Jacques Tati, 1973 (Suède, France)
Le dernier film de Tati est une drôle de chose. Assemblage disparate, à la fois cirque sous chapiteau, celui de Stockholm, et scènes parfois tournées en studio, le tout saisi en vidéo. Parade mélange aussi les époques. Aux années 1970 d'un public familial aux couleurs et motifs hippies, se mêlent tantôt les années 1950, tantôt les années 1930 : danse des années folles, gags chaplinesques ou keatoniens, chanson à la Piaf... Côté instrument, l'association de l'accordéon parisien à l'orgue Hammond illustre pour le mieux cette étrange collision.
Sur scène, dans cette disjonction du temps, les ateliers sont foutraques, et sont menés par autant d'artistes que de bricoleurs rassemblés. On s'amuse même de voir l'amateur plus doué que le professionnel. Les spectateurs, qui sont parfois conviés à participer, parfois acteurs (ou figures factices, simples silhouettes peintes assises sur les gradins), assistent à des numéros très divers : acrobaties, morceaux musicaux pop rock ou rétro, mime (boxeur écrasé, joueur de tennis maladroit, gardien de but peu attentif, tous interprétés par un Tati vieillissant)... Les numéros de clowns sont généreux et absurdes, mais aussi tristes et un peu désuets.
La parade de Tati est produite par et (finalement) pour la télévision (pas de diffusion en salle), chose imbécile car initialement prévue pour le cinéma. Les précédents films, Playtime (1967) et Trafic (1971) avaient été des échecs commerciaux, mais plutôt que d'abandonner le cinéma, ce qui lui serait venu à l'esprit, Tati rend hommage au spectacle vivant, celui des foires et des parades, du cirque et de la magie. En dernière séquence, à la fin de la représentation, deux enfants s'approprient la piste et jouent avec les accessoires abandonnés. " Deux enfants après la fête " : une autre approche possible du cinéma de Tati.