
C'est calice de délice cet évincement, cette
Négation douce-bleuissante. Cœur aux lèvres tu
Ne sens plus que l'éboulement, tu jettes
(La mémoire : crachat) ta soupe de savoir échu
Dans le ressassement sec en bas, têtu, le
Ressac d'oubli qui frappe — Dieu que
Comme tes os la croûte maronnée qui file
En bas dans l'ignoré est frêle, est labile!
6 décembre 2008
Travail sur le matériau de Sandycove (poème écrit après une visite, avec Vanda, été 2006, à la tour de Sandycove, près de Dublin, décor de la première scène
d'Ulysse).
Contenu : tantôt abstrait (méditatif, vaguement métaphysique), tantôt sensuel
et bariolé (vues sur plages d'enfance).
Forme : atone, lente, carrée, opaque.
Vers : impair, dé-rythmé, bancal, étiré, quasi verset souvent — plus de 12
syllabes.
Sans doute pour renverser la vapeur d'évidence aisée dont la machine de (re) production s'était un peu emballée avec la prose de Demain je meurs, puis avec les mirlitonades jarryques de 2007. Et sans recourir au strictement mécanique formalisé façon 104 Slogans pour le Cent-Quatre (mais cherchant à intégrer aussi cette technicité quasi impersonnelle).
Contrainte : que ce ne soit pas lisable (oralement) ni trop aisément lisible (dans la vitesse distraite des galopades narratives).
Que, si possible, ça ralentisse beaucoup la lecture, vers l'intérieur (l'épaisseur rhétorique et l'activité du vers : multipiste et polysémique).
Christian Prigent, ça tourne, notes de régie, Collections Préoccupations, L’Ollave, 2017, 69 p., 14€.


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