Quelles que soient notre empathie ou notre ouverture aux autres, les visages familiers nous semblent toujours plus heureux que ceux qui nous sont encore étrangers, révèle cette étude présentée dans la revue Psychological Science. Des conclusions qui suggèrent que la familiarité ou une première expertise du visage de l'autre par une exposition répétée, influence non seulement son attractivité mais aussi la perception profonde de cet autre et donc les futures interactions que l'on pourra développer avec cette personne. Ainsi, c'est une nouvelle démonstration de notre subjectivité à décoder et à considérer l'autre, notre vision
incorporant de manière dynamique les indices qui lui sont spécifiques, liés en particulier aux expériences partagées.
Les gens ont tendance à percevoir des visages qu'ils connaissent comme des visages plus heureux que des visages inconnus et la familiarité affecte la perception du bonheur dans les expressions du visage de l'autre. Alors que l'on préfère voir l'expression du bonheur, ces conclusions posent la question d'une préférence pour les êtres, les choses et les situations que nous connaissons. Mais pourquoi préfère-t-on les choses familières ? Pourquoi la familiarité engendre-t-elle plutôt des perceptions et des émotions positives ?Le psychologue Evan Carr de la Columbia Business School, qui a mené cette recherche à l'Université de Californie, San Diego a émis l'hypothèse que la familiarité pourrait guider nos processus perceptifs fondamentaux d'une manière positive, c'est-à-dire améliorer sélectivement les caractéristiques positives d'un stimulus. Pour tester cette hypothèse, son équipe a conçu 2 expériences d'observation des réponses de participants étudiants à des visages soit familiers, soit inconnus.
Un visage familier apparaît plus heureux : dans la première expérience, les chercheurs ont transformé des images de visages masculins et féminins pour créer des visages exprimant toute une gamme de types et de degrés d'émotion. Ces visages " morphés " exprimant le bonheur, la colère ou une neutralité. Les chercheurs ont ensuite divisé les images en 2 ensembles. 50 participants ont été invités à effectuer une " tâche de mémoire " . Chaque participant devait regarder une série d'images tout en suivant la couleur et le nombre de carrés apparaissant de façon aléatoire sur certaines images. Cette tâche a permis aux chercheurs d'exposer les participants à certains des visages sans attirer explicitement leur attention sur les visages. Les participants ont ensuite été invités à regarder une série de paires de visages et à indiquer si le visage plus heureux était au-dessus ou en dessous de la ligne affichée à l'écran. Fait important, chaque paire comprenait un visage familier et inconnu et les visages présentaient le même niveau d'émotion objectif. L'expérience montre que les participants étaient plus susceptibles d'identifier le visage familier comme le plus heureux de la paire, bien que les visages présentent le même degré d'émotion. Et, plus les visages expriment le bonheur, plus les participants se montrent susceptibles de choisir le visage familier : en pratique, les participants sont plus susceptibles encore d'identifier le visage familier comme plus heureux lorsque les visages sont " à 50% " heureux que lorsqu'ils sont " à 25% " heureux. Ainsi, lorsque les visages sont en colère, le facteur " familiarité " ne joue plus.
La familiarité modifie la perception émotionnelle des visages : dans la deuxième expérience, l'équipe a demandé à 40 participants de regarder une série de visages et de préciser si chaque visage était " content " ou " fâché " . Les participants ont également estimé sur une échelle de 0% à 100% le degré de satisfaction exprimée par le visage. Les résultats sont similaires à ceux de la première expérience : les participants se montrent plus susceptibles d'identifier comme heureux les visages familiers vs inconnus, mais seulement lorsque ces visages portent une expression neutre à heureuse. Et plus les caractéristiques positives augmentent, plus les visages déjà familiers paraissent encore plus heureux.
Ces deux expériences montrent que la familiarité définit notre perception des aspects positifs d'un stimulus et soulignent la flexibilité des processus de perception de l'émotion. Ainsi, notre perception de l'émotion chez l'autre n'est pas seulement liée à l'analyse de la combinaison formelle des traits de son visage, mais elle incorpore de manière dynamique les indices qui lui sont spécifiquement associés. Notre perception du bonheur et de la satisfaction de l'autre est donc subjective dans une certaine mesure. Elle va dépendre aussi de nos expériences partagées. En pratique, cette étude souligne ainsi l'importance de ces expériences passées, dans la perception des autres et donc dans les interactions qui suivront. Un rappel peut-être que rien ne remplace un contact humain, positif.
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