Robert Longo emphase et volupté
Robert Longo, Pop Art, hyperréalisme, dessin, fusain, mine de plomb | Article publié par Thierry Grizard le 20 juin 2017.
Robert Longo un artiste ambiguë
Robert Longo (né à Brooklyn en 1953) est un artiste équivoque. On ne sait pas si il faut le considérer comme un énième avatar de l’hyperréalisme dans ce qu’il a notamment de plus superficiel, voire kitsch ou même purement commercial ou un authentique artiste au prise avec une autre lecture du réel.
On peut supposer que la réponse est complexe, qu’il n’y a pas de solution univoque.
Ce qui tout d’abord caractérise le travail de l’artiste américain c’est la virtuosité.
© Robert Longo. « The mysteries », Untitled (In the Garden, Et in Arcadia Ego).
Le dessin monumental
Il a été un des rares à avoir porté le dessin à une dimension outrepassant le cadre étriqué où l’avait cantonné ses origines liées à l’imprimerie lequel exigeait une dimension contrainte. Sans même évoquer le fait que le dessin a longtemps été considéré comme une esquisse pour un travail plus noble, la peinture ou la sculpture.
Robert Longo à non seulement grâce à son immense technicité donner une dimension monumentale au dessin le mettant sur un pied d’égalité avec la peinture, le tableau. Il a su aussi insuffler à ses travaux un aspect profondément sculptural.
De ce point vu le travail de Longo est exceptionnel surtout si on le resitue aux débuts de sa carrière. Il a fait du dessin une œuvre de sculpteur.
© Robert Longo. « Monsters ».
Les filiations
Robert Longo a initié sa démarche dans les années 80 alors que l’abstraction lyrique dominante aux états unis faisait face à une vaste réaction.
En effet les nouveaux réalistes avec Robert Rauschenberg se sont dans les années 50-60 rebellé contre le diktat de l’abstraction et ont décidé de revenir au réel dans toute sa matérialité, ses aspects politiques et sociaux. On connaît la suite le Pop art quelques années plus tard prendra son essor ainsi que l’hyperréalisme. Deux mouvements associés dans leurs interrogations sur la société des mass media et le statut de l’image.
© Robert Longo. « Object ghosts », « End of the Season ».
Le Pop Art
Andy Warhol s’engageait dans l’itération, la reproduction mécanique via la sérigraphie et reprenant Duchamp remettait en cause non pas la véracité de l’image déjà invalidée mais exhumait au grand jour sa nature même. Le Pop Art est entièrement animé par la déconstruction des nouveaux canaux de communication, en particulier visuels. L’image est d’ordre iconique, elle n’est ni vraie, ni authentique et encore moins le révélateur de la subjectivité démiurgique de l’artiste. (Voir aussi notre article sur Thomas Ruff).
© Robert Longo. « Bodyhammer: .9mm ».
Les hyperréalistes
Les hyperréalistes poursuivaient une voie similaire en se transformant en moines copistes. Ils faisaient de leur apport artistique une ascèse méthodique et terriblement astreignante. Leur travail consistait à recopier littéralement non pas un motif extérieur mais une image photographique ou prélevée dans la Presse. Ils réalisaient une image exacte d’une image mécanique.
Cependant très rapidement ce programme de départ à connu des entorses multiples. En réalité le motif n’est pas une photographie mais un assemblage de photographies, les détails sont altérés, subtilement déformés ou rendus dans des manières proprement picturales.
Robert Longo n’est pas un hyperréaliste
Robert Longo est redevable en grande partie de ces deux mouvements dont il a connu les derniers soubresauts, tout du moins en peinture car la sculpture hyperréaliste à pris un tout autre essor depuis.
Robert Longo comme tous les photos réalistes excelle donc dans la technique et donne l’illusion de l’exactitude. Mais en réalité les clichés d’origine sont composés, agrandis ou étrécis et surtout modifiés par simplification des surfaces et évidemment de part le noir très profond de ses dessins au fusain et mine de plomb.
