« Nous n'habitons pas le même monde. Il y a un monde pour les bien-portants et ceux qui ont assez d'argent pour penser que nous vivons dans un monde égalitaire, et un monde pour les autres. »
Le narrateur, Martin Page (?), est un écrivain qui a fui Paris avec sa compagne pour trouver un certain équilibre et la tranquillité et pour survivre de sa plume... Mais, il ne dédaigne pas retourner dans la capitale pour de courts séjours, retrouver des amis ou remplir quelque obligation professionnelle.
« Depuis notre exil en Belgique, il me semble que l'étranger est un bon endroit pour être français. mais retrouver mon pays m'émeut. C'est chez moi. J'aime ce pays joyeux et frondeur, j'aime ce pays dès lors qu'il se donne la liberté de ne plus être rationnel, arrogant et féodal. J'aime une France excentrique, enthousiaste et créative, et qui se bat pour survivre. »
Ainsi, l'auteur débarque chez un ami sculpteur qui réside à Belleville. Il nous fait partager ses pérégrinations, ses rencontres, ses rêves et ses pensées. Ses dernières se focalisent sur le projet d'adaptation d'un de ses romans au cinéma. Il rencontrera une sexagénaire qui incarne la réussite sociale. Il découvrira que cette femme se retrouve à un tournant de sa vie, ou plutôt dans une impasse dont elle veut sortir. D'abord en quittant son ami et ensuite en souhaitant changer de vie.
« A partir d'un certain âge, on apprend à ne plus se forcer. On apprend à ne plus être poli. A ne plus tout accepter parce qu'on est bien élevé. On ne claque pas forcément les portes. Mais on ne rappelle pas. On disparaît. La vie est courte et il est hors de question que je la passe à obéir à des injonctions que je réprouve. je n'ai pas de temps à perdre en conneries. »
Dès le deuxième rendez-vous, il apprend que le projet de scénario tombe à l'eau malgré la signature du contrat. La productrice s'engage à respecter l'un de ses engagements, le versement de la somme due, mais il devra l'aider à préparer son déménagement. Le voilà donc à faire des cartons, porter des meubles ou aller à une consultation médicale à la place de cette femme.
« Je n'aimerais pas être à la place de quelqu'un qui pense que les livres ne changent pas la vie. J'écris pour essayer de sauver les autres. Non, je rectifie : j'écris pour me sauver moi-même. Peut-être que ce n'est pas contradictoire. Une chose est sûre : c'est le signe d'une ambition démesurée, sans doute d'une certaine folie. »
Ce récit a aussi une dimension onirique qui complète ou nourrit les autres en évoquant ses rêves, étranges et pénétrants, dans l'une des sculptures de son ami : ses rencontres avec lui-même à l'âge de 12 ans... qui forcément l'interrogent.
Au final, Martin Page livre un récit étonnant à la fois réaliste et onirique, social et philosophique.