Partager la publication "[Critique série] BETTER CALL SAUL – Saison 3"
Titre original : Better Call Saul
Note:
Origine : États-Unis
Créateurs : Vince Gilligan, Peter Gould
Réalisateurs : Vince Gilligan, Thomas Schnauz, Daniel Sackheim, Keith Gordon, Adam Bernstein, Minkie Spiro, Peter Gould.
Distribution : Bob Odenkirk, Michael McKean, Jonathan Banks, Rhea Seehorn, Patrick Fabian, Michael Mando, Giancarlo Esposito, Mark Margolis, Steven Bauer…
Genre : Drame/Comédie/Spin-Off
Diffusion en France : Netflix
Nombre d’épisodes : 10
Le Pitch :
Jimmy McGill tente de se réconcilier avec son frère mais découvre que ce dernier a enregistré à son insu ses aveux afin de ruiner sa réputation et sa carrière. De quoi mettre en péril l’association entre Jimmy et Kim. Mike de son côté, cherche par tous les moyens à découvrir qui peut bien le surveiller. Un mystérieux individu qui l’a empêché de tuer Hector Salamanca et dont les motivations sont encore troubles. Salamanca qui voit son empire vaciller sur ses fondations…
La Critique de la saison 3 de Better Call Saul :
On ne dira jamais assez de bien de Better Call Saul, qui s’est vite imposée comme l’un des plus flamboyants exemples (sinon le plus flamboyant) de spin-off de la télévision. Une série qui au début, put faire office de palliatif à Breaking Bad, mais qui n’a pas tardé à exister par elle-même, encourageant carrément une question : Et si Better Call Saul était meilleure que Breaking Bad ? Parce que Vince Gilligan et Peter Gould, les deux showrunners, n’ont pas simplement répondu à l’appel des fans souhaitant retourner à Albuquerque, aux côtés de l’avocat véreux Saul Goodman. Ils ont aussi comblé leurs propres désirs de donner encore plus de substance à ce personnage absolument génial, car si complexe, drôle et tragique à la fois…
Objection votre honneur !
Alors Better Call Saul ou Breaking Bad ? La question est à la fois légitime, car Better Call Saul a au moins autant de qualités que sa grande sœur, mais elle est aussi absurde car au fond, les deux shows forment un tout très homogène. L’univers est le même, l’ambiance est parfois proche et les scénaristes ont fait le nécessaire pour multiplier les connexions sans forcer les choses. La saison 3 de Better Call Saul appuyant d’ailleurs encore un peu plus sur ce point en introduisant notamment le fameux baron de la drogue Gus Fring du restaurant Los Pollos Hermanos et en le rapprochant de Mike, qui dans Breaking Bad, travaille pour lui à plein temps. Les liens se resserrent. De quoi vérifier encore une fois le fantastique travail d’écriture. Alors que beaucoup de séries prometteuses finissent pas déraper en s’écroulant sur le poids de leurs propres ambitions, Better Call Saul, à l’instar de Breaking Bad, fait preuve d’une constance ne rimant en rien avec une baisse de son exigence. Encore davantage que son aînée, elle joue sur plusieurs tableaux à la fois, suivant Saul puis Mike, ne laisse aucun personnage secondaire de côté et parvient à entretenir un suspense incroyable, en laissant s’exprimer une virtuosité flagrante tout en proposant régulièrement des petits détails, formels ou narratifs, d’une inventivité folle.
Le monde selon Saul
La saison 3 de Better Call Saul ne fait donc pas de sur place. À ceux qui lui ont depuis le début reproché d’être moins palpitante que Breaking Bad, la série répond en rameutant Gus Fring et en continuant de raconter la naissance de son trafic de cristal meth, avec Hector Salamanca et ses employés, posant les bases de l’empire auquel se frotteront plus tard Walter White et Jesse Pinkman. Vince Gilligan et Peter Gould élargissent le monde de Saul et évitent consciencieusement de tomber dans les pièges faciles inhérents au périlleux exercice du spin-off. Bien sûr, il reste des pistes à explorer et la perspective de voir la série s’arrêter inquiète (aucune info quant à une éventuelle saison 4 n’a filtré à l’heure où nous écrivons ces lignes) mais si tout devait stopper aujourd’hui, ce serait tout de même satisfaisant. Cela demanderait au spectateur de faire un effort d’imagination, d’extrapoler un petit peu mais ce ne serait pas absurde. Non car Better Call Saul est une série exigeante. Moins sombre que Breaking Bad, mais peut-être plus complexe et ambiguë. Les thèmes qu’elle aborde sont moins « catchy », surtout si on prend en compte le fait que jamais elle ne se range du côté des clichés. Des clichés propres aux séries judiciaires ou aux séries policières. Elle tente des choses, mixe les genres et les sensibilités et fait confiance aux personnages qui mènent la danse. Jimmy « Saul » McGill en tête, un véritable paradoxe à lui tout seul, qui donne sa rythmique et son identité à une série qui peut aussi se fier à Mike, le loup solitaire campé par l’excellent Jonathan Banks, au grand méchant frère Chuck McGill, joué par l’immense Michael McKean (de This Is Spinal Tap) ou encore à Kim, l’avocate partenaire de Jimmy, à laquelle l’admirable Rhea Seehorn confère tout son charisme et toute sa capacité à mettre en exergue des sentiments et autres ressentiments sans lesquels l’histoire n’aurait pas la même saveur ni la même portée.
Bob Odenkirk pour sa part est impérial. Certes lui comme les autres sont merveilleusement bien dirigés par une équipe de réalisateurs au diapason avec le cahier des charges mis en place par le tandem Gilligan/Gould, mais même sans ça… Véritable révélation de ces dernières années, Odenkirk a su saisir l’occasion de développer son personnage et prouver qu’on pouvait compter sur lui. Sa capacité à incarner la tristesse et la détermination, le désespoir, la résilience comme la colère, est incroyable. D’une pertinence de tous les instants, il ne flanche jamais et contribue, avec ses camarades, à faire de Better Call Saul un véritable monument de la télévision américaine.
I Love Albuquerque
Il se passe beaucoup de choses dans cette excellente troisième saison. Du côté du scénario avant tout, qui ne cesse d’avancer, mais aussi au niveau de la réalisation, ambitieuse, immersive au possible et ingénieuse. Better Call Saul est une belle série. Un bijou de créativité, qui ne table pas sur l’esbroufe mais qui va chercher en profondeur là où bien d’autres se contentent de rester en surface. Qui n’a pas peur de ne pas brosser son public dans le sens du poil également. Better Call Saul respecte son audience et ses personnages. Une de ses plus grandes qualités. Une parmi tant d’autres.
En Bref…
Fable moderne sur l’ambition, la famille, l’amour et la rédemption, Better Call Saul s’apparente à une sorte de mise en jour contemporaine d’une tragédie grecque face à laquelle on ne peut qu’applaudir. Vous l’aurez compris, encore une fois, avec cette troisième saison, Better Call Saul fait fort. Très fort.
@ Gilles Rolland