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[Revue de presse] Beth Ditto et Stella McCartney : « Nous nous sommes mutuellement inspirées » #stellamccartney #bethditto

Publié le 26 juin 2017 par John Lenmac @yellowsubnet

La charismatique chanteuse indie-punk sort Fake Sugar, son premier album en solo. Complice et fan absolue, la créatrice anglaise, papesse de la mode green, l'a relookée pour l'occasion.

Elles n'avaient a priori rien en commun, et pourtant leur rencontre fut une évidence. Entre la chanteuse née dans une famille modeste de l'Arkansas, devenue une star indie-punk, et la créatrice de mode surdouée issue de l'aristocratie du rock anglais, le courant n'est pas seulement passé. Au fil du temps, l'amitié entre Beth Ditto et Stella McCartney s'est muée en complicité, l'une inspirant l'autre, au point de travailler ensemble.

Avec sa voix explosive de diva soul-gospel, son look glamour " larger than life ", comme elle dit, son féminisme et son homosexualité assumés, Beth Ditto a conquis " Steel Stella " (Stella d'acier). À la tête d'un empire, Stella McCartney est le symbole d'une mode affranchie, éthique et durable. Cette passionnée d'art est aussi une infatigable porte-parole de la lutte contre les violences faites aux femmes dans le monde, notamment à travers la fondation Kering, dont elle est la marraine. Et l'Américaine se reconnaît plus que tout dans la vision de la styliste anglaise : " Stella est à la fois une artiste, une féministe et une militante de la protection de l'environnement et des animaux. "

Après six albums avec son groupe Gossip, Beth Ditto se lance maintenant en solo et livre un disque magistral, Fake Sugar. Une pop flamboyante, saupoudrée de blues endiablé, émotionnelle et puissante comme cette diva iconoclaste. Pour célébrer leur amitié et fêter la nouvelle vie de la chanteuse, Beth Ditto et Stella McCartney nous ont accordé un entretien en exclusivité. Il est 22 heures : l'une est dans ses bureaux de Londres, l'autre à l'aéroport, de retour de l'Arkansas, où elle est allée rendre visite à sa famille. " Ce n'est pas un fuseau horaire qui nous rendra plus décalées que nous ne le sommes ", lance en riant Stella McCartney.

Madame Figaro. - Comment est née votre amitié ?

C'est une qualité rare que d'affirmer sa différence et d'avancer sans peur et sans masque

Stella McCartney. - En 2006, j'ai acheté l'album de Gossip. Je l'écoutais en boucle, inspirée par ce son puissant, ensorcelant. La voix de Beth a une présence fracassante. Il en émane une force de vie incroyable, c'est une énergie renouvelable ! Je l'ai invitée peu après à un after-show à Paris. Elle est arrivée avec une robe en lamé telle une Cléopâtre punk. Ce soir-là, je n'ai pas été la seule à être impressionnée par son charisme, ses yeux immenses comme des phares... Elle a pris le micro et chanté Standing in the Way of Control, une protest song disco- punk dénonçant la décision du gouvernement Bush d'interdire le mariage homosexuel. Beth n'est pas conventionnelle, elle bouscule les règles, c'est ce que j'aime chez elle.

Beth Ditto. - J'étais terriblement nerveuse. Vous n'imaginez pas ce que signifiait pour moi de rencontrer Stella McCartney ! Une styliste dont j'ai toujours adoré les créations... Je suis impressionnée par son parcours d'activiste sans compromis, et j'ai rarement rencontré quelqu'un d'aussi anticonformiste et rock'n'roll. Ce soir-là, elle dansait comme une gamine. Plus tard, nous avons longuement parlé de musique, d'art, de nos vies... Depuis, Stella et moi nous voyons régulièrement. Nous venons de mondes diamétralement opposés, mais en réalité nos parcours se réfléchissent comme dans un miroir... Rien n'a été facile pour nous.

