Comme l’affirmait Malraux, «la gauche n’est rien si elle n’est pas une grande voix collective». L’immense chantier de la reconstruction d’une perspective de gauche pour la France demeure le sujet central. D’autant que la séquence électorale qui s’achève ouvre une nouvelle page de notre histoire.
À quel point en sommes-nous du peuple dit «de gauche», si ce n’est pas là un non-sujet, à condition que ceux qui aspirent à le représenter ne lâchent jamais le fil d’Ariane – la lutte pour la justice sociale – reposant sur l’union du populaire et du régalien? La trentaine de députés de combat qui viennent d’être élu(e)s, FI et PCF, constitue la bonne nouvelle du second tour pour résister au macronisme faussement triomphant. Ils se feront entendre, soutiendront les mobilisations citoyennes, proposeront des idées alternatives, bref, elles et ils se distingueront aisément au cœur de cette vaste recomposition parlementaire plus sociologique qu’idéologique. Néanmoins, comme l’affirmait Malraux, «la gauche n’est rien si elle n’est pas une grande voix collective». L’immense chantier de la reconstruction d’une perspective de gauche pour la France demeure le sujet central. D’autant que la séquence électorale qui s’achève ouvre une nouvelle page de notre histoire.
Quoi que nous en pensions et malgré les déceptions, nous avons remis quelques points sur les «i»! Pour la première fois depuis des décennies, l’hégémonie du PS n’est plus d’actualité.
Et le centre de gravité redevient le pôle de transformation radicale de la société. Ce peuple de gauche – versatile face aux divisions – a retrouvé de la conviction et de l’utilité. En cette époque où les malins dominent, et précisément parce que la tâche s’avérera encore ardue, il n’est pas interdit de croire en l’avenir et même de le provoquer. La démocratie, ce n’est pas «je vote et j’en prends pour cinq ans». La démocratie, c’est tout de suite, et pas seulement à l’Assemblée. La subordination des législatives à la présidentielle continue d’affaiblir la souveraineté populaire; ceci explique en grande partie l’abstention abyssale. Sauf que, cette fois, cette abstention record «dit» quelque chose de complémentaire: jamais le chef de l’État, avec ses pleins pouvoirs, ne pourra revendiquer une «adhésion» à ses projets… La crise politique et démocratique ne s’est pas effacée après quatre tours de scrutin ; elle peut vite se transformer en crise institutionnelle. Pour y répondre, la gauche de combat n’en a pas fini de travailler, de se modifier, de se rassembler autant que possible, d’évoquer à juste titre l’horizon d’une VIe République, plus brûlante que jamais. Rien à voir avec un droit d’inventaire. Appelons cela le droit d’invention.
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 20 juin 2017.]