Après la cigarette et l’alcool, le droit de la santé vient s’attaquer à l’apologie de la maigreur dans le domaine de la publicité en imposant d’afficher une mention « photographie retouchée » sur les photos de mannequins dont la silhouette a été modifiée après captation de son image.
- Contexte
En France, l’anorexie mentale[1] toucherait environ 30 à 40 000 personnes, soit environ 1.5% des femmes de 15 à 35 ans. Après les accidents de la route, les troubles du comportement alimentaire seraient d’ailleurs la 2ème cause de mortalité chez les 15-24 ans.
Pour lutter contre ces souffrances psychologiques mettant en danger la santé et la vie de ces personnes anorexiques, le projet de loi Santé de Marisol Touraine de 2015 (devenue la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé) avait fait l’objet d’un amendement du député Olivier Véran, le lundi 16 mars 2015, pour interdire et sanctionner l’apologie de la maigreur excessive que l’on retrouve souvent sur les sites dits « pro-ana »[2] (c’est-à-dire pro-anorexique) à l’influence néfaste sur les plus jeunes.
Cet amendement n’avait cependant pas été retenu. L’un des arguments contre avançait que cela reviendrait à stigmatiser les jeunes femmes à l’origine de ces sites et à les pousser encore plus dans la maladie. Au contraire, ces sites leur permettraient non seulement de s’exprimer dans un but cathartique, mais permettraient aussi de les identifier et de pouvoir ainsi les aider.
La question de savoir si la consultation de ces sites incite à l’anorexie reste donc en suspens…
- Mentionner les images non réalistes de mannequins
L’article 19 de la loi Santé du 26 janvier 2016 s’attaque finalement aux images de mannequins, que l’on sait maintes fois retouchées pour en faire disparaître ce qui serait considéré comme des défauts du corps féminin.
Le ministère des affaires sociales et de la santé explique ainsi, à l’occasion de la publication du texte d’application prévu par cet article, que « L’exposition des jeunes à des images normatives et non réalistes du corps entraîne un sentiment d’autodépréciation et une mauvaise estime de soi pouvant avoir un impact sur les comportements de santé »[3]. Dès lors, ces dispositions « visent à agir sur l’image du corps dans la société pour éviter la promotion d’idéaux de beauté inaccessibles et prévenir l’anorexie chez les jeunes »[4].
Cet article 19 institue ainsi un nouvel article L2133-2 au Code de la santé (CSP) publique rédigé de la manière suivante : « Les photographies à usage commercial de mannequins (…) dont l’apparence corporelle a été modifiée par un logiciel de traitement d’image afin d’affiner ou d’épaissir la silhouette du mannequin doivent être accompagnées de la mention : » Photographie retouchée « ».
Le non-respect de cette disposition est sanctionné de 37 500 € d’amende, « le montant de cette amende pouvant être porté à 30 % des dépenses consacrées à la publicité ».
- Les modalités de la mention obligatoire « Photographies retouchées »
Le décret relatif aux photographies à usage commercial de mannequins dont l’apparence corporelle a été modifiée (n°2017-738) du 4 mai 2017 vient préciser les modalités d’application de la mention « Photographies retouchées ».
Il précise que cette mention est obligatoire sur les photographies « insérées dans des messages publicitaires » diffusés sur les supports suivants : affiches, publications de presse (magazines, catalogues et prospectus), internet (article R2133-4 CSP).
Cette mention doit ensuite être présentée de « façon accessible, aisément lisible et clairement différenciée du message publicitaire ou promotionnel » (article R2133-5 CSP).
Enfin, l’article R2133-6 CSP prévoit que l’annonceur doit s’assurer que les photographies en question et qu’il achète « en direct ou par l’intermédiaire de différents prestataires ont fait l’objet ou pas d’une modification par un logiciel de traitement d’image afin d’affiner ou d’épaissir la silhouette du mannequin ».
Ce décret entre en vigueur le 1er octobre 2017…. Qu’on se le dise…
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[1] Trouble du comportement alimentaire entraînant une privation alimentaire stricte et volontaire pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, selon la définition de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale).
[2] Ces sites promeuvent l’anorexie et l’extrême maigreur comme seules conditions pour atteindre des idéaux de beauté féminins, en prodiguant toutes sortes de préceptes dangereux de dénutrition.
[3] Communiqué de presse de Marisol Touraine du 5 mai 2017.
[4] Communiqué de presse de Marisol Touraine du 5 mai 2017.
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