Qu'y a-t-il de commun dans vos parcours ?
B. D. - Nous avons eu des mères très fortes, qui nous ont donné des racines. J'ai grandi dans une petite ville paumée de l'Arkansas avec sept frères et sœurs. Ma mère, infirmière, nous a élevés seule. C'est une femme d'une force surhumaine, sensible, drôle, passionnée de musique. La mère de Stella, Linda Eastman, était une merveilleuse photographe et une musicienne. Elle venait d'un milieu privilégié, mais elle a élevé Stella avec les mêmes valeurs que celles de la mienne : l'humilité, la volonté, la liberté, l'authenticité, et l'idée qu'il ne faut jamais se laisser vaincre par l'adversité. Quand elle a démarré, tout le monde se moquait d'elle, la traitant de " fille de ". Si l'on hérite d'argent et d'un nom, on ne peut hériter ni du talent ni des fans ! Stella et moi avons réussi toutes seules. Quand j'ai quitté l'Arkansas, à 18 ans, pour tenter une carrière de chanteuse, j'avais aussi peu de chances de réussir que Stella.

S. McC. - Beth me rappelle ces artistes qui m'ont influencée : Chrissie Hynde ou Debbie Harry ... Des femmes simples, élégantes et pleines d'audace - comme ma mère -, et dont la force et le talent nous portent. Ce n'était pas gagné pour Beth ni pour moi. Dans l'univers dans lequel j'ai grandi, on vous attend au tournant ; dans le sien... on ne vous attend pas. C'est une qualité rare que d'affirmer sa différence et d'avancer " sans peur " et sans masque. Il n'y a rien de faux chez Beth. À part ses cils !

Stella McCartney, comment décririez-vous l'album de Beth Ditto ?
S. McC. - Détonant, énergique et plein d'émotion. Elle l'appelle " mon disque de Sudiste " parce qu'elle revient sur son passé et qu'elle nous offre sa vulnérabilité. Mon père m'a toujours dit que Beth avait un talent intemporel, qu'elle allait nous étonner par ses choix, et c'est vrai. Elle est parvenue à faire à la fois des tubes et un concept album qui brûle de vie et d'espoir.

B. D. - Longtemps, j'ai eu l'impression d'être la voix de Gossip, mais non le cerveau. Je n'osais pas m'exposer, de peur d'échouer. Mais là, je n'avais plus le choix, comme je le raconte dans la chanson Fake Sugar, fondée sur le divorce artistique douloureux entre Nathan Howdeshell, le guitariste et cofondateur de Gossip, et moi. Je me suis sentie abandonnée. Je me suis relevée et j'ai décidé de me lancer.

Fake Sugar est autant un manifeste musical qu'un poème visuel orchestré par Mary McCartney. Racontez...
B. D. - Quand j'ai décidé de faire cet album, j'ai compris que j'allais avoir 36 ans, qu'il était temps de faire la paix avec mon passé et de m'assumer. J'ai demandé à Mary McCartney de créer la pochette de l'album et de prendre les photos pour l'intérieur. J'avais envie d'un look country, bucolique, très américain. Elle m'a photographiée douze heures d'affilée dans le manoir de Paul McCartney, dans le Sussex ! J'ai été traitée comme une princesse : je voulais un cheval, et j'en ai eu un blanc, magnifique.

Comment votre passion réciproque pour la mode vous a-t-elle réunies ?

Stella s'est intéressée à moi vraiment, pas comme à un phénomène de cirque...
Beth Ditto
S. McC. - Il y a quelque chose d'extrêmement rebelle chez Beth. Elle transgresse tous les clichés féminins de la mode et m'a souvent inspirée. Je l'imagine en noir, rouge et blanc, des couleurs qui crépitent sur son teint élisabéthain, le rouge de ses lèvres et les tracés graphiques autour de ses yeux... Lors d'une soirée en hommage à la mode et à la musique dans les studios d'Abbey Road, elle portait une longue tunique rouge vif, puis a chanté dans une robe courte en soie que j'avais créée pour elle. Elle était magnifique ! Kate Moss et Salma Hayek, qui étaient là, m'ont dit que Beth était un modèle pour elles. Elle s'autorise à être différente et valorise sa différence, la rend glamour. Elle ne cherche pas à être aimée par tout le monde, nous nous ressemblons beaucoup là-dessus.