Mais à l’inverse des hyperréalistes le dessinateur américain ne cherche pas la distanciation. Tout au contraire son travail à souvent un caractère très emphatique, quasi romantique, voire dramatique à l’excès.
« © Robert Longo. Untitled (cathedral of light) », 2008-09.
Emphase et dessin
Au final la marque principale de son œuvre est la dramatisation, l’excès en taille et en effet, tout le contraire par conséquent de l’hyperréalisme. Pourtant son engagement presque physique dans ses dessins est perceptible et ne nous permet pas de douter de l’authenticité du parcours qu’il mène depuis plusieurs décennies. Il faut ajouter que la relation aux dessins de l’artiste de Brooklyn est du même registre. On est saisi par la dimension, la richesse des noirs, la prolixité des détails et le caractère presque abstrait de la touche qui est très onctueuse, charnelle jusqu’à l’abstraction.
© Robert Longo. « Untitled (Et In Arcadia Ego) », détail.
© Robert Longo. série « he msyteries ».
Néo Pop Art !
Quant aux sujets abordés ils ressortent assez bien du pop art. En effet, la principale source d’inspiration de Robert Longo relève des médias, de l’image qu’ils donnent du monde, de la société. Ce qui pourrait passer pour de l’opportunisme dans le choix des sujets s’en trouve justifié dans le cadre d’une démarche post pop art.
© Robert Longo.
De la sensualité du dessin
Finalement au delà de l’aspect spectaculaire bizarrement hollywoodien pour un New yorkais ce qui marque chez Longo c’est le geste pictural. Ça pourrait être des photographies retouchées sensationnalistes, à effets ou trop emphatiques si il n’y avait pas la sensualité extraordinaire du style et l’épaisseur des couches superposées, ce n’est photo réaliste qu’en surface. Toute la fascination de ce travail réside là. La série qui incarne le mieux ce paradoxe est celle qui est consacrée aux sous bois ou encore le travail de Robert Longo sur les grands maîtres du passé rendu exceptionnellement en petit format. Il y a encore ces dessins de glaciers dégradés par le réchauffement climatique réalisés avec une poudre blanche satinée. Ces séries n’ont rien d’excessif ou grandiloquent, elles sont comme une révélation de la puissance de la matière picturale pulvérulente du fusain et la mine de plomb. Plus que la ligne c’est la lumière en négatif, dans les noirs, qui est exaltée.
© Robert Longo.
Quelques étapes du travail de Robert Longo:
- 1979:
- « Men in the cities », Robert Longo photographie ses amis dont Cindy Sherman et Larry Gagosian dans des poses désarticulées qu’il reporte au fusain sur fond blanc abstrait dans des formats inhabituels au dessin. Le succès est immédiat.
© Robert Longo, « Men in the cities », avec Cindy Sherman et Larry Gagosian.
- 1980/90
- « Combines », série que l’artiste new yorkais débute en 1982 qui est fortement inspirée de Robert Rauschenberg et ses « combine painting ».
© Robert Longo. « Combines », « Sword of the Pig Sword of the Pig », 1982.
- « Black Flags », une série de dessins, de sculptures et d’installations autour du drapeau américain, symbole ici de coercition et violence.
© Robert Longo. « Black Flag ».
- 1990/…
- « Bodyhammers », une série sur les armes et évidemment leur prolifération aux Etats-Unis.
- 2000/…
- « The Freud Cycle », une série inspirée par des photographies du cabinet de Sigmund Freud.
© Robert Longo. « The Freud Cycle », « Untitled (View of Study Room with Books, Desk and Windows) ».
- « Monsters », les très fameuses vagues aux dimensions effrayantes et rendues comme les serres d’un monstre mythologique.
- « Heritage », Robert Longo revisite l’histoire de la Peinture (Brancusi, Picasso, Van Gogh, etc.) dans ce qu’elle a de plus populaire et iconique pour en donner une version au fusain d’une exactitude confondante. C’est de la réappropriation après Richard Prince et Elaine Sturtevant.
