Dans le cadre de la réunion de concertation au sujet du projet de loi 11/16 qui s’est tenue le lundi dernier au Ministère du tourisme et présidée par Madame La Secrétaire d’Etat au tourisme, je voudrai partager avec vous une analyse personnelle de la situation que traverse notre secteur depuis quelques années déjà.
Pour rappel, la profession d’agence de voyage est règlementée depuis les années soixante par la loi 565-66 qui a déjà été remaniée deux fois, en 1976 et en 1996, c’est dire qu’il est grand temps de la revoir dans son intégralité eu égard aux changements profonds que subit l’industrie du voyage depuis l’avènement d’internet et plus spécialement la révolution numérique qui a instauré les réseaux sociaux et l’hégémonie du mobile comme outils incontournables pour la promotion, la consommation et la réputation des produits touristiques.Il y a aussi la signature du contrat cadre vision 2010 dans lequel il est prévu de revoir tous les textes législatifs relatifs au secteur du Tourisme.
Cet atermoiement a été préjudiciable à la profession à tel titre qu’elle n’a pas été prise en considération dans la récente étude BCG ce qui marginalise encore plus la profession.
Comme j’ai eu à le rappeler dans un précèdent article, le projet de loi actuel péche par un manque de projection sur le rôle que doit jouer l’agent de voyage marocain dans la promotion de la destination Maroc auprès des marchés émetteurs. La loi 11/16 est essentiellement orientée distribution au profit du consommateur national et occulte totalement l’agence de voyage réceptive dont les clients sont les Agences de voyages étrangères qu’elles soient Tour Operateurs ou agences spécialisées dans les groupes, les croisières, le MICE ou encore les voyages à thème tels que le trekking, la randonnée et le Golf.
Il est clair que la majorité des agences de voyages nationales est aujourd’hui orientée vers le consommateur marocain dans sa quête d’organisation de séjour au Maroc et à l’étranger et plus particulièrement le Hadj et la Omra très prisés par un pan non négligeable de la société marocaine.
Chaque saison à son lot de dysfonctionnements en tous genres, souvent commis par des intermédiaires opérant en toute illégalité. La loi actuelle est insuffisamment dissuasive face à l’informel qui profite de la crédulité du consommateur pour commettre l’irréparable et disparaître dans la nature. Il en est de même pour le projet de loi en discussion.
L’administration du tourisme n’a hélas aucun moyen de faire respecter la loi, surtout vis a vis des contrevenants autres que les agences de voyages. Nous vivons cette situation depuis des décennies et ce flou juridique n’est pas prêt d’être comblé par le nouveau projet de loi.
La procédure judiciaire est fastidieuse surtout lorsqu’il s’agit d’entités domiciliées à l’étranger mais opérant au Maroc dans un total déni des lois et décrets en vigueur.
Il est évident que notre pays a signé des accords de libre échange avec un certain nombre de pays et acquiescé à toutes les exigences notamment dans le cadre de la directive européenne. C’est ce qui pousse aujourd’hui la DRDQ à plancher sur ce projet de loi qui est plus orienté distribution du voyage que profession d’agent de voyage.
La profession d’agent de voyage mérite d’avoir un cadre incitatif pour permettre à ses acteurs d’être compétitifs face à la concurrence née justement de ses accords de libre échange et dont notre secteur ne profite nullement.
Notre produit est aujourd’hui commercialisé par les OTA (On line Travel Agencies) qui facturent leurs services au prix fort non pas aux clients, mais surtout aux producteurs qui doivent rogner sur leur larges pour figurer dans les premières pages. Cette Uberisation à outrance devrait nous inciter à revoir notre modèle de fonctionnement et ne pas nous laisser enfermer par des textes de loi qui loin de nous protéger ne feront que nous affaiblir encore plus.
L’Office National Marocain du Tourisme a un rôle important à jouer dans l’accompagnement des agences de voyages marocaines surtout dans sa nouvelle stratégie digitale. Nous avons eu l’occasion d’en discuter lors d’une journée de réflexion initiée par l’ARAVMS sous le thème « Les Agences de Voyages face à la désintermédiation » le 25 janvier 2017 et avons publié un certain nombre de recommandations qui pourraient être mises en œuvre tant par l’ONMT que par le Ministère du Tourisme et les associations régionales d’agences de voyages.
La profession a plus besoin de leviers que de moyens coercitifs pour pouvoir jouer pleinement son rôle. C’est ce qui devrait transpirer de ce projet de loi.
Madame la Secrétaire d’Etat au Tourisme nous a assuré de sa pleine disposition à nous accompagner dans une dynamique de rupture et ne compte en aucun cas passer en force. De notre coté, nous devrions nous organiser pour être une force de proposition en mettant en commun notre intelligence collective et instaurer un climat de confiance mutuelle.