B. D. - Stella est ouverte, elle n'a pas de frontières ni de tailles. Ses créations sont magnifiquement bien coupées, et en même temps elles ont un côté flottant, aérien qui les rend accessibles à des " big persons " comme moi. Je me souviens d'un manteau noir signé Stella McCartney que j'avais acheté quand je n'avais pas beaucoup d'argent. Avec, je me sentais belle, élégante, et je le porte toujours. Stella s'est intéressée à moi vraiment, pas comme à un phénomène de cirque... Nous nous sommes mutuellement inspirées, et en ce moment je ne quitte pas ses chaussures de la collection Elyse, des baskets argentées avec des étoiles blanches - mélange de glamour et de streetwear. Quand elle m'a dit qu'elle les avait créées en pensant à moi, j'ai été tellement fière !

Stella McCartney, vous revendiquez depuis toujours une mode écologique et militez pour la protection de l'environnement. Cela constitue-t-il pour vous une éthique de vie ?
S. McC. - C'est une conviction, un engagement quotidien : je travaille pour trouver des alternatives à notre façon de vivre et de consommer. Ma mère a été une pionnière en matière d'écologie, mais à l'époque le combat qu'elle menait n'intéressait pas grand monde. Aujourd'hui, de plus en plus de gens sont conscients de l'impact de notre mode de vie sur l'avenir de la planète. L'écologie est au centre de ma vie. Je suis végétarienne comme mon père et Mary, et nous cultivons un potager bio. Ensemble, nous avons lancé Meat Free Monday (lundi sans viande). Cette campagne peut vous paraître ridicule, mais elle a un impact énorme sur l'environnement : la consommation de viande représente 18 % des émissions de gaz à effet de serre. Au bureau, notre électricité provient d'une éolienne, comme dans mon studio, nos magasins et ma maison. Je refuse d'utiliser du cuir parce que j'aime les animaux et que les processus de tannage sont extrêmement toxiques. L'industrie textile est l'un des secteurs les plus polluants, c'est pourquoi je privilégie les matériaux recyclés et durables. Cent vingt millions d'arbres sont abattus chaque année pour fabriquer de la viscose non durable ! Je suis convaincue depuis toujours qu'il est possible de concilier style et éthique.

Et vous, Beth Ditto, êtes-vous concernée par l'écologie ?
B. D. - J'ai grandi en me gavant de chewing-gums hypersucrés, et j'étais accro aux canettes de Cherry Coke ! Quand on est pauvre, la première des préoccupations n'est pas vraiment de se demander si on est " eco-friendly ". C'est un problème d'éducation, d'information, de temps. Ce que j'admire chez Stella, c'est qu'elle prend le temps de parler des enjeux de notre planète dans les écoles. Et elle ne culpabilise personne, elle ne cherche pas à vous convertir à tout prix au végétarisme, elle ne vous arrache pas votre sac en cuir pour sauver le monde. Elle tente simplement de sensibiliser les gens. Quand je porte ses fausses fourrures ou ses superbes chaussures en cuir synthétique, je me demande simplement : à quoi bon tuer tous ces animaux ? " Eco-friendly ", ce terme qui m'agaçait a désormais un sens pour moi : respecter notre environnement, car en le protégeant nous nous protégeons, nous et nos enfants. Être green aujourd'hui, c'est tout sauf niais. C'est une rébellion, tout comme l'était le " no future " du manifeste punk : un cri de vie.

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