© Robert Longo. » Untitled (After Caravaggio, The Taking of Christ, 1602) ».
- « The Mysteries », une série inspirée par les ambiances de légendes et autres récits développant des ambiances oniriques et mystérieuses.
© Robert Longo. « Untitled (North Cathedral) »-Triptych.
- « Beginning Of The World », série abordant l’enfance dans ce qu’elle a de plus fragile: le sommeil confiant et innocent alors que le monde gronde de violence et fureur.
© Robert Longo. « Beginning of the World », « Untitled (Bruna) ».
- « Balcony », hommage à une parisienne.
© Robert Longo. « Balcony ».
- « Perfect Gods », une série composée de gueules de requins, vus comme des dieux de la violence parfaite, efficace une métaphore appuyée à la Robert Longo.
Voir aussi:
Ron Mueck et Sam Jinks.
L’hyperréalisme en sculpture
Gerhard Richter et le photo réalisme
Quelques-unes des expositions personnelles de Robert Longo:
- 2017:
- Robert Longo – The Destroyer Cycle – Metro Pictures Gallery, New York.
- 2016:
- Robert Longo – Luminous Discontent – Galerie Thaddaeus Ropac, Paris.
- 2015:
- Robert Longo: The Invention of Zero (After Malevich), 1991 – Galerie Hans Mayer, Düsseldorf.
- 2014:
- Robert Longo – Furies, Beast And Servants – Galerie Thaddaeus Ropac, Salzburg.
- Robert Longo – Metro Pictures Gallery, New York.
- Robert Longo – The Capitol Project – The Aldrich Contemporary Art Museum.
- Phantom Vessels – Galerie Thaddaeus Ropac, Salzburg.
- 2011:
- God Machines – Galerie Thaddaeus Ropac, Paris.
- Robert Longo, Uma Retrospectiva – Berardo Museum – Collection of Modern and Contemporary Art, Lisbonne.
- 2009:
- Robert Longo – MAMAC – Musee d´Art Moderne et d
Art Contemporain Nice.
- Surrendering the Absolutes – Metro Pictures Gallery, New York.
- 2008:
- Robert Longo: nights bright days – Margo Leavin Gallery, Los Angeles.
- 2007:
- Children of Nyx – Metro Pictures Gallery, New York.
- Robert Longo: Beginning of the world – Galerie Hans Mayer, Düsseldorf.
- 2006:
- Robert Longo – Galerie Daniel Templon, Paris.
- Robert Longo – Monster Waves – Carl Solway Gallery, Cincinnati.
- 2005:
- Robert Longo – deep Silence – Mönchehaus Museum Goslar.
- 2004:
- Robert Longo – The Sickness of Reason – Metro Pictures Gallery, New York.
- 2003:
- Robert Longo – Lust of the Eye – Galería Soledad Lorenzo, Madrid.
- 2001:
- Robert Longo – The Freud Drawings – Metro Pictures Gallery, New York.
- 2000:
- Robert Longo – Superheroes – LipanjePuntin Artecontemporanea, Trieste.
- 1997:
- Robert Longo – Magellan – Metro Pictures Gallery, New York.
- 1995:
- Robert Longo – Johnny Mnemonic – Galerie Thaddaeus Ropac, Paris.
- 1993:
- Robert Longo – Bodyhammers: Cult of the Gun – Metro Pictures Gallery, New York.
- 1992:
- When Heaven and Hell Change Places – Galerie Hans Mayer, Düsseldorf.
- 1991:
- Robert Longo – Galerie Daniel Templon, Paris.
- 1990:
- Robert Longo – Black Flags – Metro Pictures Gallery, New York.
- Robert Longo – Galerie Daniel Templon, Paris.
- Robert Longo – Galerie Daniel Templon, Paris.
- Robert Longo – Museum of Contemporary Art Chicago (MCA).
- 1989:
- Robert Longo – Los Angeles County Museum of Art (LACMA).
