Lire c'est penser, réfléchir, parler à un ami, l'écouter, l'entendre, le comprendre ou pas, c'est découvrir une nouvel angle sur les choses, la vie et les autres et sur soi-même. c'est prêter oreilles à des confessions, des fantasmes, c'est avoir l'oeil et la tête sur des nouvelles idées. C'est aussi forger les siennes, les confronter, c'est écouter une musique, un rythme, en développer de nouveaux, c'est l'écho de moeurs qui ne seront parfois jamais les nôtres. Qui seront adverses ou nouvelles. Qui seront exploratoires et nouvelle lumière. Lire c'est s'ouvrir les sens et s'agrandir les espaces. Mentaux surtout. C'est se balader sur la plage du monde entier et des gens qui la compose. C'est danser sur le cerveau d'un(e) autre. C'est apprendre la vie par les yeux et les mots. Par le moteur de la pensée développée. C'est un regard, une inspiration, une souffle,
Lire c'est la vie des autres et un peu la nôtre aussi parfois.
Chaque mois (vers la fin) je vous parle d'un livre qui m'a séduit par son auteur, son contenu, son sujet, parfois les trois. Et j'essaie de vous dire un peu pourquoi.
Lire, c'est aussi beaucoup mon métier. Lire pour moi, c'est mieux respirer.
THEN WE CAME TO THE END de Joshua Ferris.
Je ne me rappelle plus qui m'avait guidé vers ce livre. Tout ce que je me souviens c'est que cette personne était issue d'un tout autre milieu et que je respectais beaucoup son opinion. Je crois que c'était de la bouche du biographe de The Clash.
Pour quiconque a déjà travaillé dans un bureau, détestait non seulement son travail, mais tout ceux qui le font autour aussi, mais que le jour où vous quittez ce bureau, quelque chose se coince dans votre gorge et votre oeil s'humidifie, voilà le livre pour vous.
Déchirant, tout en restant extrêmement drôle, ce premier roman, publié en 2007, d'un ex-étudiant en philosophie, est le livre essentiel pour celui ou celle qui se prépare à joindre une "famille" professionnelle de bureau en Amérique.
Avec un style tout à fait simple d'écriture, avec la bascule comique facile, Ferris nous présente sa fictive compagnie de publicité et les animaux qui peuplent son zoo. Au travers de multiples conversations entre collègues, ceux-ci prennent peu à peu vie.
Nous apprenons que Larry & Amber ont eu une liaison et qu'Amber a un croissant dans le fourneau. Chris Yop panique quand sa chaise de travail a été subtilement interchangée sans sa permission. Brisant du coup sa symbiose savamment construite depuis des années. Joe Pope, universellement détesté a été promu et maintenant tout le monde doit se plier à ses ordres. Personne n'aime Karen Woo car elle se croit plus intelligente que les autres. Et la patronne, Lynn, a le cancer, mais le cache à tout le monde.
L'agence ne roule pas sur l'or et Tom Mota sera viré. Tout le monde pourrait être la prochaine tête à tomber.
Ça semble banal, mais on s'attache tant à tous ses gens, qu'on tourne les pages (seulement 387) sans s'arrêter. On veut savoir. On les aime. On s'y reconnait. On reconnait des collègues. Ça m'a même inspiré un film complet se rapprochant de la critique cynique que fait Ferris de la poursuite du gros cash au détriment de la vie sociale.
Ferris emprunte le titre à la première ligne du livre de Don Dellilo (auteur qui trouvera aussi sa place ici, un jour) Americana. Auquel il a une certaine parenté. non innocente.
Then we came to the end of another dull and lurid year.
Au moment de terminer le livre, on jurerait que Ferris occupait un bureau non loin du nôtre. Et on voudrait le remercier d'en avoir capturé le parfum.
Horrible tout en étant sensible.
Excellente lecture d'été pour amateurs de Douglas Coupland, du film Office Space, pour slackers et procrastineurs, Peter est le Patrick Bateman des travailleurs de bureau.
Satire, crise de nerfs, cruauté. coups bas.
Triple A
Amusant.
Abrasif.
Assassin.
Facile d'avoir un verre à la main en lisant ceci.