- 1988:
- Robert Longo – The Menil Collection, Houston.
- 1987:
- Robert Longo – Galerie Daniel Templon, Paris.
- 1986:
- Robert Longo – Steel Angels, Part II – Metro Pictures Gallery, New York.
- Robert Longo: Sequences/Men in the Cities – Contemporary Arts Museum Houston.
- Robert Longo – Steel Angels: Part I – Metro Pictures Gallery, New York.
- Robert Longo: sequences, men in the cities – University Art Museum – California State University, Long Beach.
- 1985:
- Robert Longo: Temple of Love – Brooklyn Museum of Art, New York.
- Robert Longo: Dis-Illusions – University of Iowa Museum of Art.
- 1984:
- Robert Longo – drawings & reliefs – Akron Art Museum.
- 1981:
- Robert Longo – Men in the Cities – Metro Pictures Gallery, New York.
« Le problème avec « Men In The Cities » c’est que ça a vraiment eu trop de succès. C’était très difficile pour moi parce que je voulais avancer. J’ai passé une grande partie de ma vie à dire que je ne les avais pas créés… qu’ils n’existaient plus. Ce n’est que depuis ces cinq ou six dernières années que je me suis dit, OK, ils font partie de moi… »
- 1979:
- Robert Longo – Boys Slow Dance – The Kitchen, New York.
- 1976:
- Robert Longo: Object Fiction (A Situation Of Props) – Hallwalls at The Church, Buffalo.
Quelques une des collections dans lesquelles Robert Longo est présent:
- Daimler Contemporary, Berlin
- Museum für Moderne Kunst (MMK), Francfort-sur-le-Main
- Kunsthalle Weishaupt, Ulm
- Museum of Contemporary Art Sydney (MCA), Sydney, NSW
- T-B A21 – Thyssen-Bornemisza Art Contemporary, Vienne
- The Montreal Museum of Fine Arts, Montreal, QC
- Centro Galego de Arte Contemporánea (CGAC), Santiago de Compostela
- Los Angeles County Museum of Art (LACMA), Los Angeles, CA
- MOCA Grand Avenue, Los Angeles, CA
- Kiasma – Museum of Contemporary Art, Helsinki
- Centre Pompidou, Paris
- Ludwig Museum – Museum of Contemporary Art – Budapest, Budapest
- Berardo Museum, Lisboa
- Tate Britain, Londres
Quelques enchères à titre d’exemple:
Série The Outward and Visible Signs of an Inward and Invisible Grace.
Untitled (Earth, for Zander) (2006).
Dessin, Fusain/papier , 182 cm x 213 cm.
Prix au marteau: 200 000 €.
Ketterer Kunst GmbH, 10/06/2017.
Allemagne.
Série « Men in cities ».
Untitled (Jules) (1981).
Dessin, Fusain, 242 cm x 121 cm.
Prix au marteau: 216 524 € .
Phillips , 10/03/2017.
Royaume-Uni.
Série « Monster ».
Bird’s Head (Kanagawa) (2003).
Dessin, Fusain/papier , 106,7 cm x 167,6 cm.
Prix au marteau: 249 788 €.
Sotheby’s , 29/09/2016.
États-Unis.
Thierry Grizard | Artefields.
Webmaster et auteur.Artefields, couvre à travers un fil d’actualité fourni et quotidien l’ensemble des expositions à Paris, en France et pays francophones, mais aussi les grands évènements internationaux. Les champs d’intérêts sont essentiellement les arts plastiques, en allant de la peinture aux installations en passant par la sculpture. Nous nous efforçons également de découvrir ou soutenir d’un point de vue rédactionnel de nouveaux talents. Les articles de fond, ou analyses tentent de prendre un peu de distance relativement à l’actualité artistique afin de mieux éclairer cette dernière. De nombreuses galeries d’images sont à la disposition du lecteur qui pourra se faire une première idée du travail des artistes concernés. La ligne éditoriale ne se veut néanmoins pas exhaustive et revendique une part inévitable de subjectivité.
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